Intervention de Florence Lassarade

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 janvier 2023 à 9h05
Projet de loi relatif aux jeux olympiques et paralympiques de 2024 — Examen du rapport pour avis

Photo de Florence LassaradeFlorence Lassarade, rapporteure pour avis :

Sur les dix-neuf articles du projet de loi, la commission des lois a délégué à notre commission l'examen au fond des articles 1er et 2 relatifs à la santé ainsi que de l'article 17 relatif au travail. Notre commission s'est également saisie pour avis de l'article 4 relatif au contrôle antidopage.

L'article 1er vise à créer, pour la période des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), un centre de santé destiné aux seuls athlètes et membres des délégations, au sein même du village olympique.

Cet article traduit directement l'un des engagements du contrat de ville hôte qui prévoit la mise à disposition au sein du village olympique et paralympique d'une « polyclinique » destinée à délivrer des soins de premiers recours et à préserver la « bulle sécuritaire » que constitue ce village. Doivent ainsi pouvoir être dispensés les soins primaires, la médecine du sport, les services médicaux spécialisés, les services pharmaceutiques, les services dentaires, les thérapies physiques, la radiologie, l'imagerie à résonance magnétique et l'optométrie durant seize heures par jour. Des services médicaux d'urgence doivent être accessibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Certaines activités sont susceptibles d'être externalisées, comme les analyses biologiques, quand d'autres seront assurées, du fait d'un besoin limité, directement à l'hôpital comme les examens de scanner.

Cette « polyclinique », qui ne sera active que pendant la durée des Jeux, sera gérée par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP).

Le format proposé, qui est conjointement élaboré par Paris 2024 et l'AP-HP, sous la supervision de l'agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France et de la direction générale de l'offre de soins, me paraît correspondre aux exigences du contrat de ville hôte.

Je souligne en outre qu'il s'agit ici d'une offre limitée, comme je le disais, à des soins de premier recours et que les éventuels besoins de soins plus importants seront gérés par l'offre hospitalière classique. Les athlètes seront ainsi dirigés vers l'hôpital Bichat, quand l'hôpital Avicenne et l'hôpital européen Georges-Pompidou accueilleront respectivement les médias et la famille olympique et paralympique.

En matière d'effectifs, selon les prévisions actualisées fournies par Paris 2024 et l'AP-HP, les professionnels estimés nécessaires pour le centre de santé sont, par jour et au pic d'activité, au nombre de 193 : 35 médecins, dont 6 urgentistes et 8 médecins du sport ; 16 dentistes ; 98 paramédicaux, dont 28 masseurs-kinésithérapeutes et 14 infirmiers ; 44 administratifs. Ces chiffres, s'ils ne sont pas négligeables, ne sont pas de nature, selon les acteurs entendus, à perturber l'organisation des soins sur le territoire. Je souligne par ailleurs que, en termes de fonctionnement, la plupart des praticiens seront des volontaires olympiques, bénévoles, l'encadrement étant assuré par des praticiens de l'AP-HP, qui seront salariés du centre.

J'en viens au dispositif lui-même porté par l'article 1er.

Le choix a été fait de retenir la forme d'un centre de santé. Je me suis interrogée sur la pertinence de cette structure. Toutefois, les arguments invoqués s'agissant de la souplesse, mais aussi de la cohérence du schéma avec les soins dispensés, m'invitent à valider cette option, privilégiée à la création d'un établissement de santé pour une durée si brève.

Cependant, des dérogations au régime de droit commun sont nécessaires, pour trois raisons principales. Premièrement, le centre de santé n'accueillera pas de public autre que les seuls membres des délégations et personnes accréditées ayant accès au village. Ensuite, cette polyclinique réalisera l'intégralité de ses actes à titre gratuit, sans prise en charge par l'assurance maladie. Enfin, le centre doit pouvoir dispenser des produits réservés à l'usage hospitalier.

En conséquence, le présent article prévoit un ensemble de dérogations expresses au code de la santé publique afin d'adapter le cadre juridique aux réalités de ce centre de santé très particulier et à la durée limitée. C'est le cas notamment des dispositions relatives au projet de santé. L'installation d'appareils d'imagerie est par ailleurs autorisée pour éviter des procédures d'autorisation longues et non pertinentes, et la pharmacie à usage intérieur de l'hôpital Bichat sera autorisée à disposer de locaux au sein du centre.

Je vous proposerai d'adopter cet article en y apportant plusieurs modifications tendant à clarifier le régime dérogatoire du centre de santé et à ajouter en outre sa dénomination usuelle ; à préciser le champ de la convention financière qui lie Paris 2024 et l'AP-HP et qui prévoit le remboursement à l'euro près à l'AP-HP des frais engagés ; et, enfin, à inscrire expressément dans la loi la possibilité pour les volontaires olympiques et paralympiques de participer aux activités du centre. Le droit commun autorisant les bénévoles à contribuer au fonctionnement des centres de santé ne me semble pas suffisamment protecteur sur ce point.

Enfin, je tiens à souligner que les principales préoccupations que nous pouvons avoir ne relèvent pas de cet article ni du centre de santé, mais bien de la capacité de l'offre de soins francilienne et nationale à répondre aux besoins de la population et de l'ensemble des visiteurs pour cet événement mondial en plein coeur du mois d'août. Notre commission devra suivre durant les prochains mois la préparation de l'événement sur ces aspects.

L'article 2 complète l'article 1er sur l'organisation d'une offre de soins spécifique aux Jeux en autorisant l'exercice de leur profession à trois grandes catégories de professionnels de santé mobilisés par l'événement, mais qui ne justifieraient pas des conditions requises pour exercer leur profession en France.

Il s'agit d'abord des médecins des fédérations accréditées. Dans certaines disciplines, telles que la boxe ou le rugby, c'est en effet le médecin de la fédération qui intervient pour évaluer la capacité d'un sportif à poursuivre ou non la compétition. L'article autorise donc ces médecins à exercer sur les seuls sites des compétitions à l'égard des athlètes qui y participent.

La deuxième catégorie de personnel autorisée à exercer lors des Jeux est composée des médecins accompagnant les délégations de sportifs, des professionnels de santé accompagnant les organisations participant à l'organisation des Jeux, et de la commission médicale et scientifique du Comité international olympique (CIO) et du Comité international paralympique (CIP). Ces professionnels - médecins, pharmaciens, kinésithérapeutes, etc. -, accrédités par le CIO ou le Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop), ne pourraient exercer qu'à l'égard du personnel et des membres de la délégation qu'ils accompagnent, à l'exclusion explicite des établissements et services de santé. Ce n'est, au fond, que l'extension à d'autres professions d'une disposition du code de la santé publique concernant déjà les médecins accompagnant des délégations de sportifs.

Enfin, l'article 2 autorise l'exercice de leur profession aux professionnels de santé étrangers qui pourraient participer à l'activité de la polyclinique en tant que volontaires : l'article leur donne l'autorisation d'exercer à l'attention exclusive, par hypothèse, des sportifs et membres des délégations.

Il reste à ce stade à préciser la procédure de cooptation des soignants volontaires du centre de santé. Le Conseil national de l'ordre des médecins participera à la vérification des qualifications des volontaires français ; pour les volontaires étrangers, Paris 2024 nous dit privilégier la sélection de professionnels connus, du fait, par exemple, de leur participation à des olympiades antérieures. Ces dispositions ne posent à mon sens pas grande difficulté.

L'article 17 crée une dérogation exceptionnelle au repos dominical des salariés de certains commerces situés à proximité de sites de compétition des JOP, sur autorisation du préfet.

Je rappelle que le droit du travail pose le principe du repos dominical des salariés. Il peut être dérogé à ce principe dans plusieurs situations. Certains établissements bénéficient de dérogations permanentes, en raison des besoins de production ou du public. Dans le champ des commerces, sont, par exemple, concernés les magasins d'ameublement et de bricolage, les jardineries et les débits de tabac. C'est également le cas des hôtels, cafés et restaurants.

Des dérogations existent également pour les commerces alimentaires, le dimanche jusqu'à 13 heures. Les commerces de vente au détail de biens ou de services peuvent aussi déroger au repos dominical s'ils sont situés dans des zones touristiques.

Des dérogations peuvent aussi être accordées par le maire, pour un maximum de douze dimanches par an. Sont concernés les commerces de détail, qui ouvrent le plus souvent les dimanches des périodes de soldes et en amont des fêtes de fin d'année.

Le préfet peut aussi accorder des dérogations au repos dominical, à condition qu'un préjudice au public soit avéré ou que le fonctionnement normal de l'établissement soit compromis.

Le caractère exceptionnel des JOP impose toutefois de créer une dérogation au repos dominical spécifique. Une affluence considérable de touristes et de travailleurs est attendue, en particulier à proximité des sites de compétition qui seront situés en Île-de-France, dans des villes telles que Lille, Marseille, Bordeaux, Nantes, ou encore en Polynésie française.

Les critères sectoriels, géographiques ou les conditions particulières qui permettent aujourd'hui de déroger au repos dominical ne correspondent pas parfaitement aux besoins des JOP. C'est pourquoi il est prévu de créer, à titre temporaire, une dérogation au repos dominical qui concernera les commerces de vente au détail de biens ou de services. Entrent notamment dans ce champ les commerces alimentaires, d'habillement, d'électronique ou encore les coiffeurs. Seront éligibles les établissements qui sont situés dans les communes d'implantation des sites de compétition ainsi que dans les communes limitrophes ou à proximité de ces sites. La dérogation s'étalera du 1er juin au 30 septembre 2024, afin de couvrir la venue de touristes attendus quelques semaines en amont et en aval de la tenue des jeux. Pour déroger au repos dominical, un établissement devra obtenir l'autorisation du préfet, qui devra tenir compte « des besoins du public résultant de l'affluence exceptionnelle attendue de touristes et de travailleurs ». Le préfet devra saisir pour avis le conseil municipal, l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI), la chambre de commerce et d'industrie, la chambre de métiers et de l'artisanat, ainsi que les organisations patronales et syndicales intéressées. Les salariés concernés ne travailleront le dimanche que sur la base du volontariat et bénéficieront d'une rémunération doublée et d'un repos compensateur équivalent en temps.

Du fait des besoins exceptionnels, la dérogation proposée me paraît donc justifiée et adaptée. Elle permettra d'accueillir le public dans de bonnes conditions et de favoriser le développement économique des territoires concernés. Elle est suffisamment encadrée et apporte des garanties aux salariés concernés.

La procédure d'autorisation prévue se décompose en deux étapes. Une fois que le préfet aura autorisé un établissement à déroger au repos dominical, il pourra prendre un arrêté étendant la dérogation à plusieurs établissements exerçant la même activité dans la même commune.

Compte tenu des nombreuses demandes de dérogations attendues, des besoins du public déjà prévisibles pendant cette période et du caractère bien circonscrit de la mesure, il me paraît préférable de simplifier cette procédure d'autorisation. Je vous proposerai donc que le préfet puisse d'emblée autoriser un ou plusieurs établissements à déroger au repos dominical. Il pourra ainsi délivrer des autorisations collectives pour des établissements dont l'ouverture répond aux besoins du public.

Enfin, l'article 4 complète l'arsenal de la lutte antidopage en autorisant l'examen de caractéristiques génétiques pour rechercher quatre méthodes possibles d'amélioration des performances : une transfusion sanguine par un don homologue ; la substitution d'échantillons prélevés ; une mutation génétique dans un gène impliqué dans la performance induisant une production endogène de substance interdite, telle l'érythropoïétine (EPO) ; ou enfin la manipulation génétique destinée à modifier les caractéristiques somatiques du sportif.

Le dopage génétique n'a encore jamais fondé de décision de sanction, mais ce n'est pas pour autant de la science-fiction : un rapport d'information sénatorial de 2013 s'en inquiétait déjà, et l'Agence mondiale antidopage multiplie depuis peu les mises en garde. Quoi qu'il en soit, le code mondial antidopage, qui s'impose à nous, l'interdit au même titre que les autres méthodes.

Reste à éclaircir deux zones d'ombre. D'une part, l'application dans le temps d'un dispositif, ici borné aux Jeux, mais qui a vocation à être pérennisé puisqu'il découle des règles mondiales antidopage. D'autre part, la possibilité de se dispenser du consentement du sportif pour procéder à un tel examen. Dans son avis, le Conseil d'État estimait la disposition contraire à la Constitution ; l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) soutient que le Conseil constitutionnel n'a jamais été si explicite dans sa jurisprudence.

La rapporteur de la commission des lois proposera une solution prudente pour tenter de résoudre ces deux difficultés : en pérennisant dans le code du sport la recherche d'une administration de sang homologue ou d'une possible substitution d'échantillons, qui posent moins de difficultés de consentement ; pour les deux autres techniques, plus intrusives, elle prévoit une expérimentation en bonne et due forme, suivie par le Conseil consultatif national d'éthique (CCNE) et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), et soldée par la remise au Parlement d'un rapport d'évaluation.

Un seul alinéa concerne plus spécifiquement la commission des affaires sociales : celui qui, reprenant les précautions figurant déjà dans le code civil, prévoit l'information du sportif dans le cas d'une découverte incidente de caractéristiques génétiques responsables d'une possible affection justifiant des soins pour lui-même ou son entourage, et son orientation vers une consultation appropriée. D'après la direction générale de la santé, une telle découverte est possible dans une seule hypothèse, celle de la recherche d'une mutation sur le gène produisant de l'érythropoïétine (EPO), qui exige donc cette précaution.

Sous réserve des modifications proposées par notre collègue de la commission des lois, je vous propose donc de donner un avis favorable sur cet article.

Il me revient enfin de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Pour les dispositions dont l'examen a été délégué à notre commission, je considère qu'il comprend des dispositions relatives à l'organisation d'une offre de soins de premiers recours dérogatoire, destinée aux athlètes et membres des délégations au sein du village olympique et paralympique ; à l'autorisation d'exercice de certains professionnels de santé dans le cadre de leurs missions à l'occasion des jeux Olympiques et Paralympiques ; et aux dérogations au repos dominical des salariés liées à la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Il en est ainsi décidé.

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