Un grand merci à vous. Effectivement, je suis à Kiev. Nos infrastructures énergétiques et critiques ont subi une nouvelle frappe hier. Elle a été douloureuse pour les Ukrainiens, notamment pour la capitale qui a été largement plongée dans le noir. L'eau et l'électricité sont en train de revenir. Nous traversons une phase compliquée. Merci pour votre soutien et votre appui.
L'oratrice précédente a très bien décrit la très grande implication des femmes dans l'armée ukrainienne. Elles ont des responsabilités. Cette armée est assez largement féminisée, bien que nous n'atteignions pas la parité. Ceci reflète une des caractéristiques de la lutte contre la guerre d'agression russe. Ce n'est pas seulement une armée qui se bat contre une autre. C'est une nation, la nation ukrainienne, qui se défend contre l'agression russe. La place des femmes est importante sur le front. Elle l'est également sur les bataillons territoriaux, envoyés par les villes et les maires. Il y a ainsi une vraie prise en charge de l'ensemble de la population, s'agissant des forces militaires, et pas seulement des hommes. Les femmes sont aussi, peut-être plus que les hommes à l'exception des militaires, de très grandes victimes de ce conflit d'agression. Elles ont d'abord subi l'exil. Un très grand nombre d'Ukrainiennes ont en effet dû quitter le territoire avec leurs enfants. Cinq millions d'entre elles et eux ont été déplacés, puisque, vous le savez, les hommes en âge de porter une arme, âgés de 18 à 60 ans, ne sont pas autorisés à quitter le pays. Les réfugiés sont donc très majoritairement des femmes, avec leurs enfants. Elles ont eu à subir la séparation familiale ainsi qu'un exil à l'extérieur et un statut de réfugiés. Nous en avons accueilli 100 000 en France, dont 18 000 enfants. Cet accueil a été très positif. Je n'ai jamais entendu de plainte ou critique des autorités ukrainiennes à cet égard.
Les femmes ukrainiennes et leurs familles sont aussi surreprésentées dans les cinq millions de déplacés internes qui ont dû fuir leur lieu d'habitation habituel pour se réfugier à l'ouest du pays. Les crimes qu'elles subissent sont dramatiques, notamment les viols et agressions sexuelles dont elles sont victimes lorsqu'une partie du territoire est soumis à l'occupation russe. Nous constatons au fur et à mesure de la libération de ces zones, à Boutcha, Izioum, puis Kherson, que ces crimes sexuels sont très largement représentés. Les femmes les subissent en premier lieu. Puisque s'y ajoutent de nombreux crimes d'autres natures, il nous revient, en tant qu'occidentaux et en particulier en tant que Français, d'attirer l'attention des Ukrainiens, et notamment du procureur général, sur le caractère inacceptable de ces crimes sexuels à l'encontre des femmes. Nous tenons très régulièrement ce dialogue avec Andriy Kostin, comme nous le tenions avec sa prédecesseure, pour les sensibiliser. Les enquêtes ouvertes de crimes de guerre sont si nombreuses - à hauteur de 50 000 environ - qu'il nous revient d'insister auprès des Ukrainiens pour que ces crimes sexuels fassent partie des recensements. C'est le cas, mais peut-être pas au niveau exact. Ceci dit, des efforts ukrainiens sont faits. Le procureur général a ouvert au sein de sa procurature générale un département spécifique dédié aux crimes sexuels. Il s'est entouré d'une équipe de procureurs, qu'il faut maintenant former. Nous travaillons sur cette base et renforçons une prise de conscience qui existait déjà, quant au caractère étendu, inacceptable et abominable de ces crimes.
Du côté français, nous avons insisté sur le volet des femmes. Parmi l'aide humanitaire que nous déployons en Ukraine, un certain nombre de programmes sont spécifiquement centrés sur ces problématiques. Il s'agit souvent de programmes régionaux visant à accueillir et aider les femmes ukrainiennes en dehors des frontières. Environ 4,3 millions d'euros de programmes sont gérés par le Quai d'Orsay. Parmi eux, je peux citer « Action santé femme », qui fournit des soins de gynécologie obstétrique pour ces femmes réfugiées en Roumanie et à la frontière avec l'Ukraine. Terre des Hommes a également monté un programme visant à aider la protection sanitaire et psychosociologique des enfants et des mères dans les centres d'accueil et de transit, pour environ deux millions d'euros. Nous avons enfin aidé l'ONG Global Survivor Fund, accompagnant les survivants de violences sexuelles liées au conflit en Ukraine.
L'ambassade, avec ses moyens modestes, a également aidé une ONG ukrainienne dans l'accueil de femmes victimes de violences sexuelles. Elle a ouvert trois foyers dans le pays. La présidente de l'assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a visité celui de Kiev et y a rencontré les mères et enfants qui y logent. Ces foyers d'étape leur permettent de se reconstruire et de reprendre des forces après des violences de diverse nature.