Intervention de Serge Letchimy

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 18 novembre 2022 : 1ère réunion
Évolution institutionnelle outre-mer — Audition de M. Serge Letchimy président de la collectivité territoriale de martinique

Serge Letchimy, président de la collectivité territoriale de Martinique :

Des mots tels que DROM et TOM sont liés à notre position embarrassante vis-à-vis de la France. Ils sont infantilisants, mécaniques, humiliants. On nous dit que nous sommes Domiens, Tomiens, etc. Pourtant, nous devons appeler ces pays par ce qu'ils sont. Je suis Martiniquais, pas Domien. Je pense que des résolutions porteront sur ce point. Je pense également que nous devons vraiment considérer ces pays comme des pays. Ce ne sont pas des pays indépendants, ni des États-nations, mais des cultures, nations et identités. Je suis effrayé de voir que nous perdons les racines de nos cultures. Nous devons les remettre en avant, pas les folkloriser.

Ensuite, la notion de peuple doit absolument être reconnue. Jusqu'à présent, la Constitution ne reconnaît que les populations des outre-mer, et non les peuples des outre-mer. Dans les temps qui viennent, ce point devrait évoluer.

Ces identités, dans leur pluralité multiculturelle, configurent la force de l'humain. Cette représentation est déjà bien implantée en France, notamment dans toutes les grandes villes, et plus particulièrement dans les banlieues de Paris. Nous avons ce besoin d'expression multiculturelle, avec une identité propre irriguant les autres identités, dans la diversité. Je pense que nous entrons dans un processus désastreux aujourd'hui, avec un racisme qui reste larvé, que nous le voulions ou non. Je vois tout de même, dans toutes les instances, des gens de toutes origines et de toutes natures commencer à se mélanger. Ce processus demandera du temps, en raison des traces indélébiles laissées par la colonisation. Nous devons ainsi laisser le temps au temps pour se co-construire.

Les outre-mer sont le paramétrage, l'organisation, la préfiguration du monde de demain dans sa pluralité, tel que l'a conçu et vécu Césaire. Ce dernier n'a pas emprunté la philosophie des Lumières pour se faire plaisir théoriquement ou politiquement, mais parce que c'était le cheminement de l'humanisation et de la liberté. C'est pour cette raison qu'il a choisi très tôt, en 1946, d'être dans un ensemble. Il n'a pas fait le choix de l'assimilation et de l'aliénation, mais celui de l'existence en tant que population et que peuple. Ce combat est complexe.

Dans la plupart des pays, on voit émerger une capacité intellectuelle de créativité et de création. Césaire disait que nous n'avions pas de mines, d'or, de pétrole, de gaz - on en a d'ailleurs peut-être découvert -, mais que le désastre du climat nous offrirait sûrement une possibilité de reconstruction du monde. Ne perdons pas l'occasion de nous en saisir. Nous avons les bases et les moyens de le faire, car nous ne sommes pas encore arrivés à l'optimum du capitalisme traditionnel ultralibéral. Oui, je pense que la nature qui se modifie peut nous permettre de construire de nouveaux modèles de développement, plus appropriés à nos réalités.

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