Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, au nom de mon groupe, remercier la commission des finances, son président, Claude Raynal, et son rapporteur général, Jean-François Husson, ainsi que les membres de cette mission d’information relative à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, pour le travail technique d’évaluation qui a été conduit.
Ma conviction est que les préconisations qui sont émises dans ce rapport peuvent utilement aider les législateurs que nous sommes à faire évoluer la portée et l’efficacité des dispositifs de lutte contre la fraude.
En la matière, il me semble que la prudence ne doit pas entraver l’ambition, car, au-delà des milliards d’euros de recettes récupérées par l’État, la lutte efficace contre l’évasion et la fraude fiscales constitue un enjeu fondamental de justice sociale autant qu’un défi administratif et financier, recouvrant, de fait, des enjeux éthiques, politiques et démocratiques.
Je souscris sans réserve à l’ensemble des recommandations faites dans ce rapport, et singulièrement à celles qui sont relatives aux moyens techniques et budgétaires nécessaires pour mieux chiffrer et mieux appréhender l’ampleur de la fraude.
Au-delà de la complexité des montages et des schémas de dissimulation, il reste incompréhensible qu’en 2023 nos services ne parviennent toujours pas à savoir si le contrôle fiscal réussit à recouvrer 1 %, 10 %, 20 %, ou davantage, des montants fraudés.
Il est vrai, depuis vingt ans, la DGFiP est l’administration qui connaît les plus importantes baisses d’effectifs.
Je l’affirme donc : bien que relativement efficaces – nonobstant leurs ambiguïtés idéologiques et philosophiques, évoquées par l’un de mes collègues –, ni le data mining ni les nouveaux outils de ciblage ne remplaceront parfaitement, à mes yeux, le travail d’un enquêteur.
Je souhaite aussi profiter de cette tribune pour formuler un point d’alerte à l’adresse de notre assemblée. Au travers des évolutions législatives récentes en matière de contrôle fiscal, je crains en effet que nous n’encouragions une dérive de la philosophie même du contrôle, dérive consistant à requalifier ou à réapprécier les comportements de fraude pénalement répréhensibles en tant que simples « erreurs » ou « optimisations » pouvant faire l’objet, parfois dans l’opacité, de transactions ou d’arrangements de gré à gré, ce qui modifierait la nature même de ce contrôle.
Je pense ici, naturellement, au recours aux conventions judiciaires d’intérêt public pour les personnes morales et aux comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité pour les personnes privées.
Certes, le développement d’une logique préventive est louable, mais faire primer l’absolution des fraudeurs me paraît une voie glissante, donc dangereuse.
C’est la raison pour laquelle je reste particulièrement réservé quant à l’usage croissant des CJIP, qui permettent aux grandes entreprises d’échapper à une condamnation pénale. Initialement réservées aux faits de corruption, les CJIP ont été étendues en 2018 aux faits de fraude fiscale et de blanchiment de fraude fiscale, sans par ailleurs, et contrairement à ce qui se passe dans le cas des CRPC, que les condamnations soient inscrites au casier judiciaire.
Si je reconnais volontiers qu’un tel dispositif permet d’enregistrer des rentrées directes de recettes fiscales et d’éviter de longues procédures judiciaires, je dois avouer que la relative impunité pénale accordée à ces entreprises fraudeuses continue de me poser problème.
Dès lors que les justifications apportées à l’utilisation de la CJIP découlent, pour la plupart, du manque de moyens des différentes institutions concernées, je crois de bonne politique de renforcer les moyens humains et matériels de la justice et des services fiscaux et de simplifier les procédures.
En conclusion, je souhaite une nouvelle fois remercier notre président et notre rapporteur général pour la richesse des conclusions de cette mission ; je souhaite ardemment qu’elles inspirent le Gouvernement dans l’effort d’amélioration de notre arsenal législatif et qu’elles nourrissent les propositions de la Haute Assemblée.