Intervention de Serge Letchimy

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 18 novembre 2022 : 1ère réunion
Évolution institutionnelle outre-mer — Audition de M. Serge Letchimy président de la collectivité territoriale de martinique

Serge Letchimy, président de la collectivité territoriale de Martinique :

Je l'ai lu avec attention, tout comme le rapport de la rencontre avec les juristes de l'AJDOM. Le premier se situe dans la continuité de ces deux mouvements. Le Sénat réalise un superbe travail, qui devrait être suivi par l'Assemblée nationale. Nous devons vraiment trouver les bases nécessaires d'analyse à travers ces rapports pour transcrire des procédures dans nos lois constitutionnelles, mais aussi au plan normatif. La loi organique configure le degré et le niveau d'autonomie. Elle est en principe postérieure à la consultation constitutionnelle. Je pense que nous devons inverser cet ordre pour rendre le processus transparent pour la population. Je ne sais pas comment faire, car je ne suis pas juriste. Il ne s'agit pas que d'un simple changement d'articles entre le 73 et le 74, mais aussi d'un projet de société. Celui-ci doit être décliné dans la loi organique, en donnant les moyens d'atteindre les buts du projet de société.

Pour atteindre l'autonomie alimentaire, par exemple, quels pouvoirs devons-nous détenir ? Sur quels paramètres pouvons-nous agir ? À quel moment l'État intervient-il dans le droit foncier ? Je pense que nous devons le laisser régler ces problèmes. Mais la loi organique doit être plus claire, en amont, afin de savoir à quoi elle correspondra pour la Martinique si celle-ci choisit d'évoluer.

Par ailleurs, nous devons à mon avis inverser la mentalité de l'État consistant à nous demander de démontrer que nous « sommes bloqués » pour qu'on nous ouvre la porte. L'État nous dit qu'il modifiera les textes « si nécessaire ». S'il me dit cela, je quitte la table. Lors de grands moments de la vie politique, on décide de faire un acte politique. Lorsqu'a été discutée l'abolition de la peine de mort, on n'a pas dit « si nécessaire ». Il existe des enjeux majeurs. L'outre-mer en est un. C'est une puissance géopolitique et géostratégique majeure, qui permet à la France d'occuper le deuxième rang mondial au niveau maritime. J'ai demandé à l'Office français de la biodiversité (OFB) d'évaluer la valeur écologique des services que nous rendons. Je ne dispose pas encore de sa réponse. Une petite étude a été réalisée par l'UICN, et une autre par la Martinique. Nous avons évalué notre contribution écologique dans le marché carbone à 80 ou 100 millions d'euros. Où va cette contribution écologique ? Je ne dis pas que le Languedoc-Roussillon n'apporte rien du tout. Simplement, nous devons prendre conscience de ces réalités.

Enfin, que nous devons être clairs dans le processus de réparation et de construction. Nous allons dénommer des rues en Martinique. Des personnes sont associées à des moments très graves en termes de crimes contre l'humanité. Je ne comprends toujours pas que le ministère des Outre-mer se trouve toujours rue Oudinot, où se trouvait le ministère des Colonies. Les archives des crimes de la colonisation sont toujours conservées dans son sous-sol. Comment ce bâtiment peut-il être le lieu de discussions et de dialogue démocratique, et de respect de l'Homme, dans un contexte historique tel que nous le connaissons ? Nous devons absolument déplacer ce ministère ailleurs, sans quoi il restera le ministère des colonies dans l'esprit de chacun. Ne me dites pas que l'État n'a pas d'autres bâtiments à proposer.

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