Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à écouter tous les orateurs, j’ai eu l’impression de revivre un peu le paradoxe de la poule et de l’œuf : constamment, on s’est demandé si les ZFE devaient entraîner une adaptation de notre parc roulant ou s’il aurait plutôt fallu adapter celui-ci avant de les mettre en place.
Il se trouve que la loi a été votée – certains d’entre nous ne siégeaient pas encore sur ces travées – et qu’elle existe. Il convient désormais de l’appliquer, et ce de la meilleure manière possible pour les citoyens et les acteurs économiques.
Comme il a été largement rappelé, c’est un enjeu vital, puisque la pollution de l’air réduit d’environ 2, 2 ans l’espérance de vie et qu’elle entraîne plusieurs milliers de morts par an.
Pour autant, nous ne sommes pas prêts. Nous ne le sommes pas, parce qu’il n’existe pas aujourd’hui de réseau de transport performant dès lors que l’on réside hors d’une métropole et que l’on souhaite s’y rendre. Les réseaux de transport sont conçus soit à l’échelle de l’aire urbaine, soit pour des déplacements entre grandes métropoles, mais non pour se rendre depuis la zone périurbaine vers le cœur d’activité de la zone urbaine.
Nous ne sommes pas prêts, parce que, de fait, le système d’aides en vigueur pénalise ceux qui résident en dehors de la ZFE. Actuellement, si vous résidez dans la ZFE, vous allez bénéficier d’aides majorées ; si vous vivez en dehors, même si vous devez vous y rendre, vous n’y avez pas droit.
Les citoyens sont aussi pénalisés en fonction de leur agglomération de résidence : si vous êtes dans une ZFE qui a des moyens, vous allez pouvoir profiter d’une majoration de l’aide versée par l’État. Pourquoi ces différents systèmes, alors que l’enjeu de la voiture est le même pour chacun ?
Nous sommes aussi en retard parce que, aujourd’hui, notre parc roulant n’est pas prêt. Nous n’avons pas assez de véhicules de substitution, notamment lorsqu’il est question de catégories techniques spécifiques.
En outre, pardonnez-moi, monsieur le ministre, vous nous annoncez que l’on atteindra au premier semestre 2023 le palier de 100 000 bornes de recharge, mais il me semble que cet objectif était fixé pour 2021 : on peut certes toujours se réjouir d’être prêt à un moment ou à un autre, se dire que le retard pourrait être pire encore, mais nous avons bien deux ans de retard en la matière !
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous nous annoncez un programme de communication à partir du premier semestre 2023, mais c’est là encore beaucoup trop tard ! C’est en octobre 2018 que l’État et quinze métropoles se sont engagés pour développer des zones à faibles émissions d’ici à 2020. On aurait pu faire tout cela beaucoup plus tôt !
Pour autant, le Sénat a déjà proposé un certain nombre de mesures concrètes, qui pourraient s’avérer utiles.
Vous avez vanté à l’instant les effets du leasing, mais pourquoi l’État refuse-t-il d’en ouvrir le bénéfice aux collectivités en incluant ces dépenses dans le champ du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ? Cette idée figure pourtant dans des documents produits par votre ministère, certes avant votre entrée en fonction.
Pourquoi a-t-il fallu autant de temps pour mettre en place le prêt à taux zéro ? Notre assemblée l’avait voté dès décembre 2020, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2021.
Pourquoi met-on autant de temps à s’intéresser aux émissions de particules de freinage ? C’est pourtant un véritable sujet, que vous avez rapidement évoqué en réponse à la question de Laurence Garnier sur les avions : 80 % des émissions de particules fines d’un véhicule ne sont pas prises en compte aujourd’hui, parce qu’elles émanent du système de freinage ! Une start-up française, Tallano, travaille sur ce sujet depuis dix ans. En France, elle en est uniquement au stade des essais, alors qu’elle a réussi à diffuser largement sa technologie en Asie. Pourquoi sommes-nous autant en retard ?
Précisons que cette question n’est pas uniquement liée aux voitures individuelles à moteur thermique ; elle est encore plus importante quand on s’intéresse aux systèmes de transports collectifs que sont les métros et les RER. Il conviendrait de s’attaquer à ce véritable enjeu de santé publique des transports collectifs et des zones urbaines.
Je sais que la France regarde avec intérêt ce qui va se produire dans le cadre des discussions européennes sur la nouvelle norme Euro 7, mais nous ne pouvons attendre plus longtemps.
Enfin, monsieur le ministre, une dernière chose m’a quelque peu choquée. Vous ne pouvez pas dire : « Ce n’est pas moi, c’est l’autre ! » ; vous ne pouvez pas dire : « Ce sont les collectivités qui vont trop vite pour mettre en place les ZFE, ce n’est pas l’État qui en a décidé ainsi… » Pardonnez-moi, mais l’enjeu de santé humaine nous concerne tous. Si des collectivités ont décidé d’aller plus vite, il faut les accompagner, parce que nous en tirerons collectivement les bénéfices !