Intervention de Serge Letchimy

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 18 novembre 2022 : 1ère réunion
Évolution institutionnelle outre-mer — Audition de M. Serge Letchimy président de la collectivité territoriale de martinique

Serge Letchimy, président de la collectivité territoriale de Martinique :

Il faudrait selon moi supprimer le rôle du préfet, et le remplacer par un représentant des affaires régaliennes de l'État. Il doit, selon moi, être remplacé par une personne chargée des grands intérêts et sujets régaliens de l'État, de l'armée, de la monnaie, de la justice, et du droit. Tout ce qui concerne le développement interne et local doit rester à la main des collectivités, avec un droit à l'initiative lié à la possibilité d'adapter ou d'initier les lois dans les compétences qui sont accordées au plan local : énergie, urbanisme, aménagement... C'est ce que je qualifie de responsabilisation, et qui va à mon avis conforter la place de la démocratie. Analysez donc les courbes de participation aux élections. Nous battons tous les records dans les outre-mer. Pourquoi ? C'est le préfet, Paris et le ministre qui décident. Vous devez demander une autorisation pour n'importe quoi. Le ministre, lui-même, ne comprend pas tout. Nous devons donc supprimer le rôle de préfet.

Ensuite, il faut restituer des pouvoirs et contrôles aux élus locaux. Ce ne sera pas simple au départ, mais cela nous permettra de construire l'ingénierie locale. Il n'y a pas de culture ni de « réflexe outre-mer » dans les ministères.

La déconcentration des pouvoirs n'est pas une bonne chose, car elle revient à les garder dans les mêmes mains. Nous devons donc les déconcentrer et les décentraliser dans le même temps, dans les mains des élus locaux, en conservant un contrôle.

Ensuite, les fonds européens ne sont pas suffisamment sollicités Le Premier ministre Ayrault avait lancé un appel à candidatures pour les régions souhaitant s'en charger. Nous nous sommes présentés immédiatement. C'est une avancée considérable, qui englobe l'idée, le projet et son financement, avant de nous sortir le discours classique sur le déficit de technicité dans les outre-mer. Qu'on nous donne de l'argent pour obtenir de la technicité,. c'est normal, car nous formons tous les jeunes jusqu'au bac, ce qui représente un coût, puis ils partent vers l'Hexagone, et y restent. Pour les conserver, nous devons disposer d'un lieu d'exercice de l'ingénierie. Ce n'est pour l'heure pas le cas.

Ainsi, nous redonnerons du sens à la démocratie, aux élections et à l'électorat. Nous obtiendrons une participation beaucoup plus forte grâce à une meilleure intégration. Nous ne sommes que des exécutants, on nous le rappelle très souvent. Ce sont la DEAL, l'ONF et la DAAF qui ont les vrais pouvoirs. Nous sommes pris en tenaille par rapport à des logiques indépassables. Je pense honnêtement que ce n'est pas rendre un service à ces régions de les mettre sous tutelle à ce point sur le plan local.

Faut-il pour autant passer à l'article 74 ? C'est le débat le plus ridicule que j'ai jamais vu. Cela voudrait dire que pour avoir droit à l'initiative, nous devrions perdre nos capacités régaliennes de l'égalité. Je respecte l'article 74, mais ce n'est pas le choix des Martiniquais. Si je le propose, je serai rejeté dans toutes les consultations. En résumé, je ne suis pas du tout satisfait des mécanismes actuels. Nous parvenons tout de même à fonctionner, mais ça ne nous permet pas, je pense, d'atteindre les objectifs que nous nous fixons.

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