Intervention de Alex Richards

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 18 octobre 2022 : 1ère réunion
Évolution institutionnelle outre-mer — Audition de monsieur alex richards conseiller spécial de M. Louis Mussington président du conseil territorial de saint-martin

Alex Richards, conseiller spécial du président du conseil territorial de Saint-Martin :

Nous ne nous en plaignons pas. Toutefois, le régime parlementaire français repose sur le principe de séparation des pouvoirs. Or force est de constater que ce principe n'est pas respecté à Saint-Martin. En effet, le président de la collectivité territoriale préside à la fois le conseil exécutif - équivalent du conseil des ministres - et le conseil territorial - équivalent du Parlement. Nous comptons demander l'aménagement de cette situation qui n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes du fait de la centralisation des pouvoirs sur une seule personne. La personnalité de l'actuel président permet un exercice modéré du pouvoir ; pour autant, la réelle distinction des deux pouvoirs est nécessaire.

Par ailleurs, nous n'avons pas relevé de points de blocage au niveau institutionnel. En revanche, les dysfonctionnements peuvent se faire jour du fait de la non-séparation des pouvoirs exécutif et législatif, alors que chacun dispose de compétences clairement définies et réparties.

La question de la prise en compte de la partition de l'île entre la France et les Pays-Bas par la loi organique, voire par la Constitution, est très importante. Elle fait appel à deux réalités : d'une part, Saint-Martin est une collectivité française qui partage le même sol qu'une entité étrangère, qui est très différente d'un point de vue institutionnel et administratif. Pour autant, il s'agit d'un seul territoire et d'une seule population. Par conséquent, la dichotomie entre les deux pays n'est pas vécue au quotidien. En effet, les problématiques sont les mêmes de part et d'autre de la frontière qui constitue d'ailleurs une ligne de démarcation virtuelle. Les problématiques sont les mêmes sur l'ensemble du territoire de l'île. Même si la dichotomie entre les deux pays doit être gérée d'une manière technique au sein de l'administration territoriale, les habitants de l'île ne font pas de distinction au quotidien entre les parties nord et sud du territoire.

En outre, la réalité du territoire peut être illustrée par le dicton local : « quand le cyclone souffle, il ne s'arrête pas à la frontière ». Par conséquent, la réalité des deux parties de l'île est la même et un événement survenu dans l'une impactera très rapidement l'autre. De plus, les deux parties de l'île vivent d'une seule et même industrie, celle du tourisme. La promotion de cette destination s'attache à l'ensemble du territoire et son accès est rendu possible par la seule partie hollandaise. En effet, l'accès par la partie française nécessite un transit par la Guadeloupe.

De même, les questions de protection de l'environnement ne peuvent pas être traitées en se limitant aux frontières. Tel est également le cas du développement économique ou du réseau routier. Les problématiques communes sont nombreuses du fait des interactions incessantes entre les deux parties.

Le statut européen est tel que la partie française est une région ultrapériphérique (RUP) et la partie hollandaise, un pays et territoire d'outre-mer (PTOM). Saint-Martin est par conséquent le seul cas de coexistence sur un territoire de deux régimes européens différents sans démarcation ni contrôle précis. Comment améliorer une telle situation ? Il serait judicieux de s'intéresser à la possibilité offerte par le droit européen de créer un groupement européen de coopération transfrontalière (GECT), qui réunirait des représentants de la partie française et des représentants de la partie hollandaise pour gérer les problématiques communes à l'ensemble du territoire. À ce sujet, une demande sera prochainement formalisée pour que la France accompagne Saint-Martin dans une telle démarche auprès de Bruxelles afin d'en étudier la faisabilité.

Nous avons bénéficié d'un programme relativement exceptionnel, le programme opérationnel de coopération territoriale (POCTE), accompagné d'une enveloppe de 10 millions d'euros afin de régler les problématiques communes aux deux territoires. Néanmoins, un tel outil s'est avéré peu pertinent tant pour la France que pour les Pays-Bas, alors qu'il était très intéressant pour les deux parties du territoire, car il permettait de coopérer au quotidien sur les problématiques communes, de disposer de financements fléchés sur de telles problématiques sans trop entamer les budgets respectifs et d'apporter la preuve concrète d'une possibilité de gestion commune du territoire. Ce programme opérationnel n'a pas fonctionné correctement et est devenu désormais un sous-programme du programme INTERREG géré par la région de la Guadeloupe, qui n'a pas porté ses fruits pour Saint-Martin. C'est pourquoi nous maintenons que la meilleure solution serait la mise en place d'un GECT, qui offre des possibilités plus larges que celles du POCTE, car son pouvoir de décision est plus étendu et permettrait d'appliquer des solutions sur les deux parties de l'île de manière équivalente.

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