Intervention de Bérangère Couillard

Réunion du 10 janvier 2023 à 14h30
Gestion de l'eau dans une perspective économique et écologique — Débat organisé à la demande du groupe les républicains

Bérangère Couillard :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dialoguer, écouter, débattre, agir : sur le sujet de l’eau plus encore peut-être que sur tout autre sujet, il nous faut faire tout cela en même temps, alors même que l’urgence climatique bouleverse notre gestion quotidienne de l’eau.

Je salue tout d’abord cette initiative sénatoriale consistant à lancer un tel débat sur notre politique de gestion de l’eau. Ainsi l’occasion nous est-elle donnée d’échanger publiquement sur un sujet éminemment stratégique pour notre nation.

Nous avons longtemps été habitués à ce que l’eau soit partout. Dans un pays comme la France, l’eau est majoritairement tenue pour acquise, courante et peu chère.

Toutefois, si nous voulons la préserver, nous devons lui redonner sa véritable valeur et apporter le plus grand soin à la gestion de cette ressource stratégique.

Le changement climatique entraîne des bouleversements profonds du cycle de l’eau. La sécheresse que nous avons connue en 2022 a été intense et prolongée. Elle a eu un retentissement sans précédent auprès de l’opinion publique. De très nombreux Français ont ressenti ses effets dans leur quotidien, au gré des restrictions et des interdictions.

Cet épisode a fait prendre conscience à nos concitoyens à quel point l’eau était une ressource précieuse et un patrimoine commun de la Nation à préserver. Il a aussi révélé des éléments à améliorer dans notre gestion de crise. Tel est l’objet de la mission d’inspection qui a été diligentée et qui rendra ses recommandations au premier semestre de 2023.

Au-delà de la gestion de crise, il nous faut aussi engager des évolutions structurelles de la gestion de l’eau.

Pour autant, et vous en conviendrez en tant que représentants des collectivités, mesdames, messieurs les sénateurs, nous n’avons pas attendu l’été 2022 pour agir.

Depuis 1964, nous avons une politique de l’eau structurée, organisée et fortement outillée.

La France a placé les collectivités au centre de la politique de l’eau. L’organisation par bassin fait figure d’exemple sur la scène internationale et nous pouvons, collectivement, en être fiers. Nous disposons d’outils et nous sommes en mesure de trouver des solutions face aux défis qui se présentent à nous.

Je vois cette prise de conscience de l’opinion publique comme une occasion de mobiliser l’ensemble des acteurs – particuliers, industrie, agriculture, tourisme, secteur public – dans une même dynamique, sans opposition, sans accusation.

Si, aujourd’hui, nous reposons les termes d’un débat sur la ressource en eau, c’est parce que sa raréfaction rend la question du partage entre ses différents usages de plus en plus cruciale.

Nous devrons être capables d’arbitrer la question du partage de cette ressource, dans la concertation et dans un esprit de responsabilité collective.

Il nous faut aussi construire un cadre propice au déploiement de solutions dans les territoires.

Nous devons nous donner les moyens d’investir pour économiser l’eau, l’utiliser efficacement et selon une logique circulaire, préserver sa qualité et minimiser l’impact environnemental de cette utilisation.

Je sais que le Sénat est particulièrement attentif au sujet de la gestion de l’eau. Les territoires sont en première ligne face aux enjeux et défis afférents.

Je veux avoir un mot pour les collectivités, pour les services de l’État et pour les acteurs économiques qui ont été les plus confrontés à la gestion de crise, car je sais que cette année a été particulièrement éprouvante.

Le Sénat a déjà produit un rapport d’information sur la gestion de l’eau en 2016 intitulé Eau : urgence déclarée, et j’ai pris connaissance avec beaucoup d’attention du dernier rapport d’information publié par la Haute Assemblée sur ce sujet au mois de novembre 2022.

Madame la sénatrice Belrhiti, vous l’avez souligné, ce rapport d’information soulève plusieurs préoccupations partagées par un grand nombre d’acteurs de l’eau.

Vous vous demandez de quels moyens disposeront les collectivités pour agir dans la préservation du grand cycle de l’eau.

Vous vous posez la question de la mise en cohérence des échelons de gouvernance.

Vous promouvez un dialogue renforcé entre les instances de définition des politiques publiques territoriales.

Vous vous interrogez sur la possibilité de lever des freins à l’innovation, dont certains sont réglementaires, comme sur le sujet de la réutilisation des eaux usées.

Ces questions font pleinement écho aux enjeux identifiés lors du lancement du chantier sur la gestion de l’eau qui s’inscrit dans la planification écologique promue par la Première ministre.

Christophe Béchu, Agnès Firmin Le Bodo et moi-même avons inauguré ce chantier, le 29 septembre dernier, avec l’objectif de coconstruire un plan d’action mobilisant l’ensemble des parties prenantes, de bâtir du consensus et de repolitiser le sujet de l’eau.

Il ne s’agissait pas de refaire les assises de l’eau ou le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique : les engagements sont pris et nous nous y tiendrons.

Nous nous sommes appuyés sur les instances de gouvernance et les compétences existantes. Nous avons ainsi mobilisé le Comité national de l’eau (CNE) pour organiser une large concertation des acteurs.

Cette concertation, nous avons souhaité qu’elle soit également déployée dans les territoires, dans les comités de bassin, car notre volonté est bien d’affirmer le principe d’une politique de l’eau décentralisée et concertée avec l’ensemble des usagers.

La phase de concertation vient tout juste de s’achever.

Le Comité national de l’eau et les présidents des comités de bassin m’ont présenté leurs contributions jeudi dernier. Je tiens à souligner la richesse des réflexions, l’important travail accompli pour construire du consensus et les propositions très concrètes qui ont été formulées.

Ce plan d’action ne sera pas le plan d’action de l’État : il sera notre plan d’action collectif. Je compte sur les collectivités que nous avons consultées pour s’associer à sa mise en œuvre.

Christophe Béchu, Agnès Firmin Le Bodo et moi-même présenterons le contenu de ce plan le 26 janvier prochain, lors du carrefour des gestions locales de l’eau.

Ce plan comportera des mesures très concrètes, qui prendront effet à très court terme. Des chantiers stratégiques y seront aussi ouverts, qui permettront de préparer le long terme et se traduiront notamment dans le douzième programme des agences de l’eau.

Sans dévoiler son contenu aujourd’hui – je vous donne rendez-vous dans quinze jours, mesdames, messieurs les sénateurs ! –, je peux d’ores et déjà vous confirmer qu’il traitera des enjeux de gouvernance et de financement et qu’il déclinera un ensemble de mesures tournant autour des quatre enjeux suivants : limiter le gaspillage et promouvoir la sobriété ; opérer, dans la concertation, un partage juste de la ressource ; permettre un accès sécurisé à une ressource en eau potable de qualité ; restaurer un grand cycle de l’eau fonctionnel pour préserver les écosystèmes.

Ce plan traduit une conviction commune : la ressource en eau en France est précieuse, précieuse pour nos écosystèmes, précieuse pour notre santé, précieuse pour notre économie.

Nous devons repolitiser les enjeux territoriaux de l’eau, en particulier les questions de partage de la ressource.

Nous devons nous réunir autour d’une ambition forte pour favoriser des solutions d’adaptation dans nos territoires.

Je serai ravie de revenir au Sénat vous présenter l’ambition et le contenu de ce plan. En attendant, je suis à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

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