Intervention de Pierre-Jean Verzelen

Réunion du 11 janvier 2023 à 15h00
Lutte contre la fraude et l'évasion fiscales — Débat organisé à la demande de la commission des finances

Photo de Pierre-Jean VerzelenPierre-Jean Verzelen :

Comme les autres intervenants, je salue l’initiative de la commission des finances. Cette dernière nous propose de nous pencher sur un sujet à l’origine de nombreuses discussions et de divers fantasmes, lié, de manière centrale, au financement du budget de l’État. Il s’agit également d’une certaine conception de la justice face à l’impôt, notamment pour les contribuables, particuliers comme entreprises, qui le paient.

Dans ce débat, je distinguerai la fraude fiscale de l’évasion fiscale.

La fraude fiscale est condamnée par la loi, puisqu’il s’agit de minimiser ses revenus, de les détourner, de ne pas les déclarer, de se soustraire frauduleusement au paiement de l’impôt. Dit simplement, elle consiste, par des moyens illégaux, à ne pas payer d’impôt ou à en payer une moindre part.

L’évasion fiscale, quant à elle, n’est pas définie par le droit. Elle consiste à utiliser des moyens à la limite de la légalité pour payer le moins d’impôts possible, dans une démarche d’optimisation. Autrement dit, par des procédés licites, l’objectif est de faire disparaître l’impôt payé en France au profit de contrées fiscales plus accueillantes. Nous sommes ici dans une zone grise juridique.

Comme cela a été dit, notamment par vous, monsieur le ministre, chacun vient avec ses chiffres. Par nature, il est compliqué d’additionner des données qu’on ne connaît pas, même si des méthodes de calcul permettent de se faire une idée du total. Pour ma part, le chiffre dont je disposais tournait autour de 25 milliards d’euros par an.

Le montant de la fraude et de l’évasion fiscales fait l’objet de nombreux fantasmes. Certains voient dans le recouvrement des sommes détournées la solution à tous les problèmes. La difficulté est qu’il faut parvenir à mettre la main sur ces montants. Quand bien même nous recouvrerions les sommes en question, elles ne représenteraient qu’un très faible pourcentage du coût des propositions économiques de plusieurs candidats à l’élection présidentielle… Je le précise pour replacer le curseur au bon endroit.

De manière régulière, le débat sur l’imposition des plus riches et des grandes entreprises revient logiquement dans le débat public. En effet, plus le niveau d’imposition sera proche entre notre pays et les autres, qu’ils soient voisins ou non, moins il y aura de dumping et de projets d’évasion fiscale. Un tel débat a eu lieu lors de l’examen de la loi du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 au sujet des superprofits. Il est tout à fait légitime de réfléchir à la mise en place d’un impôt exceptionnel sur des années tout aussi inhabituelles.

Néanmoins, l’enjeu fondamental est celui d’un impôt minimal, afin de faire en sorte que toutes les entreprises, grands groupes compris, paient ce taux plancher. Elles ne doivent pas pouvoir optimiser jusqu’à parvenir à une contribution nulle.

À ce sujet, notons l’action du Gouvernement menée depuis quelques années auprès de nos partenaires européens et au sein de l’OCDE pour instaurer un impôt minimal de 15 %. Il devrait être mis en œuvre en 2023 pour les 138 juridictions ayant accepté cet accord.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que la mise en place de cet impôt minimal est en cours, et qu’elle sera une réalité dans les mois qui viennent ?

La situation que je viens d’évoquer est celle d’États qui se réunissent autour d’une table pour discuter, mais d’autres ne souhaitent pas participer aux échanges : j’en viens donc à la question de l’évasion fiscale et des paradis fiscaux. Comprenons-nous bien sur ce point important : sans paradis fiscal, pas d’évasion fiscale.

Depuis la crise financière de 2008, plusieurs réformes ont visé à s’attaquer aux paradis fiscaux, mais les résultats sont loin d’être à la hauteur de ce que nous pourrions attendre. Évidemment, les pays concernés sont indépendants et n’ont pas à recevoir d’ordres. Néanmoins, une volonté politique internationale coordonnée peut faire avancer la lutte contre cette distorsion.

Comme une collègue l’indiquait précédemment, il reste beaucoup à faire sur le plan bancaire. Ayant travaillé dans ce secteur, je me souviens de l’embargo sur l’Iran : pour tout virement de France vers ce pays ou vers les pays plateformes permettant le transit des fonds, il fallait réunir un nombre extrêmement important de documents ; les sommes demeuraient bloquées plusieurs semaines entre les pays. Il était beaucoup plus simple et souple, en parallèle, d’opérer des virements vers les paradis fiscaux, malgré les déclarations à Tracfin. Il reste donc des marges de progression en ce domaine.

Monsieur le ministre, quelles mesures coordonnées à l’échelle internationale et coercitives pourraient être mises en œuvre pour lutter contre l’opacité des paradis fiscaux ?

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