Intervention de Serge Letchimy

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 18 novembre 2022 : 1ère réunion
Évolution institutionnelle outre-mer — Audition de M. Serge Letchimy président de la collectivité territoriale de martinique

Serge Letchimy, président de la collectivité territoriale de Martinique :

Je pense que nous devons tout faire pour aider la France à évoluer dans la question de la prise en compte de la subsidiarité, grand principe européen n'étant pas appliqué clairement au niveau national. C'est pour cette raison que nous parlons de décentralisation.

Ensuite, j'identifie un enjeu post-colonial et post-départementalisation. Le « bienfait » de cette départementalisation ont montré leurs limites en termes de bonnes applications des politiques publiques. La différenciation intrinsèque à la construction de la loi me semble être un enjeu considérable.

J'ai analysé en détail les statuts des Açores, de Madère ou encore des Canaries. L'élaboration du droit primaire et du droit constitutionnel portugais ou espagnol montre la création, au sein même du système, d'un partenariat de construction législative et réglementaire corroborant des politiques publiques de développement. La France, pendant longtemps et y compris depuis 2003, a vu un glissement entre la spécialité législative et l'identité législative. Par le passé, tout le monde cherchait cette dernière. Maintenant, c'est la spécificité législative. Saint-Martin a par exemple parfaitement réussi à intégrer un processus de spécialité législative sans jamais abandonner réellement l'identité législative. C'est donc à la carte que nous trouverons des solutions.

Vous me demandez si nous devons rester dans une opposition binaire entre les articles 73 et 74. Je ne le veux pas. J'identifie deux hypothèses. La première serait de supprimer ces deux articles et de créer un nouveau texte permettant, par la loi organique, d'avoir un curseur d'évolution. La seconde reviendrait à revoir la rédaction des articles 73 et 74, qui présentent certains acquis, pour arriver à l'instauration par la Constitution d'un vrai pouvoir d'initiative locale, via l'expérience d'un pouvoir normatif.

Nos populations sont très désorientées par des incertitudes, et une forme de discrédit politique local et national. Nous observons aujourd'hui un processus que Césaire ne voulait surtout pas : une aliénation de nous-mêmes par rapport à nos propres richesses, à notre culture, notre identité, notre milieu. Tout cela me semble extrêmement dangereux pour l'avenir.

Entre ces deux hypothèses, je n'ai pas fait mon choix, et suis de toute façon mal placé pour le faire. Mieux vaut attendre les conclusions de notre congrès, pour que je puisse respecter le processus. Je suis certain que l'intelligence collective nous permettra de trouver le système le plus acceptable pour chacune des populations. La Guyane couvre la même surface que l'Autriche et a tous les moyens de l'indépendance. Ses revendications sont donc légitimement différentes de celles de la Martinique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion