Intervention de Peter Weiss

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 3 novembre 2022 à 9h40
Audition publique sur les enjeux du conseil ministériel de l'agence spatiale européenne des 22-23 novembre 2022 jean-luc fugit député rapporteur

Peter Weiss, PDG de Spartan Space :

Monsieur le rapporteur, Monsieur le président, merci beaucoup. Comme vous l'avez dit, Spartan Space est une jeune entreprise du New space français, implantée à Marseille. Nous voulons travailler sur des systèmes d'habitation pour les milieux extrêmes, dont le spatial. Nous travaillons déjà sur certains projets dont je suis assez fier. Avec Thales Alenia Space, nous travaillons sur le International Habitation Module (I-HAB), l'un des deux modules européens sur la future station spatiale Gateway qui va être en orbite lunaire. Je crois que nous sommes l'une des seules start-up à participer à ce développement. Nous allons fournir le module pour l'entraînement des astronautes à Houston. Nous travaillons également avec Airbus sur un autre concept, une station orbitale commerciale, qui est actuellement en discussion avec l'Agence spatiale européenne.

Je souhaite surtout parler d'un autre projet, Euro-Hab, qui est un habitat gonflable en surface lunaire. Son point fort est qu'il a été conçu comme une charge utile pour un véhicule robotisé nommé EL3, qui sera en discussion lors de la prochaine session ministérielle et qui a toutes les chances de devenir le transporteur européen pour la surface lunaire. Euro-Hab a été conçu en fonction des caractéristiques d'EL3 et comme un habitat secondaire, tel un camp de base utilisé pour une ascension de l'Everest. Si l'on place cet habitat de manière robotisée sur des points stratégiques, il peut servir pour des missions extravéhiculaires, pour élargir le rayon de l'exploration. Cela pourrait être une contribution au projet Artemis. D'ailleurs, la NASA a déjà demandé aux Italiens de s'y intéresser. Ce serait la première habitation sur notre corps céleste. Cela peut être très sympathique.

Notre Euro-Hab va remplir le vide entre les sites d'atterrissage sûrs et les sites d'intérêt. Tout le monde parle aujourd'hui du Pôle Sud de la Lune parce que c'est une région stratégique. J'entends souvent que la Lune est une étape vers Mars. Pour moi, ce n'est pas vrai. La Lune est l'étape vers Mars. Si l'Europe ne va pas sur la Lune et ne s'implique pas dans les missions surface lunaire, elle aura du mal à se positionner pour aller plus loin. C'est important.

J'aimerais souligner un élément. Le Pôle Sud recèle des ressources et c'est donc une région importante. Mais il s'agit d'une zone qui est à peu près de la taille de Paris. C'est là où vont se positionner les Américains, les Chinois. Il est donc très important que l'Europe ait sa place dans cette région.

La vidéo qui est actuellement diffusée sur les écrans illustre le projet Euro-Hab en développement. Le module est transporté de manière robotisée et peut être positionné sur des lieux stratégiques, qui ne sont d'ailleurs pas forcément accessibles aux missions habitées, parce qu'on peut prendre un peu plus de risques avec un véhicule robotisé. Ensuite, il s'ouvre comme une fleur et se gonfle, un peu comme une tente, mais sur la Lune.

Ces technologies sont matures et disponibles en Europe ou dans des États membres de l'Agence spatiale européenne. Aujourd'hui, il existe déjà un habitat gonflable sur la station spatiale internationale. Nous travaillons avec le CNES et Thales sur un projet visant à développer de tels habitats, ainsi qu'avec d'autres partenaires, comme Air Liquide et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), sur des sous-systèmes, notamment la gestion d'énergie, le recyclage et la réduction chimique de CO2. Notre modèle économique suppose de valoriser ces technologies sur Terre parce qu'elles peuvent nous aider à relever les défis auxquels nos sociétés sont confrontées.

Cet habitat serait placé sur la Lune et y resterait, contrairement au système américain. Ce serait donc un ambassadeur du savoir-faire français du spatial, un signe assez fort. On parle beaucoup de nos capacités en matière de vol habité. Euro-Hab est un système complémentaire aux capacités américaines. Je suis entièrement d'accord avec l'idée que l'Europe doit développer sa capacité à lancer les astronautes. C'est tout de même une hérésie que nous soyons passagers sur les fusées des autres. Mais je pense qu'il faut aussi aller plus loin, et ce genre de projet peut se positionner en complémentarité par rapport à ce qui existe déjà du côté américain.

Nous ne travaillons pas tout seuls sur ce projet mais avec plusieurs partenaires, notamment le CNES, l'Agence spatiale européenne et certains partenaires industriels. Ce que vous voyez à l'écran est la maquette que nous avons pu construire grâce aux financements que nous avons obtenus. Elle est partie à Dubaï pour l'Exposition universelle et elle est actuellement au centre européen des astronautes de Cologne. Nous voulons pousser ce développement à la manière du New space : nous ne voulons pas le vendre comme un produit aux agences mais le proposer comme un service. Tout cela aura un impact sur l'emploi, pas seulement pour notre petite société, mais pour tous ses partenaires.

J'irai même plus loin. On parle beaucoup d'inspiration. Un projet comme le nôtre peut être un projet phare qui inspire. Quand je parle d'inspiration, il ne s'agit pas de faire briller les yeux des enfants, mais d'arrêter cette fuite des cerveaux vers les États-Unis. Aujourd'hui, un étudiant peut signer un contrat avec Space X pendant ses études. Mais à la fin de ses études, il devra aller travailler aux États-Unis. Malgré cette contrainte, de nombreux étudiants se laissent tenter. Aujourd'hui, avec l'envergure des projets auxquels nous participons, nous pouvons essayer de retenir des talents en Europe et en France. Et cela peut être une contribution d'Artemis, une place forte sur la Lune pour que nous ne soyons pas uniquement spectateurs.

Il faut se mettre en mesure de proposer une contribution significative à ces missions. Mais pour cela, il va falloir de l'aide, un positionnement très fort du CNES et du gouvernement. C'est vous qui allez nous donner les tickets sur Artemis. Ce n'est pas ma petite start-up qui peut le faire. C'est pour cela que nous avons besoin de votre soutien. Merci beaucoup.

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