Avec mon collègue Rémy Pointereau, premier vice-président chargé de la mission de simplification, je souhaite dire tout le plaisir que nous avons de vous rencontrer car la simplification, ou la « chasse aux normes » comme dirait Alain Lambert, président du Conseil national d'évaluation des normes, fait partie de la mission de notre délégation.
Le président du Sénat a lancé récemment un nouveau groupe de travail oecuménique qui réunit tous les groupes politiques dans la prolongation des travaux menés en 2020, lesquels travaux avaient abouti aux 50 propositions en faveur des libertés locales. Ces propositions visaient à progresser en termes d'efficacité de l'action publique jusqu'au dernier kilomètre grâce aux outils que sont la décentralisation, la déconcentration et la simplification.
Nous avons le plaisir d'accueillir M. Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d'État, Mme Martine de Boisdeffre, présidente de la section du rapport et des études, M. Patrick Gérard, président adjoint à la section de l'administration, M. Thierry-Xavier Girardot, secrétaire général, et M. Jean-Baptiste Desprez, chargé de mission auprès du vice-président. L'importance de votre délégation nous honore.
Nous avons eu le plaisir de recevoir votre prédécesseur en audition plénière, en mars 2021, M. Bruno Lasserre. Je rappelle également que nous avions entendu, en mai 2021, M. Patrick Gérard, en sa qualité de directeur de l'École nationale d'administration (ENA). Nous avions alors échangé sur la question fondamentale de la formation des hauts fonctionnaires aux enjeux de simplification. Je me permettrais de dire, avec beaucoup d'humilité, qu'il y a le même enjeu à former les parlementaires, car nous péchons parfois par excès ou manque de confiance. Nous avions également à vos côtés M. Franck Périnet, directeur de l'Institut national des études territoriales (INET). Nous avons souhaité apporter notre contribution à ce dialogue puisque nous accueillons, cette année, des stagiaires de l'INET qui travaillent pour notre délégation de manière remarquable. Ce dialogue est très intéressant pour que nos cultures réciproques soient plus poreuses et se fertilisent davantage.
Nous avons également reçu, il y a deux semaines, M. Charles Touboul, rapporteur des études du Conseil d'État de 2016 et 2018 sur la simplification des normes.
Monsieur le président Tabuteau, nous savons bien que le Conseil d'État partage notre passion pour ce qui devrait être une obligation : l'efficacité de l'action publique. Le colloque organisé, le 14 octobre dernier, par le Conseil d'État avec le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et le président Lambert l'illustrait pleinement.
La difficulté à laquelle nous nous trouvons confrontés est que chaque acteur ou contributeur de l'action publique est conscient de l'enjeu et de la nécessité d'avancer sur le sujet mais, dans le même temps, nous ne cessons, année après année, de nous désoler de ce que l'efficacité de l'action publique ne progresse pas réellement.
C'est la raison pour laquelle le président Larcher a confié à notre délégation le soin de réfléchir à des propositions sur la fabrique de la loi et la fabrique de la norme. La chaîne de production doit être mieux maîtrisée pour éviter la prolifération de normes qui ont ceci d'obsédant que la norme, qui doit sécuriser et protéger, devient finalement une norme contre-productive, car l'on veut trop sécuriser et trop protéger et qu'elle finit par annuler toute capacité d'action. Parfois, elle va même jusqu'à contrarier le législateur. Par exemple, dans la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS), nous avons voté une disposition à partir d'un amendement que j'avais porté donnant la possibilité à des élus locaux, dans un cadre précis, de pouvoir réguler les ouvertures de surfaces alimentaires le dimanche et les jours fériés. Dans la première version du décret d'application, toutefois, nous ne pouvions justement pas mettre en oeuvre la volonté du législateur. Je m'en suis étonnée auprès du cabinet, réaction à laquelle on m'a répondu que le Conseil d'État exigerait des normes mais aussi des seuils.
Concernant les études d'impact, nous restons également sur notre faim alors qu'elles ont été conçues pour effectuer une évaluation a priori et permettre une mesure de l'efficacité et de la pertinence des propositions législatives. Le Conseil constitutionnel a en effet pratiquement neutralisé ces études : certes, il s'assure que tous les paramètres sont bien présents dans l'étude d'impact, mais peut-être devrait-il porter plus d'attention au fond.
Nous nous interrogeons donc aujourd'hui sur une proposition qui figurait parmi les recommandations du Conseil d'État en 2016 consistant à mettre en place une certification indépendante des études d'impact afin d'apprécier leur complétude et leur sincérité. Par ailleurs, pensez-vous que ce rêve que partage mon éminent collègue Rémy Pointereau et qui consiste à supprimer deux normes lorsque nous en créons une (dite règle du « deux pour un ») soit réaliste ? Pensez-vous que nous devrions l'étendre ?
Je vous ai livré avec beaucoup de sincérité et simplicité nos préoccupations et je vous redis le plaisir réel qui est le nôtre de pouvoir avoir ce dialogue pour que nous ayons la capacité collective de faire bouger les lignes pour plus d'efficacité et de simplicité. Au-delà de poser une loi efficace et simple, je pense que l'état de la société et de notre pays ne nous permet guère le luxe de l'inefficacité.