Intervention de Laurence Boone

Commission des affaires européennes — Réunion du 12 janvier 2023 à 9h00
Institutions européennes — Audition de Mme Laurence Boone secrétaire d'état auprès de la ministre de l'europe et des affaires étrangères chargée de l'europe à la suite du conseil européen du 15 décembre 2022

Laurence Boone, secrétaire d'État :

En ce qui concerne la Turquie, vous savez que sa demande de candidature et l'attribution du statut de candidat datent de nombreuses années maintenant...

Je veux d'abord dire qu'il est toujours important de maintenir un dialogue politique. C'est d'ailleurs pour cette raison que la France a proposé la création de la Communauté politique européenne.

Nous devons aussi reconnaître que la Turquie s'éloigne des valeurs de l'Union européenne et de l'acquis communautaire. Ainsi, le dernier rapport de la Commission européenne sur la Turquie, publié le 12 octobre 2022, fait état de reculs en matière de droits fondamentaux, d'indépendance de la justice et de fonctionnement des institutions démocratiques. Une loi sur la « désinformation » a notamment été adoptée l'année dernière qui soulève bien des interrogations en matière de liberté d'expression.

Par ailleurs, on peut penser que la politique étrangère de la Turquie est souvent en porte-à-faux par rapport à celle de l'Union européenne - le rapport de la Commission évoque également ce point. C'est évidemment le cas pour ses relations avec la Grèce et avec Chypre, sur lesquelles la Turquie multiplie les déclarations menaçantes.

Bref, les États membres et les institutions communautaires ont des inquiétudes légitimes sur la Turquie. Pour autant, nous devons continuer de travailler et de dialoguer avec ce pays, que ce soit en raison de la situation géopolitique, de la perspective d'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'Otan ou encore du transit de bateaux en provenance d'Ukraine et contenant des produits alimentaires. Ce dialogue existe, mais il est vrai qu'il n'est pas aussi intense que nous pourrions le souhaiter.

Sur les suites des conclusions de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, il est vrai que nous restons sur notre faim. La Commission européenne a pris acte de ces conclusions, mais le dialogue avec les citoyens reste décevant. Il reste tout de même l'intérêt manifesté pour une Europe de la santé, sur laquelle la Commission va travailler, en particulier dans le prolongement du succès de l'achat groupé de vaccins contre la covid. Nous travaillerons sur toutes ces questions avec nos partenaires, notamment avec l'Allemagne.

Monsieur Cadec, nous travaillons beaucoup sur l'évaluation de l'impact des sanctions contre la Russie. D'abord, nous devons garder en tête que c'est l'ensemble des mesures que nous prenons, pas seulement les sanctions, qui permettront que l'Ukraine gagne cette guerre - je pense au soutien humanitaire, financier ou encore militaire que nous apportons à ce pays. Ensuite, ces neuf paquets de sanctions ne sont pas appliqués uniquement par l'Union européenne ; ils ont également été décidés par le G7 et par plus de quarante autres pays non européens.

Le pétrole russe, alors que l'UE dépendait des importations de pétrole à hauteur de 90 %, fait l'objet de sanctions, ce qui prive la Russie d'énormément de revenus et on constate dans le même temps que le marché, tant sur l'offre que sur la demande, est globalement stable. Je peux vous dire que nous suivons tout cela comme le lait sur le feu !

Nous procédons régulièrement à l'évaluation de ces sanctions - une nouvelle série sera décidée en février - pour vérifier qu'elles pénalisent la Russie plus que nous.

Je prends un exemple : les produits technologiques avancés. La Russie dépendait à 45 % de l'Union européenne en la matière, de 21 % des États-Unis et de seulement 11 % de la Chine. Nos sanctions la privent donc de deux tiers de ses sources d'approvisionnement et la Chine n'est pas en capacité de prendre le relais.

Nous savons que les sanctions affaiblissent la Russie dans tous les secteurs. C'est évidemment le cas dans l'automobile, où la production a baissé de 97 % en 2022 ;la Russie ne peut plus installer d'airbags ou de boîtes de vitesse automatiques... Les avions russes sont cloués au sol ; j'ajoute que, dans ce secteur, les pièces ont souvent un double usage, civil et militaire.

En outre, la Russie est confrontée à une fuite des cerveaux et des personnes qualifiées. La France doit d'ailleurs être suffisamment attractive pour pouvoir attirer ces personnes.

En ce qui concerne l'assistance macro-financière, la Commission européenne emprunte des fonds sur les marchés et les transfert à l'Ukraine. Le prêt est garanti à hauteur de 70 % par l'Union européenne et le budget communautaire couvre les frais financiers, si bien que l'impact sur le cadre financier pluriannuel est limité. La participation des États membres est calculée au prorata du PIB. On nous reproche d'ailleurs de ne pas être suffisamment rapides et ne pas opérer sous forme de dons.

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