Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le thème de la lutte contre la fraude fiscale revient régulièrement dans le débat national, et pour cause : frauder, comme cela a été largement rappelé, c’est en quelque sorte refuser d’apporter sa contribution au financement des politiques publiques et à la solidarité nationale ; il y va du consentement à l’impôt.
On peut légitimement s’interroger sur le montant du manque à gagner pour l’État. Plusieurs estimations ont été faites ; on évoque souvent le chiffre, qui tourne en boucle, de 100 milliards d’euros de fraude fiscale. Ce chiffre a notamment été régulièrement avancé par le syndicat Solidaires finances publiques, étant entendu que le recouvrement d’un pareil montant permettrait sans nul doute de diminuer considérablement notre déficit structurel.
Seulement voilà, personne n’est en réalité capable de mesurer précisément le montant de la fraude fiscale, et ce chiffre est fortement sujet à caution. Ces 100 milliards d’euros allégués, en effet, ne concernent pas exclusivement la fraude fiscale au sens juridique du terme, mais correspondent à une extrapolation opérée à partir de l’ensemble des manquements fiscaux : ils incluent non seulement l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale abusive, mais aussi les erreurs et les divergences d’appréciation entre l’administration fiscale et le contribuable.
D’autres évaluations, comme celle du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), nous indiquent qu’on serait plus vraisemblablement en réalité autour de 30 milliards à 40 milliards d’euros de « vraie » fraude fiscale au sens juridique du terme, ce qui est déjà considérable étant donné que les services fiscaux ne détectent qu’entre 5 % et 10 % de ces affaires.
Étonnamment, et malgré l’arsenal législatif et technologique renforcé ces dernières années – je pense au desserrement du verrou de Bercy ou à l’instauration, en 2024, de la facture électronique, qui contribuera sans doute largement à l’amoindrissement de la fraude à la TVA –, les résultats annuels sur les droits et pénalités mis en recouvrement et encaissés franchissent péniblement la barre des 10 milliards d’euros en 2021, preuve de l’efficacité toute relative de la seule coercition.
La France est le pays de l’OCDE où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés. C’est un élément essentiel et peut-être trop souvent minoré lors de nos débats dans l’explication de la fraude fiscale. Si l’on se réfère à la courbe de Laffer, un accroissement des taux d’imposition se traduit au-delà d’un certain seuil par un amoindrissement des recettes fiscales. En clair, trop d’impôt tue l’impôt !
Un pays attractif et dynamique économiquement retient ses talents et ne les fait pas fuir ! Faire revenir des exilés politiques dans un pays d’origine suppose de garantir un changement de cadre politique garant de leur sécurité. Il en va de même pour l’exil fiscal : sans changement de cadre fiscal, il n’y a pas de retour possible.
Dans une économie mondialisée, dans un monde interconnecté, maintenir des prélèvements obligatoires records en se révoltant – à juste titre – contre la fraude et surtout l’évasion fiscale se révèle être une utopie dangereuse.
Aux États-Unis, en 2004 et 2005, sous l’administration Bush, années où les mesures de réduction d’impôt sont entrées en vigueur, les recettes fiscales du gouvernement ont augmenté de 8 % et de 9 %. La hausse s’est poursuivie en 2006, avec une augmentation de 10 % au premier semestre, alors que la croissance de l’économie a été de 3, 9 % par an.
Au Royaume-Uni, la tranche marginale de l’impôt sur le revenu passa sous Margaret Thatcher de 83 % à 60 %, puis à 40 %, ce qui entraîna simultanément une hausse des recettes fiscales de plus de 1 milliard de livres sterling entre 1985 et 1986.
Si nous voulons faire reculer la fraude fiscale et augmenter les recettes fiscales, alors il faudra baisser les impôts, bien que cela paraisse intuitivement paradoxal ! Car, nous aurons beau débattre de tous les moyens normatifs, de tous les carcans, de toutes les armes possibles, la seule et meilleure façon de réduire la fraude fiscale consiste avant tout à baisser massivement les impôts et les charges, il n’y en a pas d’autre !
Encore une fois, la fraude fiscale est évidemment et bien sûr condamnable, parce qu’elle est le refus d’obéissance à une loi démocratique de la République. Elle doit être le combat de chaque instant et nous ne pouvons en aucun cas la défendre ici. Mais force est de constater que fraude fiscale résulte essentiellement, voire exclusivement, de l’asphyxie fiscale. Pour sept Français sur dix, le poids de la fiscalité est excessif.
Pour conclure j’aimerais citer Winston Churchill, qui disait ceci : « Une nation qui essaie de prospérer par l’impôt est comme un homme dans un seau qui essaie de se soulever par la poignée. » C’est peine perdue, alors changeons de logiciel et osons la liberté !