La question des caméras-piétons m'intéresse. Il se trouve, en effet, que je suis président du Comité d'éthique de la vidéoprotection à Paris. Voilà deux ans que j'essaie, avec tout un ensemble de personnalités, de faire en sorte que ce dispositif ne déborde pas ce pour quoi il est fait. Nous avons chaleureusement recommandé l'usage de caméras-piétons, et Florian Roussel a raison de dire que les policiers les attendent.
Cependant, les caméras-piétons posent plusieurs questions. Qui informe que vous êtes filmé ? Qui allume ? Est-ce le policier qui contrôle qui prend l'initiative d'allumer la caméra ? Qui éteint ? Il arrive qu'un policier préfère éteindre si le ton monte... Qui conserve ? Pourquoi conserve-t-on le film de telle opération et fait-on disparaître celui de telle autre opération ? Ces questions méritent d'être examinées. Tous les praticiens nous disent que, quand la personne en face du policier est informée qu'elle est filmée, le ton n'est plus tout à fait le même. C'est compréhensible.
Madame Lherbier, l'expérience de Roubaix nous intéresse. Une police ou une gendarmerie qui ressemble à la population est nécessaire - spécialement en outre-mer, monsieur le sénateur Mohamed Soilihi -, mais il ne faut pas commencer à faire des exclusions a contrario parce que l'on ne rentre pas dans des pourcentages. Je n'emploie jamais le terme « discrimination positive », mais aller chercher des élites ou des cadres dans des populations qui ne sont absolument pas prédestinées à embrasser une carrière dans le service public, comme on l'a fait sous la Troisième République, est tout à fait dans l'esprit que nous recherchons.
Les « biais cognitifs » sont fondamentaux. Si l'on refuse la magistrature à ceux qui ne connaissent pas Giraudoux par le menu, mais sont fans de mangas ou de telle ou telle production grand public, la République se portera mal. Nous plaidons, dans le rapport, pour la diversité des jurys et l'orientation non pas vers les seules connaissances, mais aussi vers le jugement et le respect. Cela se mesure dans les concours.
Madame de La Gontrie, je retrouve certaines de nos propositions dans le rapport de la Lopmi : le parcours de la victime, qui est délicat mais nécessaire, le fait que la police ressemble relativement à la population, la formation.
Il est très bien que la Cour des comptes s'occupe de la formation des policiers, qu'il faut rallonger - je pense surtout à la formation continue. Je crois beaucoup à la formation et à l'école ouverte aux organisations de défense des droits humains. Pourquoi la Ligue des droits de l'homme ou SOS Racisme ne viendraient-ils pas rencontrer les policiers ? Les uns et les autres font partie de la société. Il y a des expériences en ce sens tant dans la gendarmerie que dans la police.
Il faut faire attention à ne pas user sans précaution des outils technologiques comme les drones très qualifiés. Les nouveaux modes de caméras sont assez saisissants : on peut lire le livre qu'une personne lit à une terrasse de café avec une caméra située à 50 mètres ! Les caméras embarquées sont un moyen de pacifier le contact immédiat avec la personne contrôlée.
Le paragraphe 2.5.3 de la Lopmi sur la lutte contre les discriminations, la création du collège de déontologie, l'exclusion du service vont dans le sens de ce que Florian Roussel a indiqué sur la nécessité de sanctions plus appropriées. Sans aller jusqu'à l'exclusion systématique, on pourrait considérer que quelqu'un qui a commis des discriminations de manière réitérée n'est pas fait pour la police ou la gendarmerie.
S'agissant de la prise en compte des questions particulières à l'outre-mer, nous avons voulu discuter notamment avec la direction centrale outre-mer de la gendarmerie nationale. Sur le temps long, le fait qu'une part non négligeable des forces notamment mobiles de la gendarmerie soit présente en outre-mer interroge. Je considère que les forces mobiles, qui sont des forces d'intervention et qui ne sont pas si nombreuses dans le pays, ne doivent être utilisées que lorsque l'on ne peut pas faire autrement. Ce sujet doit être traité.
Permettez-moi de vous présenter une affiche du ministère de l'intérieur sur les différents types de discrimination - diffusée avant la publication de notre rapport. Elle liste 24 critères de discrimination pour disposer du label diversité de l'Agence française de normalisation (Afnor). Pour avoir, en d'autres temps, milité et obtenu que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen soit affichée dans les commissariats et dans les prisons, je suis convaincu de l'utilité d'un tel affichage.
Une enquête au Conseil d'État, maison que nous connaissons bien tous les deux, a montré que, dans le personnel de cette institution, les deux principaux motifs de discrimination étaient l'âge et l'apparence physique. Cela peut faire réfléchir les fonctionnaires.