Intervention de David Lisnard

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 1er décembre 2022 à 9h00
Audition de M. David Lisnard président de l'association des maires de france et des présidents d'intercommunalité amf

David Lisnard, président de l'AMF :

Pour ce qui concerne l'urbanisme, je serais provocateur en disant que la solution est libérale. Dans ce domaine, il faut valoriser les objectifs à atteindre et mettre en place des bonus/malus très encourageants et dissuasifs. Le droit de l'urbanisme est l'expression même de l'injonction contradictoire : on doit mieux protéger les sols mais on doit fournir des logements, on doit créer des écoles mais on ne doit pas artificialiser, etc. La notion de coefficient d'occupation des sols (COS) a été supprimée, mais était pertinente et très innovante pour évoquer un rapport entre le bâti et l'emprise foncière. Il est aussi inacceptable qu'il y ait une tutelle d'une autre collectivité sur le pouvoir des maires. Qu'il y ait des objectifs territorialisés à l'échelle des régions, pourquoi pas, si c'est la bonne échelle - même si je pense que la bonne échelle est celle des bassins de vie avec les schémas de cohérence territoriale (SCoT) - mais pas au travers d'une collectivité mais par l'intermédiaire du conseil des maires de la région. C'est une question fondamentale.

La présidente de Régions de France est d'accord avec cette proposition et ne demande pas à s'occuper de l'urbanisme des communes. En matière d'urbanisme, entre les lois SRU, Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) et consort, nous avons des textes d'affichage qui sont incompréhensibles. Quels sont les objectifs de l'urbanisme ? C'est de répondre à des fonctionnalités de base que sont le logement, les services publics, l'économie, notamment la réindustrialisation. C'est aussi de le faire de manière décarbonée et en préservant la biodiversité et les paysages.

C'est à partir de ces objectifs qu'il faut revoir la fiscalité. Depuis trente ans, nous entendons parler de la ville sur la ville, mais si le maire ne touche pas d'impôts résidentiels et qu'il ne peut signer des permis que pour des logements HLM et résidences secondaires, il n'aura aucune motivation à emprunter cette voie. Il faut donc une fiscalité économique compétitive. Que l'État commence par supprimer la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) qui est vrai impôt de production. Si nous n'avons plus un intérêt direct et une liberté à fixer des taux, et donc une émulation et une compétition, on ne sera pas dans la performance et nous ne pourrons pas réindustrialiser. Tout cet ensemble doit aussi inciter à s'engager dans la vie municipale. On devait avoir une valorisation financière quand on fait une belle verticalité. Ce serait beaucoup plus efficace que toutes ces dispositions qui veulent interdire l'artificialisation assortie d'une pénalisation lorsque l'on artificialise de manière désordonnée. Ce serait une avancée libérale et intellectuelle au sens noble du terme que d'arriver à traduire cette vision en grands objectifs de politique publique.

Sur l'expérimentation et la différenciation, certains élus estiment que la différenciation va à l'encontre d'une vision égalitaire, mais j'ai une réticence d'une autre nature. Je trouve surréaliste que l'on soit obligé d'imaginer qu'il faille inscrire dans la loi, voire dans la Constitution, un principe qui est la base de la vie, c'est-à-dire que tout n'est pas pareil. Je sais que cette proposition part d'une bonne intention, mais demander un droit à la différenciation et à l'expérimentation veut dire que nous n'avons plus le pouvoir de la décision. L'égalitarisme détruit la justice. Cela renvoie à d'autres débats, notamment sur l'éducation et la carte scolaire. Il n'y a rien de plus injuste que le centralisme démocratique. Par définition, la loi est la même pour tous mais s'applique à des cas de figure tous différents. Être dans l'obligation de faire valoir un principe de différenciation veut dire que notre niveau de centralisme et de bureaucratie est colossal. C'est le noeud gordien qui fait que nous payons plus de taxes et de charges qu'ailleurs, que nous avons de moins en moins de services publics sur le terrain, que nos fonctionnaires sont moins bien payés qu'ailleurs.

C'est tout le sens de mon propos et de mon engagement. Je suis donc réticent à ces principes, à titre individuel, non pas parce que je crains que cette orientation aille à l'encontre d'une des trois valeurs de la devise républicaine qu'est l'égalité, mais parce que cela traduit l'impasse dans laquelle nous sommes. En effet, l'impôt est le même, mais toutes les communes n'ont pas les mêmes taux de foncier bâti en France. Je suis donc très sceptique sur ces concepts et je pense même que c'est une façon d'ajouter de la complication supplémentaire. L'expérimentation semble une mesure de bon sens mais signifie que les communes ne peuvent pas décider. De plus, pour obtenir le droit à expérimenter, il faut suivre une procédure additionnelle pour obtenir une dérogation. Cela nécessite donc des process qui, eux-mêmes, nécessitent de l'ingénierie, et on retourne dans la spirale de la complication. Je crains donc que ces concepts ne se traduisent que par des couches supplémentaires de bureaucratie et d'administration.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion