Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vendredi dernier, le Président de la République, lors de la présentation de ses vœux aux personnels de santé, a reconnu que notre système de santé connaissait une crise multifactorielle et qu’il fallait le réorganiser, mais ce sans moyens supplémentaires.
Ainsi, alors que l’hôpital est à l’agonie, que la médecine de ville est en grande difficulté, aucun financement exceptionnel ne sera dégagé par le Gouvernement.
Emmanuel Macron a acté l’épuisement des soignantes et des soignants, constaté que de nombreux patients n’ont plus de médecin traitant, déploré que de plus en plus d’étudiantes et d’étudiants infirmiers abandonnent leurs études en cours de route. Ce sont autant de problèmes que nous avons dénoncés dans cet hémicycle, sans que les ministres au banc les prennent en compte.
Et le président Macron continue dans la même veine en prescrivant les mêmes remèdes qui ont aggravé les maux de notre système de santé.
Pour répondre à la grogne des médecins libéraux, notamment à propos de la charge administrative excessive qui est la leur, il a promis de créer 10 000 postes d’assistants médicaux d’ici à la fin de 2024, sans pour autant instaurer de dispositif de régulation à l’installation. Il a également misé sur une forme de récompense pour celles et ceux qui accepteraient de prendre en charge davantage de nouveaux patients.
S’agissant des gardes de nuit et des week-ends, au lieu de revenir sur le décret Mattei qui, en 2002, a supprimé l’obligation pour tous les médecins d’y participer, il en est resté à des mesures d’incitation particulièrement inefficaces.
Je vous rappelle, madame la ministre, que notre groupe demande depuis des années le rétablissement de cette obligation pour les généralistes, ainsi que pour les spécialistes, d’assurer ces permanences.
Face aux nombreuses luttes en cours du côté des médecins libéraux et des personnels hospitaliers, aux alertes de plus en plus nombreuses en raison de la triple épidémie de covid-19, de bronchiolite et de grippe, qui renforce le désarroi et la colère des soignants, on aurait pu espérer que les réponses du Président changent radicalement la donne.
Or, alors que les différents personnels sont épuisés, que toutes et tous remettent en cause les conditions et la charge de travail, qui entraînent les départs en nombre de praticiens hospitaliers, ce seraient les 35 heures qui seraient à l’origine de la désorganisation de l’hôpital.
Mais pourquoi ne pas plutôt s’interroger, madame la ministre, sur la hausse du nombre d’embauches qui aurait dû accompagner cette baisse du temps de travail ? Pensez-vous motiver les équipes, au bout du rouleau, en leur demandant de gérer la pénurie de personnels ?
Les revendications sont sur la table depuis longtemps : revalorisation des carrières et augmentation des traitements indiciaires de la fonction publique, moratoire sur les fermetures de services, d’établissements, ainsi que sur les suppressions de lits. Depuis 2017, 21 000 lits d’hospitalisation ont été supprimés, soit 5 % des capacités d’accueil !
Mais, surtout, il y a urgence à mettre en place un plan de recrutement dans le service public hospitalier, en créant 100 000 emplois, comme le demandent les syndicats et les collectifs de défense de l’hôpital.
Parallèlement, il faut revenir sur Parcoursup, supprimer le numerus apertus et accroître les capacités de formation des universités.
En outre, pour mieux articuler soins hospitaliers et soins de ville, il convient de développer des centres de santé partout en France, en veillant à leur attribuer les moyens nécessaires.
Madame la ministre, mes chers collègues, ce qui ressort des nombreuses auditions que la commission des affaires sociales a conduites, c’est la déshumanisation de l’hôpital et l’hérésie d’un « hôpital-entreprise ».
Aussi, pour redonner de l’attractivité à l’hôpital, il faut « redonner de la bientraitance institutionnelle », comme le souligne le docteur Gérald Kierzek, médecin urgentiste.
Cela passe, outre l’amélioration des conditions de travail que j’ai déjà mentionnée, par la mise en œuvre de la démocratie sanitaire.
Ainsi, la création d’un tandem administratif et médical est une mesure positive qui répond à une demande très forte des soignants hospitaliers. Il faudra l’accompagner d’autres mesures, comme la suppression des pôles au profit des services, le retour d’un conseil d’administration qui garantisse une meilleure représentation des personnels, des élus, ainsi que des usagers, et qui soit doté d’un droit de veto sur le budget et le projet d’établissement.
Alors, bien sûr, il faut rompre avec la T2A. Mais l’essentiel est d’arrêter de faire voter un budget de la sécurité sociale insuffisant chaque année, car nous en subissons les conséquences au travers de la dégradation quotidienne de l’offre de soins pour toutes et tous sur l’ensemble du territoire.
En conclusion, madame la ministre, ma question est simple : allez-vous enfin garantir un financement de l’assurance maladie à la hauteur des besoins, et donc augmenter les recettes au lieu de réduire les dépenses, ce qui met à mal l’hôpital et la médecine de ville ?