Intervention de Martine Filleul

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 24 novembre 2022 : 1ère réunion
Table ronde sur les femmes en temps de conflits armés

Photo de Martine FilleulMartine Filleul :

Merci Madame la Présidente, merci à tous.

Les viols et violences sexuelles sont des moyens de guerre depuis toujours, mais ils sont utilisés comme armes de guerre de manière massive dans les conflits contemporains.

La prise de conscience de ce fléau remonte aux années 1990, quand l'opinion internationale a découvert les horreurs commises en ex-Yougoslavie et a eu connaissance des dimensions stratégiques du viol. Il y était utilisé de manière massive à des fins de nettoyage ethnique, pour faire porter l'enfant de l'ennemi à des femmes utilisées comme esclaves sexuelles. Au Rwanda, l'intégration des viols de masse dans une stratégie d'extermination ethnique a pris une dimension nouvelle avec la contamination des victimes de viols par le virus du Sida.

Depuis l'adoption de la résolution 1820, le 19 juin 2008, par le Conseil de sécurité des Nations unies, le viol est qualifié de crime de guerre, crime contre l'humanité et crime constitutif du crime de génocide. En dépit de l'opposition de plusieurs pays, le viol relève désormais officiellement de la Cour pénale internationale (CPI).

L'objectif est, avec l'utilisation du viol comme arme de guerre, de détruire des communautés entières, notamment en infligeant aux hommes d'assister au viol des femmes de leur famille. Au-delà de la victime, c'est l'ensemble de sa communauté que le viol cherche à atteindre.

Cette barbarie concerne tous les âges, de très jeunes enfants - parfois des nourrissons de quelques mois - comme des personnes âgées. Les hommes et les jeunes garçons ne sont pas épargnés, ce qui confère une dimension singulière à cette violence dans des sociétés où elle est particulièrement taboue.

Les technologies numériques permettant aux bourreaux de filmer ces atrocités ont ajouté la menace permanente, pour les victimes, que ces vidéos se retrouvent en ligne et que leur calvaire soit connu de tous.

L'une des causes de l'expansion du viol de guerre est que les conflits actuels ne sont plus limités à des champs de bataille circonscrits, mais atteignent les lieux de vie des populations civiles, qui deviennent ainsi la cible de ces violences. L'impact de celles-ci n'est pas limité aux territoires en crise. En effet, les femmes accueillies en Europe dans le cadre d'un parcours migratoire ont, dans une proportion importante, subi des violences, tant dans leur pays d'origine que dans les camps de réfugiés.

Les exemples récents de telles violences ne manquent malheureusement pas. L'ONU a documenté et vérifié plus de 2 500 cas de violences sexuelles liées aux conflits commises au cours de l'année 2020 dans dix-huit pays. 96 % de ces violences visaient des femmes et des filles. Ces violences sont par ailleurs notoirement sous-déclarées selon l'ONU.

Des milliers de viols ont ainsi été documentés en République démocratique du Congo (RDC), au Soudan, en Guinée, en Libye, en Syrie, en République centrafricaine, au Sri Lanka, au Nigéria ou encore en Irak. Des femmes yézidies y ont été enlevées et livrées comme esclaves sexuelles aux soldats de l'État islamique.

Plus récemment, dans les régions montagneuses éloignées du nord et du centre du Tigré, en Éthiopie, les femmes et les filles sont victimes de violences sexuelles, d'un niveau de cruauté incompréhensible d'après l'ONU, depuis le début des hostilités dans cette région en novembre 2020.

Depuis le début de l'année, de nombreux témoignages venus d'Ukraine dénoncent également des pratiques de viols en série, qui s'inscrivent visiblement dans une stratégie militaire visant à déshumaniser les victimes et à terroriser la population, comme le relatent deux rapports remis à l'ONU en septembre 2022.

Afin de dresser un état des lieux de la situation actuelle au niveau global ainsi que, plus spécifiquement, en Ukraine, je souhaite la bienvenue aux participantes de cette première table ronde.

Deux d'entre elles sont dans cette salle à mes côtés, et je les en remercie. Anne Castagnos-Sen est responsable des relations extérieures d'Amnesty International France et experte des enjeux Droits des femmes. Céline Bardet est quant à elle directrice générale de l'ONG We are NOT Weapons of War (WWoW), qu'elle a fondée.

Deux autres participantes auraient dû intervenir par visioconférence depuis l'Ukraine. Maurine Mercier est journaliste et correspondante de France Info et de la Radio Télévision Suisse (RTS) en Ukraine. Les récents bombardements, qui ont privé le pays, et notamment Kiev, de tous les moyens techniques, nous empêchent d'entrer en communication avec elle. Nous diffuserons le reportage qui lui a valu le prix Bayeux des correspondants de guerre. Nous essaierons de joindre Kateryna Cherepakha, présidente de La Strada, ONG de lutte contre les violences faites aux femmes en Ukraine, toutefois soumise aux mêmes difficultés techniques.

Je laisse sans plus tarder la parole à Anne Castagnos-Sen.

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