Intervention de Guillaume Gontard

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 1er février 2023 à 9h30
Proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l'exemple » durant la première guerre mondiale — Examen de l'amendement de séance

Photo de Guillaume GontardGuillaume Gontard, rapporteur :

Cet amendement pose plusieurs difficultés.

Tout d'abord, le fait de remplacer « réhabilitation » par « réintégration », qui n'est pas du tout la même chose, présente l'inconvénient de rendre impossible, demain, l'adoption conforme du texte qui a été voté à l'Assemblée nationale. Cela rendra très aléatoire l'adoption de la proposition de loi.

Le débat a largement eu lieu, et ce texte ne vient pas de nulle part : il a été travaillé avec l'ensemble des associations. Il n'a d'ailleurs pas fait l'objet de contestations, y compris lors de son adoption à l'Assemblée nationale. Il est plutôt équilibré.

D'ailleurs, les débats que nous avons pu avoir ici la semaine dernière ne portaient pas sur cette question. On a bien vu qu'il y avait un débat sur la question de la réécriture de l'histoire, du rôle du politique, mais absolument pas sur ce point. Je suis donc vraiment favorable à ce que l'on en reste au texte original.

D'un point de vie juridique, j'ai déjà indiqué que le Conseil constitutionnel avait une appréciation très souple de la réhabilitation par la loi, même lorsqu'un jugement définitif a été rendu.

Ensuite, l'objet de l'amendement reconnaît un simple « allégement des procédures défavorables aux droits de la défense, voire parfois d'une justice trop sévère dictée par des impératifs militaires ». Cela nous paraît assez en dessous de la réalité... Pour prendre l'exemple des seuls « mutilés volontaires », il a été démontré qu'ils avaient été examinés quasiment « à la sauvette » par des médecins absolument pas formés sur ce qu'était une blessure causée par l'ennemi. Ainsi, le 19 octobre 1914, à Châlons-sur-Marne, 13 soldats ont été fusillés pour présomption de mutilation volontaire, et seulement 2 ont été réhabilités, car on a pu prouver que leurs blessures avaient bien été infligées au combat. Or ces soldats sont tous passés entre les mains du même médecin, qui leur a délivré ce document qui les a conduits au peloton d'exécution. Rien qu'à cause de cela, il serait légitime de réhabiliter tous les prétendus « mutilés volontaires ».

En ce qui concerne, enfin, les inscriptions sur les monuments aux morts, il serait nouveau de dire que l'inscription doit être réservée à ceux qui ont reçu le titre de « morts pour la France ». Comme l'indiquait le secrétariat d'État auprès du ministre des armées, chargé des anciens combattants et de la mémoire, en réponse à une question de notre collègue Jean Louis Masson, le 12 janvier dernier, « les conditions d'inscription des noms des défunts qui ne se trouvent pas dans l'une ou l'autre des situations prévues [par les dispositions relatives aux morts pour la France] ne font l'objet d'aucun texte, laissant ainsi à l'autorité communale toute latitude pour admettre que d'autres noms y soient apposés. » Au reste, un, voire deux tiers des noms sont d'ores et déjà apposés sur les monuments aux morts.

Pour l'ensemble de ces raisons, je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Pour en avoir discuté avec plusieurs historiens, je suis d'avis que l'amendement ne satisferait personne : ceux qui ont travaillé sur cette question souhaitent que le texte soit adopté dans sa rédaction originelle, et ceux qui y sont opposés le resteront. Il faut donc que nous en restions là, et que le politique tranche.

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