Je remercie Agnès Canayer pour nos excellents échanges. Après deux premières lois relatives aux jeux Olympiques et Paralympiques, celle du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et celle du 1er août 2019 relative à la création de l'Agence nationale du sport et à diverses dispositions relatives à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, nous examinons aujourd'hui le troisième texte de loi consacré à l'adoption de dispositions rendues nécessaires pour permettre la préparation et la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
À dix-huit mois de l'échéance, nous pouvons sans doute considérer qu'il s'agit du dernier texte permettant d'ajuster le dispositif juridique nécessaire au bon déroulement de cet événement.
Alors que notre commission s'était saisie pour avis de la loi de 2018 et qu'elle avait été saisie au fond de la loi de 2019, la nature des dispositions du présent projet de loi, qui relèvent pour l'essentiel de la sécurité et de dispositions éthiques et médicales, a eu pour conséquence une saisine pour avis de notre commission.
Je remercie M. le président pour l'échange approfondi avec la commission des lois, qui nous a permis de nous voir déléguer au fond trois articles : l'article 12, relatif à la création de deux nouveaux délits pour sanctionner les intrusions dans les enceintes sportives et sur les aires de compétition, puis l'article 13, relatif à l'obligation pour le juge d'appliquer des interdictions de stade, ainsi que l'article 14, qui traite des règles applicables en matière de publicité lors du relais de la flamme et du compte à rebours qui sera installé à Paris.
Au-delà de ces trois articles, j'ai souhaité porter une attention particulière aux articles 4 et 5, relatifs à des dispositions concernant la mise en oeuvre de la politique de la lutte contre le dopage. Permettez-moi de dire d'emblée un mot sur l'article 5, qui a trait à la Polynésie française. J'ai indiqué à ma collègue rapporteur de la commission des lois qu'il était important que l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) puisse bénéficier de ses pouvoirs étendus d'enquête lors des épreuves de surf, contrairement à une lecture plus restrictive effectuée par le Conseil d'État ayant entraîné la disparition de ces dispositions dans la version finale du projet de loi. Je crois pouvoir dire que notre préoccupation a été entendue. C'est la raison pour laquelle il ne m'a pas paru nécessaire de nous saisir de cet article, la délicate question de la répartition des compétences entre loi nationale et loi de pays relevant de la compétence de la commission des lois.
La question de l'article 4, qui a trait à l'autorisation temporaire des tests génétiques, est plus délicate : si la dimension propre à l'éthique médicale relève assurément de la compétence des commissions des lois et des affaires sociales, le périmètre de la politique de lutte contre le dopage relève, bien évidemment, de la politique du sport au sens large. C'est pourquoi j'ai proposé à notre président de nous saisir pour avis de cet article.
Avant de revenir sur chacun de ces articles, je souhaite tout d'abord insister sur la qualité des échanges que j'ai pu avoir, d'une part, avec la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, son cabinet et l'administration du ministère, et, d'autre part, avec la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice et l'Agence française de lutte contre le dopage. Nous souhaitons tous que les Jeux soient une réussite ; il n'y a pas de raisons que nous ne parvenions pas à un accord. C'est en tout cas dans cet état d'esprit que j'ai conduit mes travaux.
Ce texte constitue également la première occasion qui nous est donnée de tirer des conclusions législatives d'événements que nous avons connus en 2022, à l'occasion du déroulement de certaines manifestations sportives ; je pense, en particulier, à la finale de la Ligue des Champions du 28 mai 2022 au Stade de France, qui a fait l'objet d'un rapport d'information conjoint de notre commission et de la commission des lois en date du 13 juillet dernier. Vous ne serez donc pas surpris de constater que je me suis attaché à assurer le suivi et, en l'espèce, la mise en oeuvre de certaines de nos recommandations. J'aurai l'occasion d'y revenir.
Comme je l'ai déjà indiqué, l'article 12 est très important puisqu'il vise à mieux sanctionner les intrusions dans les enceintes sportives et celles sur les aires de compétition. Ces deux phénomènes ont pris une importance nouvelle en 2022. Les incidents au Stade de France ont mis en évidence, d'une part, une fraude importante au moyen de faux billets reproduits dans des imprimeries de qualité professionnelle avec des numéros de série identiques, et, d'autre part, une intrusion par la force de la part de nombreux délinquants d'opportunité. Aussi étonnant que cela puisse paraître, il n'existait pas de qualification pénale dans le code du sport pour sanctionner ces deux types d'intrusion alors même que huit types d'infraction font l'objet d'une qualification délictuelle qui se traduit par une amende et une peine privative de liberté. Le nouvel article L. 332-5-1 comble ce vide juridique lorsque les faits d'intrusion dans une enceinte sportive par fraude ou par force sont commis en récidive ou en réunion, en créant une peine de six mois de prison et de 7 500 euros d'amende.
Pour vous donner une idée de ce que représente cette sanction, on peut rappeler que le fait d'introduire des boissons alcooliques dans une enceinte sportive est puni d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. Non seulement la peine privative de liberté est deux fois plus importante dans le cas de l'introduction de boissons alcooliques, mais elle s'applique aux primo-délinquants isolés, c'est-à-dire que cette sanction n'est pas conditionnée à une récidive ou à une action en réunion. On peut donc considérer que la peine retenue par le nouvel article L. 332-5-1 s'inscrit plutôt dans le bas du spectre de ce qui est prévu habituellement dans le code du sport.
Il est à noter que le Gouvernement a prévu de sanctionner les primo-délinquants isolés d'une simple amende de cinquième classe d'un montant de 1 500 euros, ce qui, à mon sens, ne permet pas d'envoyer le bon message à tous ceux qui ont mis en péril la vie des spectateurs du Stade de France le 28 mai dernier, mais j'aurai l'occasion d'y revenir.
En parallèle, le nouvel article L. 332-10-1, créé par l'article 12, sanctionne les intrusions sur les aires de compétition lors du déroulement ou de la retransmission d'une manifestation sportive. Ce sont les temps précédant ou suivant la compétition qui sont ainsi visés, comme la remise des médailles. Ce nouveau délit répond à un phénomène qui se développe de plus en plus et qui consiste, pour des mouvements à caractère politique, à parasiter la retransmission d'une compétition sportive pour bénéficier d'une forte exposition médiatique. Une telle action s'est produite lors de la seconde demi-finale hommes du tournoi de Roland-Garros, par exemple.
Nous pouvons tous en convenir, il n'est pas acceptable de prendre, littéralement, en otage la diffusion de compétitions sportives. Là encore, l'arsenal pénal n'était pas adapté pour sanctionner ces comportements. Le nouvel article L. 332-10-1 comble ce vide juridique, mais uniquement pour les faits commis en récidive et en réunion. Par ailleurs, alors que le Gouvernement prévoyait la même sanction que dans le cas précédent, c'est-à-dire une amende de 7 500 euros et une peine de six mois de prison, le Conseil d'État a supprimé la peine de prison au motif que les intrusions visées étaient réalisées sans violence, d'autres dispositions plus sévères sanctionnant déjà les actes de violence. Là encore, si l'on peut comprendre le raisonnement, on peut aussi le discuter puisque l'intrusion dans une enceinte sportive avec un faux billet et sans violence n'a pas nécessairement de conséquences sur le déroulement de la compétition, contrairement à l'intrusion sur l'aire de compétition.
Cela dit, après avoir examiné attentivement ces dispositions, je n'ai pas souhaité vous proposer d'augmenter le quantum des peines pour ces deux catégories de faits afin de ne pas fragiliser un dispositif qui pourrait s'avérer utile lors du déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
Néanmoins, il m'a semblé inapproprié, dans la rédaction actuelle du projet de loi, de ne pas sanctionner véritablement ce type d'agissements dès la première commission, et de s'abstenir ainsi de leur reconnaître un caractère délictuel. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai un amendement tendant à sanctionner ces deux types d'intrusion d'une amende délictuelle de 3 750 euros lorsqu'elles sont commises par des primo-délinquants isolés, en lieu et place d'une amende de cinquième classe de 1 500 euros. Cet élargissement de la qualification délictuelle aura, en outre, une incidence opportune sur les interdictions de stade ; j'y reviendrai lors de l'examen de l'article 13.
Chacun d'entre nous comprend la logique de mieux sanctionner les intrusions dans les enceintes sportives. Toutefois, j'ai été étonné que le projet de loi ne contienne aucune disposition pour prévenir ces intrusions au travers d'un renforcement de la sécurisation des billets. Pourtant, notre rapport d'information du 13 juillet dernier avait établi que l'urgence devait être de mieux lutter contre la fraude en recourant à des billets infalsifiables ; c'était même la recommandation n° 1 de ce rapport.
Je vous proposerai donc un amendement visant à compléter l'article 12 en énonçant l'obligation pour tous les spectateurs d'être dotés d'un titre d'accès pour assister à une manifestation sportive. Pour les manifestations les plus importantes dont les jauges seront fixées par décret en Conseil d'État, le même amendement prévoit que ces titres d'accès devront être nominatifs, dématérialisés et infalsifiables. Afin de laisser le temps nécessaire à la mise en oeuvre de ces dispositions, l'amendement vise une entrée en vigueur de cette nouvelle obligation au 1er juillet 2024. Je précise que cette mesure ne concerne que les manifestations sportives. Cet amendement, s'il était adopté, constituerait un apport essentiel de notre commission au projet de loi et, plus largement, à la sécurisation des grandes manifestations sportives. Je remercie à cet égard la ministre des sports pour l'intérêt qu'elle a accordé à cette disposition, et j'espère que les députés partageront également avec moi la conviction qu'elle est indispensable.
Concernant l'article 13 relatif aux interdictions de stade, sa rédaction vise à les rendre obligatoires en complément de la sanction prévue pour un certain nombre de délits alors qu'elles étaient jusqu'à présent facultatives. Afin de respecter le principe d'individualisation des peines, le juge pourra néanmoins choisir, par une décision spécialement motivée, de ne pas prononcer cette peine.
Curieusement, l'article 13 ne vise pas à donner un caractère obligatoire aux interdictions de stade frappant les deux nouveaux délits créés par l'article 12, ou, plutôt, il le visait avant son examen par le Conseil d'État. Je ne partage pas nécessairement les préventions de la haute juridiction administrative, mais, là encore, nous devons garder à l'esprit que ce projet de loi est nécessaire pour préparer les jeux Olympiques et Paralympiques. J'ai donc été sensible aux arguments relatifs à la sécurité juridique.
Je vous fais néanmoins remarquer que, en faisant entrer les primo-délinquants isolés visés par l'article 12 dans le champ délictuel, ces derniers se retrouvent de facto susceptibles d'être frappés d'une peine complémentaire et facultative d'interdiction de stade. Là encore, je vous propose d'affirmer davantage de fermeté à l'égard des perturbateurs sans pour autant prendre de risque au regard du droit.
Je proposerai également que le rapport annuel que doit réaliser le ministère de l'intérieur sur les interdictions de stade traite aussi des violations de celles-ci, afin d'améliorer notre information sur ce dispositif.
J'ajouterai un mot sur l'article 14 ayant trait aux dérogations relatives à la réglementation de la publicité qui sont nécessaires pour permettre au comité d'organisation de mettre en valeur ses sponsors lors du relais de la flamme, et aux dérogations à l'occasion de l'installation d'un compte à rebours dans la capitale. Ces dispositions sont nécessaires pour mettre en oeuvre le contrat signé par le Comité international olympique (CIO) avec la ville hôte. Les marges de manoeuvre sont donc réduites.
Je précise que les collectivités territoriales concernées conserveront leur libre arbitre grâce à leur pouvoir de police générale. Cet article ne crée pas d'obligations nouvelles à leur égard.
J'en reviens à l'article 4, concernant l'autorisation des tests génétiques pour les analyses antidopage, dont nous nous sommes saisis pour avis. La rédaction de l'article ouvre la possibilité de recourir à ces tests pour une période limitée allant de la publication de la loi à la fin des jeux Paralympiques. Cette prudence me semble excessive puisque cela signifie qu'il faudra, à l'issue des Jeux, continuer à envoyer les échantillons en Belgique ou en Suisse pour réaliser des tests qui sont considérés, dans certains cas, comme indispensables par l'Agence mondiale antidopage ; cela se pratique déjà actuellement. Je ne suis pas sûr, pour ma part, que des tests réalisés à l'étranger présentent plus de garanties que s'ils étaient réalisés par le laboratoire français. Ce qui est certain, c'est que cette crainte de pérenniser la possibilité de recours à ce type de tests va affaiblir l'expertise, la crédibilité et le développement du nouveau laboratoire de Saclay.
Là encore, je me suis ouvert à ce sujet auprès de Mme le rapporteur de la commission des lois. Je crois pouvoir dire qu'elle partage le même sentiment.
Si la question de la pérennisation relève plutôt de la commission des lois, puisqu'il s'agit d'une question relative à l'éthique en matière génétique, nous demeurons compétents, il me semble, pour examiner les conditions de cette expérimentation qui ne dit pas son nom. C'est pour cela qu'il me paraît nécessaire de réexaminer le périmètre de cette autorisation temporaire, actuellement limitée aux jeux Olympiques et Paralympiques et aux grands événements sportifs qui se tiendront entre la date de publication de la loi et la fin de ces Jeux.
Les échanges menés avec l'AFLD m'ont convaincu qu'il n'y avait pas de raison de restreindre le champ des compétitions potentiellement concernées par le recours à ces tests génétiques. La rédaction actuelle de l'article 4 présente également l'inconvénient de ne pas permettre le recours aux tests génétiques lors des trois tests antidopage hors compétition qui doivent être obligatoirement diligentés sur chacun des athlètes français qui participeront aux Jeux. Est-ce que cela signifie que les tests génétiques qui pourraient être nécessaires devront être réalisés à l'étranger ? Une nouvelle fois, si l'on peut comprendre les précautions prises par le Gouvernement, la rédaction retenue paraît peu opérationnelle. C'est la raison pour laquelle je proposerai que le recours aux tests génétiques pendant cette période expérimentale puisse s'effectuer dans le cadre de la politique ordinaire de lutte contre le dopage. Tel est l'objet du sous-amendement que je vous propose, venant modifier l'amendement déposé par le rapporteur de la commission des lois.
Il me semble qu'une expérimentation réalisée dans les conditions les plus proches de l'activité habituelle de l'AFLD permettra de procéder à une évaluation véritablement pertinente. Le législateur disposera donc de tous les éléments pour décider de pérenniser ou non ces tests à l'issue de la période d'autorisation temporaire.
Je vous proposerai ensuite un amendement créant un article additionnel visant à demander à la Cour des comptes de présenter au Parlement un rapport à l'issue des jeux Olympiques et Paralympiques. Ce rapport devra dresser le bilan de l'organisation, du coût et de l'héritage de cet événement. Je propose aussi que l'ensemble des coûts engagés par l'État et les collectivités territoriales soient également évalués, notamment les dépenses engagées dans les deux domaines de la sécurité et des transports.
Pour terminer, je vous proposerai un amendement visant à compléter l'intitulé du projet de loi afin de faire référence également aux grandes manifestations sportives. Il s'agit de tenir compte du fait que nombre des articles s'appliqueront à l'ensemble des manifestations sportives, soit de manière pérenne, soit dans le cadre d'une expérimentation.
Comme vous pouvez le constater, notre saisine a beau avoir été limitée sur le fond, nos propositions de modification et d'enrichissement sont substantielles. Compte tenu de l'attachement que nous portons au succès de cet événement, tous ces amendements s'inscrivent dans le cadre strict du projet de loi et n'en modifient pas l'esprit. Toutefois, ils renforcent significativement la capacité d'atteindre les objectifs poursuivis, que ce soit en matière de sécurité dans les enceintes sportives ou de mise à niveau de notre politique antidopage.
Je suis, pour ma part, heureux d'avoir pu saisir l'occasion de l'examen de ce texte pour introduire dans la loi l'obligation de recourir à des billets infalsifiables lors des grands événements sportifs. C'était le rôle du Sénat de tirer toutes les conclusions des événements du Stade de France qui se sont déroulés en mai dernier.
Je remercie le président de la commission pour sa confiance, les collègues présents aux auditions et Mme le rapporteur de la commission des lois avec qui nos échanges ont été excellents.