Hier soir, dans le cadre du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, l'Assemblée nationale a substantiellement modifié l'article L. 632-2 du code du patrimoine, qui confie à l'ABF le soin de s'assurer du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine. Nos collègues députés ont en effet souhaité ajouté que l'ABF devait tenir compte « des objectifs nationaux de développement de l'exploitation des énergies renouvelables et de rénovation énergétique des bâtiments ». Cet ajout pose tout d'abord un problème de droit, dans la mesure où l'on subordonne la législation du patrimoine à celle de l'énergie, ce qui est un précédent fâcheux. Ensuite, je ne vois pas comment, en pratique, l'ABF pourra instruire un dossier en rendant compatible son analyse architecturale et une déclinaison des objectifs climatiques nationaux dans le département. Cette modification du rôle des ABF me paraît très préjudiciable.
Je regrette que, dans ce projet de loi EnR, le patrimoine ne soit étudié que sous l'angle de la production, et jamais sous celui de la consommation d'énergie. L'ABF joue pourtant un rôle très important en matière de préservation de la consommation, d'abord parce qu'il est plus intéressant de rénover que de détruire puis de reconstruire, ensuite parce que le bâti ancien a très souvent des capacités de résilience exceptionnelles face aux évolutions climatiques.
De mon point de vue, il serait intéressant de donner plus de latitude et de moyens aux ABF pour contrôler les permis de démolir. J'ajoute que l'Agence nationale de la transition écologique a un rôle à jouer à cet égard : expliquer aux ministères que certaines pratiques anciennes, qui reposent sur l'idée qu'il est toujours plus simple de détruire et de reconstruire que de réhabiliter, ne sont plus envisageables et qu'il convient d'abord de travailler avec les services du ministère de la culture à une rénovation des bâtiments.
Ma collègue Anne Ventalon, dans son excellent rapport sur la préservation des monuments religieux, a montré que les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) sont fondamentaux, car ils assurent un service de proximité dans la gestion du bâti. Les CAUE ont du reste l'immense mérite de bénéficier d'une fiscalité propre, puisqu'ils ils sont financés en partie par la part départementale de la taxe d'aménagement. Je pense que les départements devraient davantage s'emparer de cet instrument, pour en faire, en complément des services de la Drac, un outil de proximité au service de la rénovation.