Permettez-moi, en préambule, de vous dire quelques mots me concernant et de partager effectivement avec vous les enjeux essentiels de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique dans les années qui viennent.
Mon expérience à France Télévisions, premier média des Français, m'a placé de façon opérationnelle pendant près de vingt-deux ans au coeur des enjeux stratégiques, industriels, concurrentiels et éditoriaux du secteur audiovisuel en général et de l'audiovisuel public en particulier. Auprès de quatre présidents et présidentes, j'ai eu la chance, au cours de ces années, d'évoluer dans ce groupe : j'ai commencé au niveau des régions pour France 3 ; j'ai ensuite travaillé, à la direction générale de France Télévisions, à la création de France 24 et de France 4 ; j'ai participé aux négociations avec l'État actionnaire du contrat d'objectifs et de moyens (COM) ; j'ai également intégré la régie publicitaire de France Télévisions au moment où nous recherchions des recettes complémentaires à la suite de la disparition de la publicité après 20 heures ; enfin, j'ai passé un peu plus d'un passionnant septennat à France 2 en tant que directeur adjoint des programmes, puis secrétaire général, directeur délégué de la chaîne, plus récemment en tant que secrétaire général des antennes et, depuis deux ans, directeur adjoint de la communication et du marketing de France Télévisions.
Au travers de ces responsabilités successives, j'ai eu la chance et l'opportunité d'intervenir dans toute la chaîne de valeur et de compétence de notre secteur, avec, à la clé, de nombreux résultats et réalisations concrètes. J'ai toujours eu à coeur de faire bouger les lignes au niveau tant des programmes que du renforcement de leur événementialisation, du management des équipes, du management des talents dans tous les domaines et dans tous les genres de programmes, de la création audiovisuelle et cinématographique qui est la clé de voûte de notre exception culturelle, de l'information indépendante au service du pluralisme et de la démocratie, du développement des partenariats entre les différents acteurs de l'audiovisuel public, de la proximité et de la représentation de tous les territoires sur les antennes, d'une politique active en matière de diversité et d'inclusion pour mieux rassembler et représenter les Français, et d'un engagement fort sur des questions de société essentielles au travers de programmes emblématiques pour lever les tabous et faire bouger les lignes, les représentations, et lutter contre les discriminations. En somme, j'ai pu mener une stratégie éditoriale et de développement ambitieuse pour mieux répondre et répliquer à la concurrence des plateformes internationales de vidéo à la demande.
Je tenais à insister sur ma participation à une aventure entrepreneuriale à la fin des années 2010, lorsque j'ai rejoint l'équipe d'une chaîne thématique privée : Ma chaîne étudiante. J'ai eu à cette occasion l'opportunité d'animer une émission politique qui s'appelait Face aux jeunes.
En outre, ma seconde casquette, celle de professeur des universités associé au Celsa Sorbonne Université, m'a offert la possibilité depuis plus de quinze ans, d'une part, de partager avec de très nombreuses promotions d'étudiants des clés et des codes de compréhension et d'analyse des industries médiatiques, et, d'autre part, de donner à tous ces étudiants l'envie d'intégrer ces secteurs pour faire bouger les lignes, pour raconter des histoires à un large public dans tous les genres de programmes, pour créer et accompagner des contenus qui fédèrent, interrogent et font sens, pour participer à notre exception culturelle et au rayonnement de notre culture à l'international.
J'ai ainsi pu développer une expérience et une expertise, que j'espère reconnues, dans l'analyse des transformations et des mutations du secteur audiovisuel au niveau de la chaîne de valeur, dans la compréhension des nouveaux enjeux de la régulation, dans la nécessité de l'événementialisation pour mieux créer un sentiment d'urgence autour de programmes à fort potentiel d'audience et d'impact, ou dans le décryptage des stratégies d'adaptation des groupes télévisuels historiques à la nouvelle donne concurrentielle au sein de l'univers numérique.
Fort de cette riche expérience, désormais, je souhaite vivement, à quarante-cinq ans, donner un nouvel élan à mon parcours en mettant ma connaissance intime de l'audiovisuel, de ses rouages et de ses différents acteurs au service de l'intérêt général et au service d'un secteur essentiel au vivre-ensemble et au rayonnement de la France, faisant face à de multiples défis et frontières.
Je tiens d'ailleurs à souligner que mon expérience et mon réseau vont bien au-delà du seul secteur de l'audiovisuel public. Ainsi, je compte de très nombreux contacts et relais dans la plupart des groupes télévisuels privés. À titre d'exemple, j'ai commencé à l'École des hautes études commerciales de Paris (HEC) par un stage de six mois à TF1 ; j'ai fait partie de l'équipe projet qui a lancé et créé France 24, à l'époque un partenariat entre France Télévisions et TF1. Je connais aussi extrêmement bien les principaux producteurs intervenant sur le marché français. J'ai également développé au fil des ans des relations d'échange et de confiance avec les syndicats de producteurs, les sociétés d'auteurs, les principales rédactions et avec les acteurs du numérique.
J'ai donc la conviction d'avoir les capacités et la crédibilité pour appréhender et accompagner au mieux les nombreux enjeux des secteurs de la communication entrant dans le champ de régulation de l'Arcom. Ces enjeux sont autant de combats que j'ai envie de porter autrement, avec toujours autant de force, de conviction et d'envie de faire bouger les lignes, combats qui sont aussi les vôtres au sein de cette commission, parmi lesquels je citerai la défense tous azimuts de notre exception culturelle et de la création française, ou encore la représentation sur les antennes et dans les programmes de toutes les diversités de la société française et de tous les territoires, en veillant plus particulièrement à la ruralité et aux Français de la France d'à côté.
Au-delà des polémiques, parfois stériles, au-delà de la société du défouloir, qui, comme l'a dit récemment Sibyle Veil, « ne tardera pas à lasser », les médias audiovisuels et numériques, pas uniquement publics, au travers de leur fonction de représentation, dans la nuance et en prenant de la distance par rapport à une certaine posture de verticalité, doivent jouer un rôle moteur pour redonner de l'espérance et reconstruire une relation de confiance avec les Français.
Il s'agit d'un enjeu démocratique et d'un enjeu de société essentiels pour le vivre-ensemble. L'Arcom a beaucoup fait bouger les choses ces dernières années ; souvenons-nous que ce qui était à l'époque le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pointait du doigt la « pâleur » de nos écrans. Force est de constater que ce sont ces prises de position qui ont amené les acteurs à bouger ; j'ai agi en ce sens à France Télévisions. Il faut donc aller plus loin, amplifier les efforts ; je serai à la disposition du collège pour le faire.
Dans cette optique, l'Arcom doit également accompagner avec conviction les médias pour qu'ils relaient plus les initiatives locales et la créativité des territoires, qui sont autant de sources d'inspiration. Les valeurs et l'universalité de la République, une, indivisible et laïque, sont au coeur de cet enjeu politique, citoyen et de société. Concernant la laïcité, je tiens d'ailleurs à souligner que, pendant plusieurs années, les émissions religieuses de France Télévisions étaient rattachées à mes services. J'ai également travaillé abondamment à France Télévisions sur les questions essentielles du handicap et de l'inclusion. Il reste encore beaucoup à faire à l'Arcom, et j'espère pouvoir apporter ma contribution.
D'autres chantiers essentiels, sur lesquels votre commission est particulièrement à l'oeuvre, sont la lutte contre la désinformation, l'éducation aux médias main dans la main avec notre école, et - je le dis de façon claire - une attention accrue sur le respect par les acteurs régulés des règles relatives à la déontologie, mais également leur respect des publics et du pluralisme, véritable enjeu de société en matière de développement de la citoyenneté.
Je souhaite partager une réflexion. L'Arcom doit accompagner de manière plus importante encore les médias audiovisuels et numériques, sans ingérence et dans le cadre de la liberté de la communication audiovisuelle qui est le socle de notre régulation, afin qu'ils fassent oeuvre et preuve de plus de pédagogie, notamment à l'égard du jeune public et au-delà des seules périodes électorales, pour mieux expliquer nos institutions, leur fonctionnement, le rôle du Parlement ou encore les enjeux de la décentralisation. Cela me semble essentiel pour restaurer la confiance des citoyens dans la démocratie, favoriser une démocratie plus participative et amener peut-être les plus jeunes à se détourner de l'abstention.
Autre enjeu essentiel au sein du secteur audiovisuel, le maintien d'un équilibre entre les groupes privés et les acteurs publics est le gage du pluralisme des médias. Je resterai toujours un fervent défenseur de l'audiovisuel public, d'autant plus en ces temps agités à tous points de vue, mais il nous faut un équilibre ; les acteurs privés doivent donc être solidement implantés, d'où l'enjeu, au nom de la souveraineté culturelle, de construire ensemble une capacité de riposte de notre paysage audiovisuel français à la nouvelle donne concurrentielle internationale. Nous devrons collectivement favoriser l'émergence de champions nationaux et européens ainsi que le développement de dynamiques de coopération entre les acteurs publics et privés. Pour cela, il faudra sans doute, tous ensemble, se poser sérieusement la question de l'évolution des dispositifs en vigueur en matière de droit de la concurrence et de règles anti-concentration ; je vous sais très impliqués en la matière. De ce point de vue, l'Arcom joue un rôle important au niveau de son rôle de consultation et d'expertise.
Enfin, d'autres questions tout aussi essentielles se posent : protection du droit d'auteur, lutte contre le piratage, initiative au long cours pour favoriser les offres légales ; je mentionnerai également la solidarité, la santé ou encore l'environnement, autant d'éléments au centre de mes préoccupations à France Télévisions. Enfin, si vous m'accordez votre confiance, j'aurai aussi à coeur de pouvoir accompagner l'Arcom dans le développement d'un dialogue régulier avec le Parlement, et plus particulièrement avec votre commission.
Autant de combats pour lesquels j'ai obtenu, monsieur le président, des résultats concrets ces dernières années. J'ai envie de les amplifier, de les poursuivre autrement, avec, toujours chevillées au corps et au coeur, la soif et l'ardente obligation d'aller toujours plus loin et de faire bouger les lignes et les représentations. Tous ces enjeux doivent conduire sans doute l'Arcom à être encore plus au coeur du débat, au coeur de la cité. Je voudrais pouvoir humblement participer à cette dynamique avec toute ma personnalité et mes convictions.
Pour conclure, permettez-moi un mot plus personnel. Tout comme vous, j'ai une haute idée de la République et de ses institutions. Après tout ce parcours, être aujourd'hui devant vous, sur proposition du Président du Sénat, pour intégrer l'autorité publique indépendante qu'est l'Arcom est un grand honneur ; si vous m'accordiez votre confiance, celle-ci m'honorerait et m'obligerait. Au regard des enjeux importants d'un point de vue démocratique, ou encore économique et culturel, la responsabilité est immense ; je ferais tout pour être à la hauteur de cette dernière et de votre confiance. Attaché viscéralement au mérite républicain, je verrais dans votre approbation une marque de reconnaissance de mon travail et de mon investissement dans le secteur.
J'en profite pour remercier d'ores et déjà toutes celles et tous ceux qui m'ont fait confiance et fait grandir au fil des ans ; ils se reconnaîtront. Ce matin, devant vous, j'ai aussi avec émotion une pensée pour toutes les équipes que j'ai été amené à piloter, ou avec lesquelles j'ai été amené à travailler ces dernières années à France Télévisions. Je tenais enfin à saluer devant vous le collège de l'Arcom et son équipe, que je serais ravi de rejoindre prochainement si vous confirmiez cette proposition de nomination.