Intervention de Laurence Boone

Commission des affaires européennes — Réunion du 12 janvier 2023 à 9h00
Institutions européennes — Audition de Mme Laurence Boone secrétaire d'état auprès de la ministre de l'europe et des affaires étrangères chargée de l'europe à la suite du conseil européen du 15 décembre 2022

Laurence Boone, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée de l'Europe :

Je vous adresse également à tous mes meilleurs voeux pour 2023, une année qui sera riche en défis et en débats.

Le Conseil européen des 15 et 16 décembre a abordé de nombreux sujets : la guerre en Ukraine et ses conséquences énergétiques et économiques ; la sécurité et la défense ; le renforcement des politiques industrielles ; le voisinage sud de l'Union ; l'octroi du statut de candidat à la Bosnie-Herzégovine.

Je commencerai par l'Ukraine. Ce Conseil a permis de débloquer le soutien macro-financier de 18 milliards d'euros, ce qui va permettre d'assurer les besoins structurels du pays pendant la guerre - les écoles, le paiement des fonctionnaires, la santé, etc. Il était important de prendre cette décision avant la fin de l'année afin de pouvoir débourser les fonds dès le début de 2023.

Je veux saluer l'engagement constant de votre commission en faveur de l'Ukraine. Je sais que vous avez eu des échanges avec la délégation ukrainienne de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ; ce type d'échanges entre parlementaires est très important, ils contribuent à maintenir le lien avec la population.

Le Conseil européen a également permis l'adoption du neuvième paquet de sanctions à l'encontre de la Russie et du principe de plafonnement au niveau international des prix du pétrole brut russe transporté par voie maritime - une mesure qui n'a jusqu'à présent pas eu d'effet sur les prix ou l'approvisionnement, ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour nous.

Le Conseil européen s'est aussi accordé sur la nécessité d'accentuer le dialogue avec les États tiers pour éviter le contournement des sanctions et maintenir la pression sur la Russie.

Nous avons aussi trouvé un accord pour rehausser de 2 milliards d'euros le plafond de la Facilité européenne pour la paix, qui était initialement de 5,7 milliards. Cela nous permettra à la fois de continuer à soutenir l'Ukraine et de renouveler nos stocks de défense.

Je vous rappelle aussi que la France a organisé à Paris, le 13 décembre, une conférence pour la résilience et la reconstruction de l'Ukraine pour aider de manière très concrète les Ukrainiens à passer l'hiver dans un contexte où les frappes russes visent à détruire systématiquement les infrastructures énergétiques du pays. Les coupures d'électricité sont aujourd'hui monnaie courante ; elles ont des conséquences catastrophiques.

Le Conseil européen a aussi entériné des mesures sur l'énergie, notamment un mécanisme de plafonnement des prix du gaz sur le marché. C'est un mécanisme exceptionnel et temporaire qui vise principalement à éviter les pics de prix ponctuels renforcés par la spéculation - il tend à écrêter ces hausses anormales de prix - pour répliquer aux profiteurs de guerre et répondre aux attentes des consommateurs.

Sur l'impulsion du Conseil européen, deux autres textes ont été approuvés depuis au Conseil dans le domaine énergétique. Le premier concerne le développement des énergies renouvelables au sein de l'Union européenne, le second la mise en place d'une plateforme d'achat conjoint de gaz afin d'agir sur les prix. Ces textes, importants pour la souveraineté européenne, complètent les trois règlements qui avaient été adoptés dans l'urgence.

Nous devons garder en tête le fait que toutes les actions décidées dans le domaine de l'énergie depuis le début de la guerre visent à assurer notre sécurité d'approvisionnement et les prix les moins élevés possible, tout en mettant fin à notre dépendance vis-à-vis de la Russie et des énergies fossiles. Nous allons continuer à travailler dans ce sens. J'ajoute que la réduction de notre consommation de gaz est un facteur clé de cette politique.

Je salue de ce point de vue le travail de votre commission qui a envisagé un certain nombre de mesures, notamment à l'occasion de la table ronde qu'elle a organisée le 1er décembre sur le marché de l'électricité dans l'Union européenne.

Un Conseil européen extraordinaire aura en effet lieu les 9 et 10 février prochains, il portera principalement sur deux sujets : les réponses de l'Union à l'Inflation Reduction Act et l'immigration. Il existe un consensus parmi les États membres sur le fait que l'écart de compétitivité entre les États-Unis et l'Union européenne créé par les prix de l'énergie et cette loi américaine nécessitent une réponse. Il est hors de question de voir nos entreprises quitter le territoire européen ! C'est pourquoi il a été demandé à la Commission européenne de présenter une stratégie pour répondre à ces défis. Nous travaillons également avec l'Allemagne sur cette question.

Nous devons d'abord discuter avec les Américains pour faire en sorte de rétablir des conditions équitables de concurrence entre l'Union européenne et les États-Unis. Nous devons ensuite être plus forts et plus malins : pour cela, nous devons accélérer et simplifier les procédures qui nous permettent de financer les secteurs stratégiques et nous devons augmenter les aides d'État sans pour autant créer de distorsions entre pays de l'Union européenne. Des financements complémentaires seront donc nécessaires.

En ce qui concerne les questions de sécurité et de défense, le Conseil européen a notamment constaté, comme chacun d'entre nous, que les attaques cyber se répètent. Nous devons protéger nos infrastructures essentielles, ainsi que nos institutions démocratiques - je pense notamment à l'information. Ces enjeux sont au coeur d'une série de textes sur le point d'être finalisés et nous espérons que le Conseil Affaires étrangères de mai-juin prochain pourra permettre des avancées à ce sujet. La question de la résilience des infrastructures a également été abordée dans le cadre de la réunion du Conseil Justice et affaires intérieures des 8 et 9 décembre dernier.

Le Conseil européen a également abordé la question du voisinage sud. Un sommet présidé par l'Espagne aura lieu sur ce thème au second semestre 2023 pour promouvoir un agenda positif et des projets concrets, notamment en matière de sécurité alimentaire et d'énergie. Il s'agit aussi d'ancrer ces pays dans le camp des démocraties et de l'État de droit.

En ce qui concerne les Balkans occidentaux, le Conseil européen a endossé les conclusions du Conseil des ministres sur l'élargissement, adoptées le 13 décembre. Il y a donc eu un accord, très consensuel, sur l'octroi à la Bosnie-Herzégovine du statut de candidat à l'Union européenne. Dans le contexte géopolitique que l'on connaît - je pense notamment aux ingérences déstabilisatrices de la Russie en plus de la guerre que celle-ci mène à l'Ukraine -, il était important pour l'Union européenne de donner à la Bosnie-Herzégovine un témoignage concret de sa perspective européenne et d'envoyer un message de soutien à sa population, tout en rappelant l'importance des réformes à venir en vue d'une adhésion, en parallèle du déploiement de la Communauté politique européenne.

Je profite de cette question pour rappeler l'importance que nous portons à la diplomatie parlementaire qui permet d'entretenir nos liens avec nos partenaires, que ce soit dans les enceintes structurées à cet effet - COSAC, assemblée parlementaire de l'OSCE, etc. - ou dans le cadre des groupes interparlementaires d'amitié. Ce fil continu est extrêmement important et nous vous en sommes reconnaissants. Je sais, monsieur le président, que vous avez émis un certain nombre de doutes sur la COSAC, mais je crois que la France y exerce, notamment grâce à vous, une réelle influence.

Vous le savez, la Commission européenne et les États membres ont à coeur de lutter contre les atteintes à l'État de droit et pour le respect de nos valeurs. C'est pour cela que le mécanisme de conditionnalité des fonds européens a été mis en oeuvre - c'était une première - vis-à-vis de la Hongrie. Cette décision a porté ses fruits, puisque la Hongrie a ensuite donné des gages concrets, en s'engageant à mener des réformes pour lutter contre la corruption. Pour autant, ce n'est pas fini : les prochains mois seront cruciaux et nous devrons nous assurer de la mise en oeuvre effective des textes agréés par la Commission européenne. Cependant, nous pouvons déjà nous féliciter du dialogue qui est né entre ce pays, les instances européennes et les autres États membres.

Vous le voyez, le programme du Conseil européen était exceptionnellement chargé. Il a en tout cas montré que les Européens continuent d'être unis en ce qui concerne l'Ukraine.

Un dernier point, monsieur le président, sur la question du tribunal international. La France a comme principe de lutter contre toute forme d'impunité. L'ambassadeur d'Ukraine pour le droit international humanitaire a été reçu à Paris en fin d'année dernière. Nous recherchons une solution qui évite l'impunité et qui recueille le soutien de l'ensemble de la communauté internationale. Les travaux avancent et j'ai bon espoir que nous trouvions rapidement une solution.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion