Merci pour cette opportunité de présenter les priorités de la présidence suédoise. C'est en effet la troisième fois, depuis notre adhésion en 1995, que nous assurons la présidence tournante, en trio avec la France et la République tchèque. Je salue ces deux présidences, qui ont mobilisé l'Union européenne à un moment difficile pour apporter une réponse ferme et unie envers la Russie, en témoignant d'une solidarité infaillible à la population ukrainienne, tout en faisant progresser de nombreux dossiers communautaires.
Notre présidence sera impactée par l'Ukraine et l'agression russe - ainsi que la crise énergétique, la crise climatique et une situation économique assez compliquée.
La présidence suédoise sera gérée par un gouvernement qui est en place depuis le mois d'octobre. C'est un gouvernement de centre-droite, composé de trois partis politiques - le Parti des Modérés, le Parti des Démocrates-chrétiens et les Libéraux - dirigé par le leader du parti des Modérés, Ulf Kristersson.
Notre ambition sera d'être à l'écoute de tout le monde, d'être impartial et de trouver des compromis pour faire avancer les dossiers communautaires.
Une grande partie des propositions de la Commission est déjà présentée au Conseil. En conséquence, beaucoup d'actes législatifs sur la table - autour de 350 - sont en négociation au sein du Conseil ou en trilogue. Nous allons présider environ deux mille réunions à Bruxelles et organiser environ 150 réunions en Suède, y compris 12 réunions informelles ministérielles.
Le Gouvernement suédois s'est fixé quatre priorités pour sa présidence.
Notre première priorité, c'est la sécurité de l'Union. L'invasion russe en Ukraine a complètement changé la situation sécuritaire en Europe. Pour la présidence, il sera important de préserver l'unité face à l'agression russe.
L'Union doit continuer à faire pression sur la Russie, entre autres à travers des sanctions - et veiller à ce que celles-ci soient efficaces. La présidence va faire de son mieux pour que l'Union continue - ou plutôt augmente - le soutien politique, économique, humanitaire et militaire à l'Ukraine.
Il y a, tout d'abord, les besoins immédiats pour cet hiver - je salue la France pour l'organisation de la conférence de soutien à l'Ukraine, le 13 décembre dernier. Il faut, aussi, que l'Union prépare son soutien pour l'hiver prochain et commence à préparer la reconstruction de l'Ukraine. En parallèle, les États-membres doivent continuer à accueillir des réfugiés ukrainiens. La Suède a jusqu'ici reçu environ 48 000 réfugiés et nous avons apporté un soutien militaire, économique et humanitaire de 900 millions d'euros depuis le début de la guerre.
Pour ce qui est de la politique de sécurité et de défense commune, la présidence va oeuvrer pour que l'Union assume une plus grande responsabilité pour sa propre sécurité et améliore sa capacité d'action, en étroite coopération avec ses partenaires.
L'agression russe a montré l'importance de coopérer davantage dans le domaine de la sécurité et de la défense. Une priorité sera de mettre en oeuvre la boussole stratégique. Notre présidence travaillera également à renforcer le lien transatlantique et la coopération entre l'Union européenne et l'OTAN dans les domaines tels que la lutte contre les menaces hybrides et la cybersécurité.
Nous devons également renforcer nos propres défenses, nos propres armées. La Suède, comme vous le savez, est en train d'entrer dans l'OTAN et va atteindre l'objectif de dépenser pour sa défense 2 % du PIB, dès que possible et au plus tard en 2026. Je saisis cette occasion pour remercier la France, et notamment le Sénat, pour son soutien à l'adhésion de mon pays à l'OTAN.
La présidence suédoise veut aussi mettre l'accent sur les aspects internes de la sécurité de l'Union. La criminalité ne connaissant pas de frontières, il faut renforcer la coordination européenne concernant la lutte contre la criminalité, surtout contre le crime organisé. La présidence va aussi oeuvrer pour une meilleure surveillance des frontières extérieures de l'Union. Ce sera un sujet pour le Conseil européen de février.
Notre deuxième priorité, c'est de renforcer la résilience et la compétitivité de l'Europe. La compétitivité européenne a perdu du terrain, notamment par rapport aux États-Unis et à la Chine. Comment renforcer notre productivité, pour assurer une croissance économique à long terme ? D'abord, en approfondissant le marché intérieur - qui fête ses 30 ans cette année ; il faut continuer à conclure des accords de libre-échange pour augmenter nos échanges commerciaux, mais aussi pour renforcer notre rôle sur la scène internationale ; il faut parfois simplifier les règles - au niveau européen, mais aussi au niveau national ; enfin, il faut investir davantage dans la recherche et le développement - au moins 3 % de notre PIB, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui en Europe, les États-Unis et la Chine investissent beaucoup plus que nous dans ce domaine.
À cet effet, sur proposition de la Suède, le Conseil européen de décembre a demandé à la Commission de préparer une communication, avec des propositions sur la compétitivité à long terme, en vue du Conseil européen de mars. Il ne faut pas être naïf quand nous abordons ce sujet.
En même temps que nous prenons des mesures pour augmenter la compétitivité, il faut renforcer notre résilience dans les domaines qui sont stratégiques pour nous, par exemple les batteries électriques, l'hydrogène vert et les semi-conducteurs (et là, nous allons tout faire pour faire avancer le Chips Act ). Il faut diversifier nos chaînes d'approvisionnement. Il faut plus de stock de produits de première nécessité. Et il faut miser davantage sur l'extraction de certains minéraux - nous avons eu la bonne nouvelle, la semaine dernière, de la découverte dans le nord de la Suède du plus grand gisement de terres rares connu jusqu'ici en Europe. Ceci aura un impact très positif sur la transition verte, mais aussi sur la résilience et la sécurité européenne.
Pour résumer, nous avons besoin d'une Union qui reste ouverte sur le reste du monde, mais sans être naïfs. Il faut plus de résilience, mais sans recourir à une course aux subventions.
Face à la législation américaine de l'Inflation Reduction Act (IRA), nous attendons les propositions de la Commission ; elles seront prêtes dans quelques semaines - et elles figureront dans les discussions prévues au Conseil européen en février. Sur cette base, la présidence suédoise va oeuvrer aussi vite que possible - puisque le temps presse - pour trouver des mesures autour desquelles les États membres puissent se mettre d'accord.
Notre troisième priorité est le climat et la sécurité énergétique. La guerre a montré à l'Europe tout entière que les énergies renouvelables ainsi qu'un approvisionnement énergétique fiable sont cruciaux pour notre sécurité. La flambée des prix du gaz et de l'électricité ainsi que l'approvisionnement en énergie cet hiver et l'hiver prochain, figureront en tête des priorités au début de notre présidence. La proposition de la Commission visant à réformer le marché européen de l'électricité, attendue pour le début de cette année, sera aussi une priorité. Le gouvernement veillera à ce que l'Union continue à réduire rapidement sa dépendance à l'égard du gaz russe et d'autres sources d'énergie fossile. Pour y parvenir, nous avons besoin d'une électricité plus sûre et sans fossile, y compris - au moins dans le cas de la Suède et de la France - de l'énergie nucléaire, tout en respectant, bien sûr, le fait que chaque pays décide de son propre mix énergétique. Notre objectif est aussi de finaliser le paquet « Fit for 55 ». Nous allons continuer à mener des trilogues avec le Parlement européen sur les propositions de révision de la directive sur les énergies renouvelables (RED III) et de la directive sur l'efficacité énergétique (EED). Une priorité sera également le nouveau règlement relatif aux batteries et leurs déchets.
Le règlement concernant la restauration de la nature et de l'agriculture sera aussi à l'ordre du jour. Il ne faut pas oublier les forêts - elles représentent les neuf dixièmes du territoire suédois -, qui peuvent jouer un rôle important à la fois comme source d'énergie et comme base de produits durables, mais aussi comme puits de carbone et comme source pour la biodiversité.
Enfin, la quatrième priorité est la sauvegarde des valeurs fondamentales de l'Union.La coopération européenne est fondée sur le respect des valeurs fondamentales. La question de l'État de droit mérite une attention particulière et reste une des priorités de notre politique européenne en général. Notre présidence va donc oeuvrer pour que le dialogue sur l'État de droit continue afin de renforcer le respect de l'État de droit dans l'ensemble de l'UE.
Il faut également que l'UE continue à travailler sur les différents aspects techniques du nouveau Pacte migratoire avec le but de finaliser, comme prévu, le paquet sous la présidence espagnole - ou, au plus tard, au début de la présidence belge. À court terme, le renforcement de nos frontières externes doit être une priorité - ainsi que la coopération avec les pays d'origine, y compris sur le retour de migrants en situation irrégulière.
Le 3 janvier dernier, le Premier ministre suédois a choisi la France pour son premier déplacement dans le cadre de notre présidence. Cela témoigne de l'amitié entre nos deux pays : les deux leaders ont discuté des moyens de renforcer encore notre partenariat bilatéral et ils ont aussi, et surtout, pu revenir sur la coordination étroite entre nos présidences en vue des Conseils européens des mois à venir. Cela montre que la coopération étroite dans le trio France-République tchèque-Suède continue et se porte bien.
La semaine dernière, comme il est d'usage au début d'une présidence, le gouvernement suédois a reçu tout le Collège de la Commission européenne à Kiruna, une ville dans l'extrême nord de la Suède. Une fois à Stockholm, il faut encore 1 200 kilomètres pour arriver à Kiruna : le collège de la Commission ne s'était jamais rendu si loin de la capitale de l'UE... En même temps, les Suédois n'ont jamais été aussi proches de l'Europe : selon le dernier Eurobaromètre, ils ont une opinion plus favorable de l'Union que la moyenne en Europe.
Une présidence est une grande responsabilité et nous sommes très fiers de l'assurer pendant les six prochains mois.