Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a été dit, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales est un sujet étudié de longue date par notre commission des finances. Mon collègue Éric Bocquet a rappelé nos discussions, remontant à quelques années, sur l’organisation de véritables COP fiscales et financières.
Pour sa part, en 2019, le groupe RDSE avait organisé, sur l’initiative de notre ancien collègue Yvon Collin, un débat relatif à la fraude à la TVA transfrontalière, un sujet également crucial. Cette thématique a été conservée dans les travaux de la mission d’information : je m’en félicite.
En effet, le montant de la fraude à la TVA, et plus largement à l’ensemble des impôts, est considérable. Pourtant, on bute encore sur la difficulté à évaluer le montant exact de la fraude fiscale, et ce à plusieurs dizaines de milliards d’euros près.
C’est un aspect particulièrement éclairant du rapport d’information remis à l’automne dernier : il pointe « un défaut d’évaluation du phénomène de fraude […] préjudiciable à la juste appréciation des résultats du contrôle fiscal ». On ne saurait être plus clair !
Plusieurs de nos voisins, qui ne sont pourtant pas les derniers en matière de fraude ou d’optimisation, publient des estimations de la fraude fiscale, ou, plus exactement, de l’écart entre les recettes attendues et celles qui sont effectivement recouvrées. Il s’agit principalement des pays anglo-saxons et nordiques. Cela suppose d’importants travaux méthodologiques et des contrôles aléatoires. Cette mission pourrait concrètement relever de l’Insee.
Une première évaluation – bonne nouvelle ! – a été donnée en 2022 pour la TVA : entre 20 milliards et 25 milliards d’euros de fraude par an. Cela représente un taux de fraude sur la première ressource fiscale compris entre 10 % et 15 %.
Notre arsenal juridique en matière de lutte a pourtant évolué ces dernières années. Je pense en particulier à la suppression du fameux verrou de Bercy, en 2018, à mettre au crédit du précédent gouvernement. Avant, le juge avait l’initiative des poursuites non pour fraude fiscale, seulement pour blanchiment de fraude. Dorénavant, la justice dispose de marges de manœuvre plus importantes, même si cela a pour conséquence logique une forte hausse du nombre de dossiers à traiter par le parquet national financier.
Plus largement, la lutte contre la corruption a été renforcée depuis l’adoption de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2. Les entreprises et les banques implantées en France se voient désormais appliquer des règles de conformité plus strictes, entrant également dans le cadre d’accords internationaux, comme ceux de Bâle III.
Parallèlement, les technologies évoluent aussi : l’échange automatique de données est une réalité, bien que les moyens de contournement soient eux aussi toujours plus sophistiqués. Les règles internationales plus strictes ont eu pour effet collatéral le développement de la finance de l’ombre, tandis que le système Beps (Base Erosion and Profit Shifting) de l’OCDE, visant à lutter contre l’érosion des bases fiscales, reste facultatif dans bien des domaines.
Les propositions d’évolution législative se heurtent à des difficultés de procédure. Je pense ainsi aux dispositions de la dernière loi de finances censurées il y a quelques jours par le Conseil constitutionnel : l’article 83, qui concernait la levée du secret professionnel des agents des finances publiques en faveur des assistants détachés auprès du procureur de la République, et l’article 187, qui réduisait le nombre de membres de la commission des infractions fiscales, ont été considérés comme des cavaliers législatifs malgré l’avis favorable émis en séance par le Gouvernement. C’est la preuve que les sages de la rue de Montpensier peuvent se montrer aussi tatillons que notre commission des finances en matière de recevabilité !