Vous avez évoqué plusieurs sujets de société majeurs, notamment la protection des droits de l'enfant, la lutte contre les fake news, le cyberharcèlement ou les violences sexuelles. Pendant les nombreuses années que j'ai passées à France 2, j'ai mobilisé les équipes autour de fictions ou de documentaires sur ces sujets.
Permettez-moi de prendre deux exemples : Harcèlement scolaire, ils se manifestent, avec le témoignage poignant de Nora Fraisse, et la soirée spéciale, sur France 2, consacrée à la pornographie, avec la productrice Fabienne Servan-Schreiber et la société Cinétévé, pour éclairer le public sur cette question de société.
Si vous m'accordez votre confiance, je continuerai, cette fois dans la posture du régulateur, à m'investir sur ces sujets, dans le cadre d'un engagement citoyen accru.
Au-delà du droit, qui doit rester aux niveaux français et européen le socle absolu de la régulation de l'audiovisuel, au-delà de la régulation ex post, qui laisse toute liberté aux différents acteurs, il faut sans doute remettre l'ensemble des acteurs face à leurs responsabilités sur ces questions.
S'agissant du processus de nomination, il ne m'appartient pas de commenter les tenants et les aboutissants de la procédure.
Vous avez évoqué l'audiovisuel public, qui s'inscrit, dans une vision globale, dans la nécessité d'un équilibre entre les secteurs privé et public. C'est le « coeur de réacteur » de l'évolution du secteur. Nous devons maintenir cet équilibre, gage du pluralisme des médias. Or, dans un contexte de plus en plus agité à tout point de vue et à tous les niveaux, nous avons furieusement besoin d'un audiovisuel public qui apporte toute sa différence. Pour reprendre les propos de Delphine Ernotte, « le service public est le patrimoine de ceux qui n'en ont pas ».
Par conséquent, l'audiovisuel public doit s'inscrire dans une vision de long terme. L'idée de prolonger le financement au travers d'une quote-part de la TVA me paraît constituer un signal positif, dans la mesure où il traduit une logique d'affectation de recettes.
À l'heure qu'il est, il ne m'appartient pas de vous dire comment je pourrais éventuellement me positionner au sein du collège et des différents groupes de travail.
J'en viens au sujet majeur des conventions négociées et signées avec l'Arcom. Pour ma part, j'ai beaucoup travaillé sur la notion de maîtrise de l'antenne, qu'il conviendrait sans doute de clarifier par celle de nuance des débats. C'est une proposition que je partage aujourd'hui humblement avec vous. En effet, il est important, sur un plateau, de pouvoir exprimer toute forme d'opinion, y compris sur l'audiovisuel public, dans le cadre d'une diversité de points de vue, dans une logique de maîtrise de l'antenne, qui n'empêche en rien l'expression des uns et des autres, mais permet de donner des clefs aux téléspectateurs pour se former un avis.
Ne l'oublions pas, toutes les chaînes régulées par l'Arcom peuvent être sanctionnées, y compris financièrement. Or, force est de le constater, dans cadre de l'Arcom, on a désormais la possibilité de sanctionner le monde du numérique et des réseaux sociaux. Toutefois, la panoplie des dispositifs n'est pas aussi importante que pour ce qui concerne l'univers du linéaire. Ainsi, le socle régulationnel dont nous disposons pour les acteurs privés comme publics de l'audiovisuel pourrait philosophiquement nous inspirer pour les réseaux sociaux et les réseaux numériques.
À France 2 et France Télévisions, j'ai aimé travailler avec des équipes, dans la liberté de création, l'émulation éditoriale, le management des talents, la créativité et l'investigation, en évitant toute censure ou autocensure. Je suis donc très attaché à ces principes.
C'est la raison pour laquelle l'instruction juridique des dossiers est essentielle. Or le temps du juridique est forcément plus long que celui des réseaux sociaux ou des médias en ligne. Mais il est important de prendre le temps de juger les choses.
Au coeur d'une instance de régulation sectorielle, la capacité de dialogue avec les acteurs, dans le cadre du contradictoire, me paraît essentielle, dans la mesure où les éventuelles sanctions peuvent être lourdes. Parallèlement à cette instruction juridique, il convient d'encadrer la démarche au niveau de la communication et de la prise de parole, pour remettre au centre la question fondamentale de la responsabilité des acteurs audiovisuels et numériques.
Pour répondre à votre question sur la « posture » de ma candidature, je peux dire que je connais ce secteur dans sa globalité. Ainsi, un certain nombre de mes anciens patrons sont aujourd'hui au sein de groupes privés. Ma large connaissance du secteur me permettra de prendre de la distance par rapport aux enjeux et aux acteurs, quel que soit mon attachement citoyen à l'audiovisuel public. Le moment venu, je saurai jouer un rôle d'intérêt général impliquant une posture différente. Tel est le gage de l'indépendance de l'Arcom.
Sur l'audiovisuel public, je ne peux pas vous dire quelle serait ma vision sur l'évolution de la gouvernance, puisque cela relève des pouvoirs exécutifs et législatifs. Simplement, sur ces questions citoyennes et d'enjeux numériques industriels, plus les acteurs de l'audiovisuel public sont groupés et solidaires, plus ils sont capables de faire la différence. Si France Télévisions est amenée, comme TF1 et M6, à sortir de Salto, l'enjeu sur le numérique sera absolument colossal. Aujourd'hui, les résultats de Radio France en matière de podcasts ou de numérique, ou encore de France Télévisions, avec sa plateforme France.tv, sont extrêmement encourageants. Il faut aller beaucoup plus loin en développant les coopérations.
S'agissant des plateformes de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) étrangères, la bonne nouvelle, est, depuis un an, le conventionnement entre ces plateformes et l'Arcom, qui nous permet d'avoir un socle encore plus solide en matière de financement de la création audiovisuelle et cinématographique. Il faut veiller, dans ce contexte, au respect et à la bonne application de ces conventions.
Nous avons tous constaté l'échec de la fusion entre TF1 et M6, dans le cadre d'une logique de constitution de champions nationaux par rapport à Netflix, Amazon ou Disney. Si la décision de l'Autorité de la concurrence est fondée en droit, Netflix a annoncé, au même moment, le développement d'une offre avec publicité. En la matière, nous ne pouvons rien dire en termes de régulation !
L'évolution des règles en matière de droit de la concurrence doit avancer au niveau européen, afin de permettre la constitution de champions nationaux.
À mes yeux, l'Arcom doit permettre de créer un cadre global économique et éditorial, afin que nos médias français audiovisuels et numériques puissent produire les meilleurs contenus.
Je n'ai pas évoqué les enjeux du DAB+, qui sont colossaux pour accroître l'audience consolidée de la radio. En la matière, le rôle de l'Arcom est absolument majeur.