Intervention de Gabriel Serville

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 25 octobre 2022 : 1ère réunion
Évolution institutionnelle outre-mer — Audition de M. Gabriel Serville président de la collectivité territoriale de guyane

Gabriel Serville, président de la collectivité territoriale de Guyane (CTG) :

Je suis accompagné de M. Roger Aron, vice-président en charge de l'agriculture, de la pêche, de la souveraineté alimentaire et de l'évolution statutaire, de Mme Samantha Cyriaque, vice-présidente chargée de l'autonomie et du handicap, de Mme Isabelle Vernet, conseillère territoriale en charge de la réussite scolaire et de la lutte contre le décrochage et de Mme Christiane Barbe, conseillère territoriale en charge de l'agroalimentaire.

Madame la présidente, je vous remercie pour le temps que vous allez nous consacrer. Pour comprendre comment le processus a été engagé en Guyane et comment nous avons l'intention de le mener à son terme. Cependant, je souhaite vous dire ma circonspection sur la nature même de l'exercice et ses objectifs ; je le dis sans mettre en cause bien évidemment les personnes qui en sont à l'origine, car je sais à quel point il faut se battre pour faire entendre la voix très singulière de nos territoires, et en particulier celle de la Guyane. Nous avons cependant l'intime conviction que cela fait trop longtemps que nous réfléchissons aux modalités d'évolution des cadres statutaires de nos territoires respectifs, même si tous les territoires ne sont pas sur la même ligne de départ avec les mêmes objectifs. En Guyane, nous avons le sentiment que nos voix ne sont guère entendues. J'ai tenté en 2018, lorsque le président de la République avait engagé un premier processus de révision de la Constitution, de faire entendre une voix différente concernant la Guyane, en demandant que celle-ci fasse l'objet d'une inscription au sein de la Constitution dans un article dédié prenant en considération les réalités objectives de ce territoire. Or, l'affaire « Benalla » est intervenue et a interrompu ce processus engagé.

Je voudrais rappeler quelque chose de fondamental. Il s'agit du Préambule de la Constitution. Ce Préambule, qui est le siège des droits et des libertés constitutionnellement garanties, constitue un véritable hiatus constitutionnel et démocratique. En effet, son deuxième alinéa dispose qu'en vertu du principe de la libre détermination des peuples, « la République offre aux territoires d'outre-mer qui manifestent la volonté d'y adhérer, des institutions nouvelles fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité, et conçues au vu de leur évolution démocratique ». Le Préambule de la Constitution a été rédigé avant la phase de décolonisation qu'ont connue les pays d'Afrique, notamment subsaharienne, dans les années 1960, et est resté le même depuis. Or il offre une vision foncièrement erronée de ce que sont nos territoires, car il cite des territoires d'outre-mer et sa rédaction laisse penser que nous serions toujours des colonies que la République accompagnerait en vue de leur évolution démocratique. Pourtant, les élections législatives, présidentielles, sénatoriales et communales se déroulent en même temps dans tous les territoires d'outre-mer, sauf en cas de décalage pour des raisons pratiques. Fondamentalement, le Préambule comprend un élément qui ne nous convient pas et il est temps pour le Gouvernement de le corriger : soit ces territoires sont considérés comme faisant partie de la République, soit ils sont en dehors de la République, ce qui implique de se poser différemment la question de l'évolution de leurs institutions.

Concernant votre questionnaire, je suggère que nous prenions le temps d'avoir un débat, tout en nous réservant la possibilité de vous faire parvenir des réponses précises au questionnaire par écrit.

Le président de la République a affirmé, dès le départ, que la question de l'évolution statutaire n'était pas une question taboue. Il a également considéré que nous étions arrivés au terme d'un cycle et qu'il faudrait changer de logiciel, car l'actuel est devenu caduc et ne nous permet plus de répondre à nos véritables interrogations. Il a également jugé qu'il ne fallait pas avoir peur d'aller vers une certaine radicalité pour faire la démonstration à nos concitoyens que nous sommes dans une dynamique d'évolution sur les institutions, ainsi que sur les politiques publiques déployées dans nos différents territoires. Ces discussions constituent des fondamentaux très importants à partir desquels nous devrons construire le nouveau paradigme sur lequel la Guyane et les autres territoires ultra-marins vont pouvoir s'appuyer pour faire entendre une voix différente.

Je crois que la Délégation sénatoriale aux outre-mer devrait prendre au mot les membres du Gouvernement et le président de la République. La parole du président de la République est une parole forte qui doit être le fil conducteur permettant à notre territoire de se transformer résolument.

Sur la question du calendrier, le président de la République nous a demandé de travailler très rapidement. Il nous a suggéré d'établir un calendrier de travail nous permettant d'arriver avec des documents aboutis, une loi organique rédigée et une consultation de la population à la date butoir de fin 2023-début 2024, afin de pouvoir nous associer au travail réalisé concernant la révision constitutionnelle relative à la Nouvelle-Calédonie. En faisant le rétro-planning, cela signifie que nous allons nous retrouver dans une dynamique extrêmement contrainte.

Cette dynamique comporte un certain nombre de séances de travail entre le Gouvernement et le comité de pilotage qui porte la question de l'évolution statutaire de la Guyane avec le congrès des élus de Guyane. Ce travail de co-construction sur plusieurs thématiques rejoint une partie de vos interrogations. Le processus est donc déjà largement engagé, mais nous avons conscience qu'il nous reste un très long chemin à parcourir pour pouvoir arriver au résultat final.

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