Merci pour votre invitation. Le réseau de la Fédération nationale des CAUE dispose de 92 implantations sur le territoire national. Ces associations, dont le statut est défini par la loi de 1977 relative à l'architecture, ont pour mission de conseiller, former, informer et sensibiliser les collectivités, les particuliers, les administrations et les professionnels sur les thèmes de l'architecture, de l'urbanisme, du paysage et de l'environnement.
Les CAUE occupent une place leur permettant de réunir tous les acteurs publics et privés pour inventer collectivement des process efficaces afin d'améliorer le partage de connaissances, notamment sur les enjeux et les objectifs liés au besoin d'une rénovation plus importante. Leur position leur permet de réunir les acteurs impliqués en dehors de relations contractuelles, commerciales ou hiérarchiques. Aborder le sujet de la rénovation énergétique par le biais de la valeur culturelle de l'architecture est susceptible de mobiliser les acteurs au-delà des professionnels de la construction. La transversalité nécessaire à la rénovation du bâti ancien suppose un espace d'interaction stable et pérenne, à l'image des échanges pluridisciplinaires conduits par les communautés départementales pour la transition énergétique (CDTE).
Le CAUE de Seine-Maritime a publié un travail portant sur la réhabilitation architecturale et thermique du bâti ancien. Celui des Yvelines a étudié l'impact architectural de la rénovation énergétique sur toutes les typologies de bâtiments. L'observatoire des CAUE d'Île-de-France a organisé deux séminaires consacrés à la rénovation du bâti existant, en partenariat avec la Drac. Le CAUE de Seine-et-Marne travaille en partenariat avec l'union des architectes du département, pour lesquels des formations sont organisées. Celui de l'Essonne a entrepris la rénovation en béton de chanvre à l'intérieur d'un petit immeuble datant du XVIIIe siècle.
Les CAUE offrent une ingénierie de proximité : ce sont des conseillers identifiés et pérennes pour les élus et les acteurs locaux souhaitant réduire leur facture énergétique tout en adoptant une démarche créative dans la modernisation de leurs équipements publics. Le bâti ancien représente un tiers des logements actuels, mais il constitue l'âme de nos villes et de nos villages. Les politiques de redynamisation du commerce de proximité et de lutte contre l'étalement urbain et les îlots de chaleur abordent nécessairement cette question. La densification des tissus urbains touche le bâti ancien ; seuls les architectes maîtrisent l'insertion du bâti neuf dans des îlots anciens.
J'en viens aux enjeux d'intérêt public. La rénovation du bâti ancien n'est pas qu'une affaire de propriétaires, mais bien un enjeu vital de la transition économique et écologique. Si, lors de ces opérations, nous détruisons notre patrimoine, c'est aussi notre place dans l'histoire urbaine de notre époque que nous détruisons. Le bâti ancien joue un grand rôle dans l'attrait de la France comme première destination touristique mondiale. Afin d'encourager les propriétaires à rénover, il faut étendre les prêts hypothécaires. Des inventaires des typologies du bâti doivent être engagés dans tous les secteurs anciens en vue d'assigner des règles de rénovation. Cela dit, les règles du code de l'urbanisme se fondent sur l'aspect extérieur des constructions.
Les accompagnateurs Rénov' doivent disposer d'un socle minimal de compétences. Aidons l'ingénierie pour compenser le manque de rentabilité des missions de rénovation. Soyons lucides : si le marché était rentable, il serait déjà accaparé par les prestataires privés. Cessons de multiplier les comparaisons en matière d'efficacité thermique entre le bâti récent et le bâti ancien ; ce dernier représente une valeur qui dépasse toute comparaison avec ce que nous avons construit depuis la Seconde Guerre mondiale.
L'économie des ressources, l'intelligence bioclimatique et la diversité architecturale du bâti ancien sont les fondements de notre culture urbaine européenne. Or, depuis la Seconde Guerre mondiale, l'économie du bâtiment est entièrement tournée vers la construction neuve. Durant des décennies, nous avons privilégié la démolition au détriment de la rénovation : c'est un regard économique à court terme. Nous devons négocier un virage très serré afin de favoriser la rénovation fondée sur l'économie des ressources et la réduction des déchets. Sortons le bâti ancien de l'insalubrité, de l'inadaptation et du désamour afin de conserver une stabilité essentielle dans la perspective des grands bouleversements de notre époque. Favorisons l'occupation temporaire des bâtiments qui sont vides durant quelques mois, lors d'un changement de propriétaire par exemple. Le bâti ancien ne doit pas rester cantonné à son apparente inadaptation thermique : réinvestissons notre cadre de vie.