Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez choisi de consacrer l’un de vos premiers débats de l’année qui s’ouvre à la crise du système de santé ; je suis d’accord avec vous pour considérer comme une priorité la nécessité de s’attaquer aux difficultés structurelles dont souffre notre système de santé et je partage avec vous le sens de l’urgence qu’exprime clairement la notion de crise, que vous avez choisi de développer.
En effet, si nous sortons aujourd’hui de la violente tempête épidémique de la covid-19, dont les vagues successives ont ébranlé notre système de santé, celui-ci n’en est pas moins en « crise » et vos nombreuses questions et interventions le démontrent.
Oui, la baisse inexorable de la ressource médicale, conséquence de choix politiques d’un autre temps, le vieillissement de notre population, la mutation des modes de vie et des aspirations des professionnels de santé, la perte de sens de ces beaux métiers du soin sont des déterminants de la crise systémique qui se fait jour dans un monde qui change. Ce constat de crise, ce diagnostic, a déjà été maintes fois posé et le Président de la République a eu l’occasion de le rappeler vendredi dernier, lors de ses vœux aux acteurs de la santé.
Une fois cela dit et répété, il nous faut désormais être à la hauteur des enjeux dans ce qui constitue un moment charnière : nous devons bâtir. Le Président de la République a tracé un cap clair le 6 janvier dernier dans son allocution à l’hôpital de Corbeil-Essonnes et il a posé des jalons pour la mise en œuvre des mesures à prendre. Pour faire avancer ensemble ce chantier collectif, nous avons fixé un horizon et des objectifs.
Notre premier combat reste celui de la lutte contre toutes les inégalités en matière de santé, que celles-ci soient sociales, géographiques ou liées à des vulnérabilités particulières, comme le handicap ou le grand âge. Un chiffre symbolise pour moi cette crise de l’accès aux soins : 657 000 de nos concitoyens, atteints de maladies chroniques, n’ont pas accès à un médecin traitant ou à une équipe soignante. Cette réalité, il faut la regarder en face, sans que cela la rende pour autant plus tolérable.
J’ai pu le souligner précédemment, une bonne politique fait correspondre le temps bref des crises avec le temps long des grands changements structurels.
Nous avons transformé le numerus clausus en numerus apertus et corrigé une erreur historique, mais les bénéfices de cette réforme ne seront visibles que dans une décennie. Aussi notre objectif et notre défi consistent-ils à mobiliser tous les leviers afin de gagner du temps médical pour nos soignants, au service des patients.
Ce temps, nous le dégagerons en délestant les médecins de toutes les tâches, notamment administratives, qui rongent leur emploi du temps, déjà largement surchargé. Ce temps, nous le partagerons mieux entre les différents maillons de la chaîne des soins, via une organisation coordonnée dans laquelle chacun pourra, à sa place, être le plus efficace et le plus utile.
Concrètement, cela passe, d’une part, par l’accélération des recrutements d’assistants médicaux, dont nous voulons porter le nombre de 4 000 à 10 000 d’ici à l’année prochaine et, d’autre part, par un effort inédit sur les formations paramédicales, avec notamment l’augmentation de 20 % des places dans les instituts de formation en soins infirmiers. Ces nouveaux paramédicaux, nous leur donnerons des perspectives d’évolution de carrière et de nouvelles compétences, grâce à toutes les mesures et expérimentations concernant la pratique avancée, l’accès direct et les délégations de compétences.
Nous nous assurerons en outre que les efforts seront plus équitablement répartis entre tous les acteurs : hospitaliers et libéraux, cliniques et hôpitaux doivent participer avec la même intensité à la permanence des soins et être rémunérés en conséquence. Pour la médecine de ville comme pour notre hôpital, nous oserons prendre à bras-le-corps le dossier de l’organisation de l’offre de soins, en accompagnant ces transformations.
Cela passera en particulier par une direction hospitalière rénovée pour mieux équilibrer les décisions, par le passage de la rémunération à l’activité à une rémunération fondée sur des objectifs de santé publique et par un assouplissement des règles relatives au temps de travail, toujours dans le but de s’adapter à la réalité et de permettre de répondre aux besoins d’un univers médico-social en mutation.
Quant à nos soignants, nous devrons très concrètement faciliter l’exercice quotidien de leur profession, dont l’exigence et parfois la pénibilité ne sont plus à prouver. Nous avancerons dans la compensation de la pénibilité et du travail de nuit et, dans l’attente de cette évolution, les mesures transitoires prises à l’occasion de la mission flash sur les urgences seront maintenues sine die. La dureté de l’exercice ainsi que l’enjeu majeur de la prévention de l’usure professionnelle seront, comme l’a dit la Première ministre hier, pris en compte dans la prochaine réforme des retraites.
Je me réjouis que nous ayons eu ce débat essentiel dans la perspective de la refondation de notre santé publique, pour laquelle certaines pierres importantes ont déjà été posées.