C'est avec un grand plaisir que je retrouve votre commission, avec laquelle nous travaillons très étroitement et en confiance, compte tenu de l'investissement du Sénat sur les sujets audiovisuels.
Merci d'avoir organisé cette table ronde. Vous savez combien ce média est cher à l'Arcom. Il m'est également cher à titre personnel.
Je dis souvent que c'est le média du coeur. Vous l'avez dit dans votre introduction : c'est un média qui est plébiscité par les Français. Quarante millions de Français écoutent tous les jours la radio. C'est un média de masse très puissant, et surtout l'un de ceux auxquels les Français font le plus confiance : on croit ce que l'on entend à la radio, peut-être parfois à tort, et on lui fait confiance. Cela ressort de toutes les enquêtes d'opinion. C'est un vecteur de lien social très important, y compris au niveau local - on l'a vu pendant la pandémie, et il faut d'ailleurs tirer un coup de chapeau aux radios associatives à ce sujet.
C'est aussi un média qui mérite notre attention collective, car le marché publicitaire est effectivement en tension. Un léger rebond a eu lieu en 2021, mais le marché n'est pas au niveau de 2019. C'est un point sur lequel il faut être vigilant, car le financement de ce média est en question.
C'est également un média supporté par des acteurs puissants. Je pense notamment au secteur des radios musicales et au rôle des plateformes de streaming, dont le poids est très important - mais on pourrait aussi citer le rôle des réseaux sociaux. Les mesures d'audience en sont le reflet, même si on observe de fortes disparités entre les acteurs. Le service public - la présidente Veil aura l'occasion de l'évoquer - montre qu'on peut tirer son épingle du jeu dans ce secteur.
C'est un média qui a aussi une capacité de rebond formidable du fait du capital qui est le sien. Il sait tout d'abord s'adapter aux usages, et le mouvement du podcast, qu'il s'agisse de replay ou de podcast natif, ouvre un nouvel horizon, de même que les transformations technologiques - et j'en viens au DAB+ - sont une perspective d'avenir importante pour ce média.
C'est pourquoi, depuis que je la préside, l'Arcom a souhaité donner un coup d'accélérateur au déploiement du DAB+. La France était en retard par rapport à ses voisins, à la fois en termes de construction et de contribution au futur de la radio, mais aussi en matière de saturation de la bande FM.
Il suffit de considérer, lors de chacun de nos appels à candidatures pour la bande FM, les choix cornéliens auxquels nous sommes confrontés. De fait, l'activité contentieuse liée à la radio est considérable et occupe une place de choix face au grand nombre d'appelés et au petit nombre d'élus. Le DAB+ est un chantier prioritaire, d'abord parce qu'il répond à l'intérêt du public, avec une qualité d'écoute supérieure, un son numérique, et un incontestable confort d'écoute lorsqu'on se déplace. Lorsqu'on a goûté au DAB+, on a beaucoup de mal à le quitter.
C'est une technologie économe en énergie, moins d'émetteurs étant nécessaires pour couvrir le déploiement. L'accès des auditeurs est gratuit, sans intermédiation d'acteurs tiers. C'est une technologie qui permet d'enrichir l'offre par rapport aux bandes FM saturées. Elle s'inscrit dans le concert européen, puisque nombre de partenaires de l'Union européenne sont aujourd'hui dans une phase active ou plus avancée que nous, comme la Norvège, la Suisse, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, l'Italie, l'Espagne. La France ne peut, telle une tribu gauloise, rester repliée sur son village.
Vous l'avez dit, l'objectif pour cette année est de couvrir 50 % de la population. Je remercie les acteurs publics ou privés qui vont s'exprimer, car c'est un choix structurant pour le secteur, qui a bien évidemment un coût en termes de charges de diffusion, mais ce choix est maintenant arrêté, et il faut réussir cette opération.
Les prochaines étapes sont de poursuivre le déploiement. L'Arcom s'est mise en ordre de marche pour accélérer autant que faire se peut ses procédures, qui sont longues. Vous êtes familiers du cadre législatif et réglementaire qui est le nôtre : en France, on aime bien les réglementations. Elles sont lourdes et contraignantes. Il reste beaucoup d'étapes à franchir, mais on a mis le plus possible l'accélérateur sur le développement du DAB+.
L'heure de la promotion du DAB+ est devenue cruciale - et je suis heureux que les partenaires aient réussi à se mettre d'accord. Il faut le faire connaître aux Français.
Très souvent, on découvre le DAB+ dans un taxi à Paris, mais on ne le sait pas. Il faut que cette action de promotion se déploie. Il existe maintenant une association pour le rayonnement du DAB+, comme pour la TNT en son temps. Il faut qu'elle monte en puissance, s'adresse aux Français, fasse de la pédagogie.
Il faut aussi généraliser l'équipement. Ceci peut croiser le chemin du Parlement. Vous le savez, tous les véhicules qui entrent en circulation sont automatiquement équipés de la puce correspondante. Le renouvellement du parc, qui est un point important pour la radio, va s'accélérer, mais il faut aussi que les récepteurs individuels à domicile soient équipés, et je pense qu'on pourrait imposer cette technologie aux matériels d'entrée de gamme.
Il faut aussi prendre en compte les contraintes économiques des acteurs. Une réforme est en cours s'agissant des radios associatives et du Fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER), avec un mécanisme de bonus mis en place par le ministère de la culture. Nous avons à plusieurs reprises insisté sur ce point devant vos commissions pour plaider sur cet accompagnement.
Un autre point mérite qu'on y porte attention - je vous ai écrit à ce sujet. C'est celui des mentions légales. C'est un sujet récurrent auquel il faut aujourd'hui apporter une réponse. Les mentions légales participent d'une intention de transparence et d'intérêt vis-à-vis des Françaises et des Français mais, dans la mesure où toutes les radios se prolongent par une activité numérique et des sites Internet, on peut faire en sorte que celles-ci s'expriment d'une autre façon, sans altérer les messages publicitaires, à un moment où le budget publicitaire se contracte.
Quatrième point central - je sais que cela ne fait pas toujours consensus : il faut moderniser la mesure de l'audience en matière de radio. Si l'on veut trouver les bonnes solutions, il faut nommer les problèmes et s'engager absolument dans une modernisation.
Médiamétrie y est disposée et y travaille. C'est l'intérêt du secteur. Nous y sommes pour notre part favorables face aux usages nouveaux, comme le podcast, ou des technologies nouvelles, comme le DAB+.
L'Arcom est prête à apporter sa contribution, si cela fait consensus à l'issue de cette table ronde, en élaborant un Livre blanc sur la radio pour étudier l'ensemble de la problématique de ce média. Cela s'est fait en Grande-Bretagne il y a deux ans.
À quel moment devra-t-on procéder à la bascule entre la FM et le DAB - exercice qui prolongerait la table ronde d'aujourd'hui -, entendre l'ensemble des points de vue et tenter de construire ensemble des orientations pour l'avenir ? C'est la question que je verse au débat. L'Arcom est plus que disponible et nous sommes disposés à avancer ensemble.
Notre sentiment est qu'il est probablement un peu tôt aujourd'hui pour fixer une date, comme on l'avait fait en son temps pour la télévision analogique et la télévision numérique, mais il est temps de commencer à construire l'avenir de ce média de ce point de vue et de dessiner un horizon.
C'est aussi un enjeu économique, la bascule étant l'occasion d'alléger les coûts de diffusion des acteurs, qu'il s'agisse du service public ou du privé. Je salue donc le fait que l'on pose cette question.