Intervention de Rémy Pointereau

Réunion du 10 janvier 2023 à 14h30
Gestion de l'eau dans une perspective économique et écologique — Conclusion du débat

Photo de Rémy PointereauRémy Pointereau :

Si le Sénat a bien alerté l’État sur le sujet, disais-je, rien n’a changé ! Que voulez-vous, mes chers collègues, au Sénat, nous avons souvent raison trop tôt ; c’est notre croix…

En réalité, nous avons oublié que l’eau était une ressource non qui se crée, mais qui se gérait ; or, pardon de le dire, nous ne savons pas la gérer, Cédric Vial l’a rappelé. Alors que d’autres pays, pourtant proches de nous, comme l’Espagne, l’Italie ou le Portugal, se sont lancés dans la réutilisation des eaux usées et dans la construction de réserves de substitution, nous continuons, nous, à regarder ces milliards de mètres cubes être gaspillés…

Autre preuve de la mauvaise gestion de cette ressource dans notre pays, le nombre d’acteurs qui gravitent autour de la politique de l’eau… Le 25 janvier dernier s’est tenu dans cet hémicycle un débat sur les agences de l’eau. À cette occasion, j’ai dénoncé le « labyrinthe crétois » que représente l’enchevêtrement des instances qui prennent les décisions : les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) les comités de bassin, les associations environnementales, qui sont d’ailleurs surreprésentées, les agences de l’eau, de taille XXL, ou encore les préfets coordinateurs de bassin.

L’État a ainsi suscité un émiettement des responsabilités, qui est illisible, surtout pour les élus locaux, mais il ne s’est pas contenté de cela ! Parce qu’ils appartenaient à la catégorie des « budgétivores », il a également piétiné les principes forts de gestion de l’eau issus de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dite Lema, notamment le principe selon lequel « l’eau paie l’eau ». Avec une diminution de 400 millions d’euros par-ci, un prélèvement de 200 millions d’euros par-là, nous sommes passés de ce principe à celui selon lequel « l’eau paie l’État », comme l’a rappelé Catherine Belrhiti.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, nous avons tenté de revenir à ce principe fondateur, en rehaussant le plafond mordant des agences de l’eau, mais vous connaissez comme moi, mes chers collègues, la réponse du Gouvernement sur ce sujet, comme d’ailleurs sur l’ensemble du texte budgétaire : « Sénat, cause toujours, ça m’intéresse ! » Pourtant, cette mesure aurait permis de mieux financer l’eau et l’assainissement, comme l’ont rappelé Anne Ventalon, Alain Cadec et Jean-Marc Boyer.

Pardon d’être aussi cru, madame la secrétaire d’État, mais voilà ce qui arrive lorsque l’on ne fait pas avancer les choses sur un sujet si crucial, alors que d’autres ne cessent par ailleurs de tirer la sonnette d’alarme.

En résumé, l’ensemble des interventions de cet après-midi pourraient être réunies en une seule recommandation : il faut élaborer une Lema 2. En effet, si la loi de 2006 a permis de poser un cadre et d’atteindre un certain nombre d’objectifs, notamment l’amélioration qualitative de l’eau, elle n’a pas apporté de solution en matière de gestion quantitative de cette ressource.

Aussi n’aurai-je qu’une question à vous poser, madame la secrétaire d’État : êtes-vous favorable à une seconde Lema ? Si oui, nous sommes déjà en mesure de vous donner des orientations. En ces temps de crise de l’énergie, il faudrait relancer la production d’hydroélectricité, via une politique de construction de nouveaux barrages, ce qui permettrait en outre de soutenir l’étiage de nos rivières. Il conviendrait également de faciliter la petite hydroélectricité de nos rivières et moulins. Il serait par ailleurs nécessaire de simplifier les instances qui mettent en œuvre les politiques de l’eau. Il importerait en outre de renouer avec le principe « l’eau paie l’eau » et de favoriser la réutilisation des eaux usées. Enfin, il faudrait garantir l’accès à l’eau du secteur de l’alimentation en eau potable pour les productions alimentaires.

En effet, on ne peut pas continuer d’imposer aux agriculteurs d’accomplir les douze travaux d’Hercule pour pouvoir réaliser une réserve de substitution. Aux écologistes radicaux qui font le choix de la violence contre la création de ces réserves, nous devons rappeler que, jusqu’à preuve du contraire, il faut de l’eau pour l’agriculture même biologique, surtout si l’on veut diversifier notre production et conserver notre indépendance alimentaire, au lieu d’importer du maïs et du soja issus d’organismes génétiquement modifiés (OGM) ou de semences venues de l’autre bout du monde – et ce n’est pas Laurent Duplomb qui me contredira.

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