Chers collègues, Mesdames et Messieurs, avant de débuter mon propos introductif, je souhaite la bienvenue à une délégation de députés marocains, conduite par la vice-présidente de la Chambre des représentants du Royaume du Maroc, Mme Nadia Touhami, dans le cadre du volet « genre » du jumelage institutionnel avec l'Assemblée nationale. Puisque nous ne pouvons passer l'actualité sous silence, je salue la performance de votre équipe masculine de football à la Coupe du Monde au Qatar. Les Lions de l'Atlas viennent de marquer l'histoire en se qualifiant pour les quarts de finale. Je leur souhaite bonne chance face au Portugal. J'espère que nos Bleus pourront les retrouver en demi-finale.
J'en viens maintenant au thème de notre table ronde, la santé des femmes, sujet majeur en matière d'égalité des droits. À ce titre, il intéresse particulièrement notre délégation. Pour cette raison, nous avons nommé début octobre quatre rapporteures afin d'explorer cette thématique de travail : Laurence Cohen, Annick Jacquemet, Marie-Pierre Richer et Laurence Rossignol. Elles représentent des groupes politiques différents. C'est tout l'intérêt de ce travail de co-construction sur la santé des femmes au travail. Je remercie les sénatrices et sénateurs de la délégation présents avec nous ce matin.
Un travail important a déjà été mené par le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), qui a publié en décembre 2020 un rapport intitulé Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner : un enjeu de santé publique. Il nous l'a présenté lors d'une audition il y a trois semaines.
Sur la base de cette audition, qui a mis en lumière la diversité des sujets couverts par ce rapport et certaines pistes à approfondir, nos rapporteures ont décidé de centrer leurs travaux essentiellement sur la santé des femmes au travail. Cela nous permettra d'aborder de nombreux sujets : conditions de travail, exposition aux risques professionnels, pénibilité, aménagement du temps de travail et des temps de vie, articulation entre vie professionnelle et vie personnelle, charge mentale et double journée, burn out, impact du télétravail, grossesse des femmes salariées, etc.
Nous entamons nos travaux sur cette thématique par une approche historique et sociologique. Je suis très heureuse d'accueillir, en présentiel ou à distance :
- Muriel Salle, historienne, spécialiste de l'histoire des femmes, dont les travaux de recherche ont notamment porté sur les questions de genre dans le domaine de la santé, et auteure en 2017, avec Catherine Vidal, d'un ouvrage intitulé Femmes et santé : encore une affaire d'hommes ? Elle interviendra à distance, et devra nous quitter à 9h15 ;
- Caroline De Pauw, docteure en sociologie, directrice de l'Union régionale des professionnels de santé (URPS) Médecins libéraux des Hauts-de-France, chercheuse associée au Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques (Clerse), auteure d'un ouvrage intitulé La santé des femmes, publié en juin dernier ;
- Elsa Boulet, docteure en sociologie à l'université de Nantes, spécialiste des enjeux liés à la grossesse en milieu professionnel, qui interviendra également en visioconférence.
Bienvenue à vous toutes. Vous nous dresserez un panorama des inégalités de genre dans le domaine de la santé et, plus particulièrement, des liens entre travail et santé des femmes. Vous nous direz comment ces inégalités peuvent s'articuler avec les inégalités professionnelles. Nous aborderons notamment la question des risques professionnels. Quelles différences constatez-vous entre les sexes, quels en sont les facteurs explicatifs et comment mieux les prendre en compte ?
Alors que les accidents du travail ont baissé de 27 % chez les hommes entre 2001 et 2019, ils ont augmenté de 42 % chez les femmes, sur la même période, selon une étude de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact). Les politiques de prévention sont moins développées dans les secteurs majoritairement occupés par des femmes. Or, aujourd'hui, le risque d'accident du travail est le même pour le secteur des services à la personne que dans le BTP, où l'on retrouve par ailleurs de nombreuses femmes désormais. Ces dernières sont également deux fois plus exposées aux risques de troubles musculo-squelettiques (TMS) que les hommes. Or on considère plus facilement la pénibilité liée à la manutention de charges lourdes, par exemple, que celle liée aux gestes répétitifs.
Enfin, une étude de l'Inserm a montré une augmentation de 26 % du cancer du sein en cas de travail de nuit. Les cancers d'origine professionnelle sont souvent sous-évalués chez les femmes.
Se fondant sur ces différents constats, le HCE appelle depuis plusieurs années à une évolution des critères de pénibilité au travail et à une prise en compte des risques psychosociaux. Avez-vous approfondi ce sujet ?
Nous souhaitons également étudier les liens entre les conditions socio-économiques et la santé des femmes, à la fois physique et mentale, notamment s'agissant d'une plus grande exposition au risque de dépression. Celle-ci touche deux fois plus les femmes que les hommes.
Nous évoquerons aussi le rôle de la médecine du travail en matière de prévention.
Enfin, Elsa Boulet nous présentera ses travaux sur la grossesse des femmes salariées : enjeu du suivi médical et de son articulation avec l'emploi du temps professionnel, conditions de travail, aménagements du poste de travail, etc.
Je laisse sans plus tarder la parole à Muriel Salle, avant de procéder à un échange avec les rapporteures et autres membres de la délégation.