Intervention de Guy Losbar

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 7 novembre 2022 : 1ère réunion
Évolution institutionnelle outre-mer — Audition de M. Guy Losbar président du conseil départemental de la guadeloupe

Guy Losbar, président du conseil départemental de la Guadeloupe :

Je vous remercie pour cette audition sur ce sujet de première importance, levier d'une amélioration pérenne des conditions de vie des Guadeloupéennes et Guadeloupéens. J'ai lu attentivement l'excellent rapport de Michel Magras. Contribuer aujourd'hui aux travaux de son actualisation retient toute mon attention.

Je préside le conseil départemental de la Guadeloupe, mais également le parti politique Guadeloupe unie, solidaire et responsable (GUSR), dont la dénomination définit le sens de mon engagement politique.

En tant que Guadeloupéen et homme politique de conviction, au regard des difficultés quotidiennes de ma population pour accéder à des ressources essentielles, au regard de tous les indicateurs sociétaux qui démontrent clairement que l'on ne peut pas traiter de manière égale les situations inégales, j'ai le devoir de m'inscrire dans une dynamique de changement pour mon territoire.

La Guadeloupe est composée d'une population vieillissante de 384 239 habitants qui diminue chaque année de 0,8 %, soit près de 3 000 habitants. Ce constat démographique est accentué par un solde migratoire structurellement défavorable dû au départ de notre jeunesse.

34,5 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté national. Les plus touchés sont les chômeurs, les familles monoparentales et les ménages jeunes. Les prestations sociales sont souvent la principale source de revenu. 40 % des plus de 15 ans sont peu ou pas diplômés quand, au niveau national, ils ne sont que 27 %. En Guadeloupe, le taux de chômage est de 17,2 % de la population active et seule une personne sur deux en âge de travailler possède un emploi contre six sur dix au niveau national.

La Guadeloupe subit l'impact de la crise sanitaire avec des impacts subséquents. Cette crise se révèle également sociale. Enfin, une crise de confiance existe envers ses institutions. La population attend des réponses concrètes et pérennes en matière d'eau et d'assainissement, de santé, de logement et réhabilitation de l'habitat, d'emploi et d'insertion des jeunes, de gestion des transports, de sécurité routière, de sécurité des biens et des personnes, etc. Nos jeunes montrent un désintérêt envers la politique et plus largement, la population exprime de la défiance envers les élus et les politiques publiques. Cette défiance est souvent alimentée par les médias et les réseaux sociaux qui privilégient l'immédiateté de l'information à l'analyse de fond de certaines problématiques. Ce constat, valable pour tous les territoires ultramarins, présente des spécificités propres à chacun d'entre eux. C'est ce message que porte l'Appel de Fort-de-France, ce front commun inédit des exécutifs des territoires d'outre-mer, dont je suis signataire.

Face à cette réalité de nos territoires, je privilégie le pragmatisme au fatalisme en étant convaincu qu'en Guadeloupe, avec l'ensemble des acteurs politiques, économiques, culturels et de la société civile, nous élaborons une stratégie territoriale nécessaire au rayonnement de l'archipel.

Au-delà du contrat de gouvernance concertée entre le conseil régional et le conseil départemental, ce « faire ensemble » a été élargi à l'ensemble des élus : parlementaires, maires et exécutifs des collectivités principales dans le cadre de la plate-forme des élus guadeloupéens. Cette démarche d'ouverture associe les forces vives et les représentants de la société civile.

Je suis également convaincu qu'il faut désormais éviter toute approche juridique sur la question de l'évolution institutionnelle et avoir une démarche pragmatique centrée sur l'efficacité des politiques publiques en ayant à l'esprit que le statut n'est pas une fin en soi, mais un moyen. Dépassionnons le débat autour de cette dichotomie des articles 73 et 74 de la Constitution qui engendre méfiance et inquiétude et qui a favorisé en 2003 le non lors du référendum sur la création d'une collectivité unique, avec 73 % des suffrages exprimés.

Aujourd'hui, la peur du changement existe toujours, mais sa nécessité est reconnue majoritairement. Dans le droit fil des travaux engagés avec l'ensemble des acteurs institutionnels, économiques et culturels, j'ai entamé une démarche pédagogique au service d'une adhésion de tous à notre stratégie territoriale. À ce titre, le 29 juin dernier, j'ai organisé un premier séminaire d'acculturation à la question institutionnelle, sur le thème suivant : « Comment concilier évolution institutionnelle et développement territorial de qualité ? ». Le 1er octobre dernier, j'ai initié un débat centré sur le thème de « l'évolution institutionnelle et les sociétés ultramarines ». À la mi-décembre en partenariat avec l'exécutif régional, nous avons prévu d'organiser un forum citoyen sur la question.

En parallèle, nous avançons avec méthodologie sur notre stratégie territoriale. Le 14 novembre, nous installerons la commission mixte ad hoc en vue des travaux préparatoires d'un congrès conclusif courant 2023. Cette commission sera composée des exécutifs et conseillers de la région et du département, des parlementaires et du président de l'association des maires. Elle sollicitera pour ses travaux des experts et bénéficiera de la contribution de la société civile. Les six prochains mois seront consacrés à co-construire un diagnostic territorial sur des thématiques prioritaires qui porteront notamment sur les investissements structurants, les questions environnementales, les aides au développement économique, la souveraineté alimentaire et énergétique, la culture et l'identité culturelle, la fiscalité.

La restitution des travaux devra permettre d'estimer les engagements financiers supplémentaires attendus des collectivités et de l'État pour conduire la nouvelle stratégie territoriale, ainsi que les leviers supplémentaires nécessaires en matière d'habilitation et d'expérimentation. Elle illustrera aussi le besoin d'une réforme de nos institutions. Sur ce sujet, toutes les réflexions convergent vers la création d'une « boîte à outils » au sein de la Constitution, afin d'ouvrir le champ des possibles. Elle pourra être utilisée par les territoires en fonction de leurs spécificités, s'ils le souhaitent et quand ils le souhaiteront. Cette vision est partagée notamment avec les experts qui estiment que le premier enjeu d'une réforme du titre XII de la Constitution serait celui de la simplification et de la lisibilité des dispositions relatives aux outre-mer. Le second enjeu, de la « boîte à outils », serait de permettre l'adoption d'un « statut à la carte » selon les besoins, aspirations et projets de développement de chaque territoire ultramarin. C'est pour cela que nous devons profiter de l'opportunité qui nous est offerte, avec la révision annoncée du titre XIII de la Constitution relatif à la Nouvelle-Calédonie, de repenser globalement le cadre constitutionnel des outre-mer.

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