Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la fraude fiscale consiste à échapper ou à tenter d’échapper à l’impôt, par tout moyen. C’est le détournement illégal d’un système fiscal. Un peu plus de quatre ans après l’adoption de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, nous pouvons affirmer que, depuis 2017, notre pays a considérablement progressé en la matière.
Je commencerai par évoquer, de ce point de vue, la réforme de ce que l’on désigne comme le verrou de Bercy. Antérieurement seule habilitée à engager les poursuites en cas d’infraction de fraude fiscale, l’administration fiscale est désormais tenue d’informer le procureur de la République, qui décide seul de l’opportunité de poursuites pénales, dans le cas où le montant des droits fraudés est au moins égal à 100 000 euros.
De surcroît, la coopération entre les services de Bercy et la justice a été renforcée. Par exemple, les dossiers des personnalités enregistrées à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique peuvent être transmis au parquet, sous certaines conditions, lorsque le montant des droits fraudés est au moins égal à 50 000 euros.
Par ailleurs, les agents de l’administration fiscale ne sont plus tenus au secret à l’égard du parquet, même pour des dossiers ne faisant pas l’objet d’une transmission. Une telle réforme permet aujourd’hui de constater qu’une action conjointe des services de la justice et de Bercy, moderne et efficace, est possible. C’est l’occasion de saluer le travail réalisé par les femmes et les hommes de ces services.
De nouveaux outils ont également été votés en matière de lutte contre la fraude sociale, à l’image de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et de la convention judiciaire d’intérêt public. Rappelons, en outre, que la liste des paradis fiscaux dressée par l’Union européenne a été transposée en droit français.
À l’échelle internationale, l’extension du projet de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, mené sous l’égide de l’OCDE, doit également être soulignée. La quinzième et dernière action du projet consistait en l’élaboration d’une convention multilatérale, outil juridique innovant qui fait gagner du temps puisqu’il permet d’aménager automatiquement l’ensemble des conventions liant les États. Autrement dit, la convention multilatérale ne se substitue pas aux conventions bilatérales, mais elle les modifie. Une fois encore, la France a été pionnière dans la mise en œuvre de cette convention, grâce à l’impulsion donnée par la majorité présidentielle.
Force est de constater qu’en matière de lutte contre la fraude sociale et l’évasion fiscale les gouvernements successifs, depuis 2017, agissent. En 2020, M. le ministre le confirmera, l’État a récupéré près de 7, 8 milliards d’euros grâce aux contrôles effectués dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale.
C’est la raison pour laquelle la mission d’information conduite par M. le président de la commission des finances et par M. le rapporteur général ne conclut pas à la nécessité d’une « révolution fiscale », mais préconise plutôt un certain nombre d’ajustements et d’évolutions. Une telle conclusion atteste qu’il existe d’ores et déjà, à ce jour, des dispositifs efficaces pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Est-ce pour autant suffisant ? Bien évidemment, non !
Paradise Papers, Panama Papers, Lux L eaks, Swiss L eaks, voilà autant d’exemples qui démontrent que, en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, des progrès peuvent indéniablement être réalisés.
À cet égard, certaines recommandations du rapport d’information semblent pertinentes, à commencer par l’augmentation du nombre d’officiers fiscaux judiciaires jusqu’à leur doublement à l’horizon de cinq ans. Le service d’enquêtes judiciaires des finances ne dispose à l’heure actuelle que de 40 officiers fiscaux judiciaires alors qu’il a été saisi de 169 affaires de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale.
Pour ce qui est de la fraude à la TVA, sujet complexe – nous le savons tous, il s’agit d’un gisement important de ressources budgétaires –, nous pourrions envisager de permettre aux agents des douanes de sanctionner directement ce type de fraude dans le cadre du dédouanement à l’importation, via la création d’un délit douanier spécifique dans le code des douanes.
Enfin, parce que les montages fiscaux complexes sont réalisés en tenant compte des différences juridiques d’un pays à l’autre, les solutions les plus efficaces exigent d’être conçues à l’échelle internationale. Pourquoi ne pas envisager une réflexion sur la création d’un dispositif de name and shame envers les pays qui ne jouent pas le jeu de la coopération en matière d’échange d’informations, en complément des listes européennes ?
La complexité de la fiscalité internationale requiert en effet des efforts concertés pour avancer, notamment à l’échelle européenne. C’est bien en ce sens que la France doit continuer d’être moteur et force de proposition, comme elle sait l’être depuis 2017, avec l’objectif de renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.