La Poste fait face à une baisse de son activité historique de courrier postal, qui lui a coûté environ 600 millions de chiffre d'affaires en 2021 ; la prévision est identique pour 2022. L'équilibre économique du service universel postal est remis en cause. Il faut donc évaluer le coût net du service universel postal, demande même du Sénat. Nous l'évaluons à 1,6 milliard d'euros, alors que le versement de l'État est de 520 millions d'euros pour 2021 : l'absence de surcompensation est réelle. Nous avons aussi évalué la nouvelle gamme des services inclus dans le service universel, lancée le 1er janvier 2023. L'objectif est bien la réduction des coûts. Nous avons aussi demandé des évaluations régulières de cette nouvelle gamme à La Poste, et nous veillerons à ce qu'elle respecte l'ensemble de ses obligations.
Pour le secteur des télécommunications, le tableau que vous dressez est réaliste, mais je souhaite commencer par les bonnes nouvelles. Pendant la crise, les réseaux ont bien résisté, et les opérateurs ont investi plus de 40 milliards d'euros en trois ans, ce que je salue, tout comme l'engagement des collectivités. C'est le fruit d'un choix de régulation tourné vers les investissements, qui place les utilisateurs au coeur de ces objectifs et qui s'inscrit dans le temps long, offrant la visibilité nécessaire aux acteurs économiques pour répondre aux enjeux d'aménagement du territoire portés par les politiques publiques et les élus. Il faut trouver l'équilibre entre tous les acteurs, au service des particuliers et des entreprises, sur tous les territoires.
Quels sont les résultats ? Le New Deal Mobile porte ses fruits. La nouvelle attribution des fréquences est une réussite collective. En effet, 1 780 sites de couverture ciblée, choisis par les collectivités, étaient en service au 30 septembre 2022. La couverture 4G est une autre obligation : entre 97,5 % et 99 % des sites français en disposent. Des couvertures wifi sont aussi proposées par les opérateurs. D'autres obligations existent : couverture des axes routiers prioritaires et exigence de qualité de service. Enfin, concernant la 4G fixe, 1 000 sites permettront une montée en débit là où la fibre n'est pas encore déployée.
Les concertations au sujet de la 5G ont permis d'apaiser la situation. Elle se déploie dans toutes les agglomérations. En 2022, la barre de 50 % d'abonnements internet haut et très haut débit est franchie, et presque 80 % des locaux sont fibrés. Le plan France Très Haut Débit (FTHD) est un succès collectif, ce que souligne France Stratégie : la stabilité du cadre réglementaire et la gouvernance du plan, qui a associé tout le monde, ont été les clefs du succès. L'engagement de tous a permis d'obtenir des résultats. Les efforts industriels et humains de la part des opérateurs et des collectivités ont été remarquables. Je salue aussi l'engagement des femmes et des hommes qui oeuvrent sur le terrain pour déployer les réseaux.
Pour les années à venir, l'enjeu est la bonne qualité des réseaux fixe et mobile, tout en gardant des abonnements abordables, dans une logique de numérique durable. Nos priorités sont tournées vers la satisfaction des utilisateurs : qualité des raccordements, poursuite du déploiement du réseau fibre, fermeture du réseau cuivre, maintien de la qualité de service du réseau jusqu'à sa fermeture et prise en compte de l'impact environnemental du numérique.
Je commence par la qualité de service pour la fibre. Les situations invraisemblables vécues par des habitants et des élus m'ont conduit à prioriser cette question. En 2021, le contrôle et la traçabilité des malfaçons n'étaient pas mis en place. Un vrai déni existait. Les diagnostics sont désormais possibles. L'Arcep a identifié que les malfaçons concernent 2 % des lignes en fibre, sur quelques réseaux, notamment en Île-de-France. Les opérateurs concernés ont notifié à l'Arcep les plans de reprise des réseaux. Ainsi Altitude Infra a présenté, fin septembre 2022, un plan de reprise pour les réseaux ex-Covage dans l'Essonne et ex-Tutor dans le Calvados ; XpFibre a présenté mi-novembre 2022 un plan de reprise pour certains des réseaux les plus dégradés. L'Arcep vérifie ces plans de reprise.
De plus, la filière a remis en plan d'action pour améliorer la qualité des réseaux, en septembre dernier. L'Arcep en assure un suivi mensuel. Nous serons particulièrement vigilants pour vérifier que les engagements des opérateurs soient bien respectés. Ce plan doit conduire à un meilleur partage des bonnes pratiques et à une remise en état des réseaux.
Cet enjeu de qualité de service est essentiel à plusieurs titres. Il n'est pas acceptable que les promesses ne soient pas tenues et qu'elles engendrent tant de déception. Nous devons pouvoir compter sur un réseau fibre fiable pour sécuriser la fermeture du réseau cuivre et la substitution. Pour fermer le réseau cuivre, il faut aussi que les déploiements des réseaux en fibre optique soient terminés. Du fait du déploiement des réseaux d'initiative publique (RIP), le déploiement ralentit ailleurs. En zone d'appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii) ou en zone très dense, le ralentissement du déploiement d'Orange est problématique : d'une part, il prive nos concitoyens du bénéfice de la fibre - il s'agit de choix librement consentis par les opérateurs, parfois contre l'avis des collectivités - et, d'autre part, il fragilise la stratégie de fermeture du réseau cuivre. Il n'est pas responsable de vouloir fermer le réseau cuivre et de freiner le déploiement de la fibre dans certaines zones. J'espère que le plan stratégique présenté par la nouvelle gouvernance d'Orange mi-février permettra de rectifier le tir.
Pour réussir cette fermeture, une excellente gouvernance et une parfaite concertation sont nécessaires. Orange doit encourager une parfaite concertation avec les opérateurs, les opérateurs commerciaux et les collectivités. Orange ne s'appuie pas assez sur les propositions des collectivités. Il est préférable en effet de commencer par les communes les plus motivées. Orange doit partager plus d'informations, par exemple en matière d'adresses, pour permettre la substitution des réseaux. De plus, une communication neutre et rassurante est nécessaire auprès des Français. Enfin, de nombreuses entreprises sont encore dépendantes du cuivre. La substitution sera aussi l'occasion de développer la concurrence dans les services aux entreprises, ambition portée par l'Arcep depuis longtemps.
Enfin, je souhaite aborder la prise en compte de l'empreinte carbone du numérique des télécommunications, qui représente 2 % des émissions en France. Cela semble peu, mais cette proportion augmente : nous devons être à la hauteur des exigences. Nous avons donc ouvert un nouveau chapitre de la régulation, avec la prise en compte des enjeux environnementaux du numérique. Grâce à la loi de Patrick Chaize visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l'Arcep, adoptée en décembre 2021, notre pouvoir de collecte des données est élargi à l'ensemble des acteurs du numérique. Les résultats enrichiront l'enquête annuelle Pour un numérique soutenable. Nous avons quatre objectifs : informer le public et toutes les parties prenantes ; identifier les activités des acteurs économiques susceptibles d'avoir un impact positif sur l'environnement ; encourager un ciblage des actions sur celles qui sont les plus efficaces ; enfin, suivre les indicateurs dans le temps, pour évaluer les actions de protection de l'environnement.
Pour conclure, je vous assure de l'engagement de l'ensemble des membres du collège pour défendre l'intérêt général et les politiques publiques que le Parlement nous fixe, avec pour boussole la satisfaction des utilisateurs.