Intervention de Anne Castagnos-Sen

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 24 novembre 2022 : 1ère réunion
Table ronde sur les femmes en temps de conflits armés

Anne Castagnos-Sen, responsable des relations extérieures d'Amnesty International France et experte des enjeux Droits des femmes :

Le sujet de l'accueil me tient à coeur car j'ai travaillé pour la Cour nationale du droit d'asile (Cnada), y compris au Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR). Je ne pense pas que ce soit une question de cadre juridique. Je crois que le droit est là. Le droit d'asile est un droit constitutionnel et fait l'objet de nombreuses dispositions françaises, européennes, internationales couvrant ces cas. Le problème relève plutôt de l'accès au territoire en amont. Encore faut-il que les femmes puissent arriver en France par les voies régulières. Concernant l'accord des visas, plusieurs dossiers sont en suspens, notamment pour des femmes afghanes. À Amnesty International, nous demandons depuis des années que les personnes en danger, et notamment les femmes, aient des voies d'accès sécurisées au territoire français pour éviter d'avoir à recourir aux passeurs, avec les conséquences connues de ce type de parcours. Se pose également la question des zones d'attente, lorsque les demandeurs d'asile parviennent aux frontières aériennes et terrestres, et celle de l'application des dispositions de la Convention de Genève ou du droit français. J'aime beaucoup l'idée émise par Laurence Rossignol d'une reconnaissance prima facies des femmes migrantes. Ce serait formidable. Cette disposition existe dans la Convention de Genève, dans certains cas. Elle n'a presque jamais été utilisée. Ces pistes sont intéressantes. Les parlementaires doivent mener une action auprès de l'exécutif pour ouvrir beaucoup plus l'accès aux visas.

Permettez-moi de revenir sur la question de la lutte contre l'impunité et sur la reconnaissance universelle ou extraterritoriale. Aujourd'hui, un auteur présumé de violences sexuelles, qu'il soit ukrainien, syrien, éthiopien ou de quelque autre nationalité, arrivant en France, ne peut pas être arrêté. Il le pourrait s'il était accusé de torture, puisque la convention contre la torture prévoit la compétence universelle. S'il est responsable de crimes de guerre, crimes contre l'humanité ou crime génocide, on ne peut rien faire, en raison des trois verrous suivants :

- l'exigence de résidence habituelle sur le territoire français, rédhibitoire, parce que fort peu de ces auteurs présumés résident régulièrement sur le territoire ;

- la condition de double incrimination, encore plus absurde, puisqu'il faut que le crime de guerre contre l'humanité fasse également partie de l'arsenal juridique pénal du pays d'origine ou de nationalité de l'individu ;

- la question du monopole des poursuites par le parquet, le seul à pouvoir engager des poursuites.

Le sénateur Jean-Pierre Sueur a émis plusieurs propositions de loi en la matière. J'encourage les sénateurs présents à les soutenir.

Madame Rossignol, vous avez cité Berlin, dont je reviens, mais ce qui s'est passé en Tchétchénie très récemment, qui est méconnu, témoigne également d'une certaine continuité dans la culture de l'armée russe.

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