Intervention de Laure de La Raudière

Commission des affaires économiques — Réunion du 25 janvier 2023 à 9h00
Audition de Mme Laure de la Raudière présidente de l'autorité de régulation des communications électroniques des postes et de la distribution de la presse arcep

Laure de La Raudière, présidente de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) :

Orange nous a saisis mi-octobre 2022 d'une demande de révision des tarifs de dégroupage. Nous avons jugé la demande légitime pour la part fixe de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseau (Ifer), c'est pourquoi nous avons mis une proposition de révision en consultation publique juste avant Noël.

Orange a néanmoins décidé de contester devant le Conseil d'État le tarif de dégroupage fixé à l'issue de l'analyse de marché de décembre 2020. Ne pouvant commenter une procédure en cours, je me contenterai d'indiquer qu'il y a à ce jour 15 millions de lignes cuivre actives, représentant deux milliards d'euros de revenus annuels pour Orange au tarif actuel.

Même si les opérateurs ont su faire preuve de résilience, l'économie de la filière est affectée par la crise énergétique et l'inflation. Le marché des services de télécommunications de masse est un marché mature qui nécessite de lourds investissements. Les opérateurs peinent à trouver des relais de croissance, ce qui rend l'équation économique difficile à résoudre, pour Orange comme pour les autres.

Certains territoires ne recevront pas la fibre avant quelques années ; c'est pourquoi le maintien d'un réseau cuivre de qualité reste indispensable. Rien ne laisse penser qu'Orange ne serait pas en mesure de respecter ses obligations de qualité de service. Les problèmes ne sont au demeurant pas récents : dès 2017, nous avons constaté une baisse de la qualité de service, qui avait conduit l'Arcep à adresser une mise en demeure à Orange. Après une amélioration, la situation s'est à nouveau dégradée en 2020. Nous avons fixé des seuils chiffrés que doit respecter l'opérateur.

En 2021, sous la pression des élus, du Gouvernement et de l'Arcep, un plan cuivre a été mis en place avec Orange. Le Premier ministre a demandé aux préfets, dans une circulaire, de créer des comités de suivi. La mise en place a été plus ou moins satisfaisante selon les départements. Un point sur le sujet avec l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) serait bienvenu.

Nous avons besoin d'un réseau cuivre qui tienne la route jusqu'en 2030. Là où cela est possible, Orange doit fermer son réseau pour concentrer ses efforts sur les endroits où il reste nécessaire.

Chez nos voisins, nous rencontrons des situations variables : en Espagne et en Suède, 94 % à 96 % des locaux sont fibrés et le projet de fermeture du réseau en cuivre remonte à 2015. Il y a néanmoins des indicateurs de qualité de service pour ce qui reste du réseau. L'Allemagne et l'Italie sont beaucoup moins avancées et les opérateurs se voient aussi, bien sûr, imposer des obligations de qualité de service. Le maintien de cette qualité est donc dans tous ces pays un enjeu important jusqu'à la fermeture complète.

C'est le rôle du régulateur que de faire respecter les engagements pris par les opérateurs. C'est pourquoi je suis surprise moi-même de l'étonnement d'Orange sur cette mise en demeure, et donc sur le fait que le régulateur joue son rôle. La lecture des engagements d'Orange ne laisse aucun doute quant à leur nature : il s'agit d'une liste de communes où la fibre doit avoir été installée à une date donnée. C'est ainsi que le comprennent toutes les collectivités en zone Amii (appel à manifestation d'intention d'investissement).

Nous avons également mis en demeure Savoie Connectée et l'opérateur XP Fibre, de respecter ses obligations en zone Amel (appel à manifestation d'engagements locaux), ainsi que SFR dans la Nièvre.

Madame Loisier, le fair share est un débat vieux de plus de dix ans. Toute remise en cause du Règlement internet ouvert doit être exclue de ce débat ; en revanche, il est légitime de responsabiliser les Gafam sur l'augmentation du trafic. D'aucuns estiment que seuls les utilisateurs d'internet sont responsables ; c'est oublier le modèle économique des plateformes, qui repose sur l'économie de l'attention, les incitant à générer toujours plus de bande passante. Il faut donc les sensibiliser à l'impact environnemental de l'explosion des usages numériques et au besoin en financements publics que représente la construction de réseaux THD dans les territoires non rentables. La Commission européenne doit annoncer une grande consultation publique sur le sujet le 10 février 2023.

Concernant l'accès aux infrastructures autoroutières, j'invite les opérateurs qui se plaignent de difficultés d'accès à nous solliciter sous la forme du règlement de différend, qui nous permet d'instruire les dossiers et d'arbitrer. En général, nos décisions font office de nouvelle norme sur un marché.

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