Intervention de Jean-Yves Roux

Réunion du 11 janvier 2023 à 15h00
Crise du système de santé — Débat d'actualité

Photo de Jean-Yves RouxJean-Yves Roux :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout au long du XXe siècle, la France avait le meilleur système de santé du monde. Mais depuis trente ans, si l’excellence est toujours là, notre système de santé publique connaît sans doute l’une des plus grandes crises de son histoire.

C’est bien simple, trop de nos concitoyens, ruraux en particulier, ne trouvent plus de médecins de ville et les médecins qui restent n’en peuvent plus.

C’est tout le système de santé qui doit donc se réinventer, moyennant l’investissement de tous, à la mesure de ses moyens, et grâce à la responsabilité de chacun.

Lors de ses vœux aux personnels soignants, le Président de la République a évoqué quelques pistes d’action, dont certaines méritent d’être précisées.

Parfois, ce qui paraît être une bonne idée peut s’avérer complexe. Je citerai un exemple, celui des 600 000 malades chroniques. Un malade chronique peut souffrir de diabète, d’une entorse au pied ou d’une dépression. Pas de chance, me direz-vous, mais à qui devra-t-il alors s’adresser, sachant que le médecin de ville est la personne à qui l’on parle de tout ?

Vous me permettrez en effet d’adopter un point de vue, celui du patient qui cherche, qui parfois a peur et qui doit être aiguillé, parce que ce n’est pas son métier. À ce titre, le préadressage est essentiel. Nous souhaitons rapidement surdoter les centres 15 et 18 dans chaque département. Nous demandons la prompte mise en œuvre des plateformes de service d’accès aux soins (SAS), prévues pour orienter convenablement les patients, selon une logique de pluridisciplinarité. Nous pensons qu’il est utile de généraliser des plateaux techniques avec des infirmiers en pratique avancée, permettant de traiter la « bobologie », quand cela est opportun, ou de préadresser les patients aux urgences avec des examens déjà réalisés.

Le Président de la République a évoqué une sorte de donnant-donnant visant à rétablir des permanences de santé contre une consultation mieux rémunérée. Des maisons médicales de garde ouvertes le week-end seraient, à nos yeux, un objectif prioritaire. Les plateformes SAS pourraient déjà disposer de créneaux de réservation de rendez-vous des médecins de ville, des kinésithérapeutes ou des infirmiers. Nous souhaitons en retour que les rendez-vous non honorés soient sanctionnés quand l’abus est manifeste, parce que ces créneaux sont des trésors.

Nous avons besoin d’une réelle régulation publique, décentralisée et pluridisciplinaire.

Où concentrer nos efforts à moyen terme ? Dans les territoires, avec les acteurs locaux, et ce dès le début de la scolarité supérieure. Nous avons constaté que les plus jeunes médecins et infirmiers souhaitaient pratiquer la médecine de façon collégiale, une proposition identique devrait alors être faite – je le crois – à nos étudiants.

Nous déplorons tous l’installation des jeunes médecins ailleurs que dans nos territoires ruraux ou sous-dotés. Cependant, c’est oublier que la cassure territoriale se produit dès le premier stage d’internat. Nous proposons ainsi la création de lycées médicaux, ou d’options médicales, sur le modèle des lycées agricoles.

Nous croyons également nécessaire d’introduire, de nouveau, un entretien dans le cadre des inscriptions en école d’infirmiers et en faculté de médecine, afin d’éviter de trop nombreux abandons, mais aussi de permettre le redoublement de la première année pour empêcher les fuites à l’étranger.

Nous proposons l’agrandissement des instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) et la création de petits centres universitaires médicaux décentralisés dans des villes moyennes, adossés à des logements. Ainsi, les étudiants en médecine, insupportablement sous-payés, pourront découvrir, avec leurs amis, la réalité de nos territoires, dans le cadre d’une démarche contractualisée. Ils n’auront plus à s’inquiéter de trouver un toit ni de chercher à revendre leurs tours de garde à des camarades plus riches afin d’assurer leur subsistance. Les collectivités locales y sont prêtes. Les Alpes de Haute-Provence y sont prêtes, car nous savons combien un soignant en devenir, ou en place, est précieux.

Cela me conduit à mon dernier point.

Nos territoires sous-dotés ont dû investir dans le recours à des médecins intérimaires hospitaliers, parce que rien ne marchait. Nous ne cautionnons pas ces pratiques, mais il est cependant nécessaire de faire avec l’existant. Le Conseil constitutionnel a censuré une disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale limitant ce recours, tandis que la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, prévoyait une restriction d’emplois au cours de cette année. Le flou profite déjà aux intérimaires, qui dressent des listes d’établissements acceptant ces pratiques, et il est bien évident que nos établissements publics hospitaliers ne pourront pas s’aligner.

Madame la ministre, comment nos hôpitaux, déjà exsangues, pourront-ils tenir s’ils sont désertés du jour au lendemain par ces intérimaires ? Ne pourrions-nous pas créer, dans ces cas précis, des postes fixes dans les structures concernées ?

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