Cette proposition de loi, tel qu'elle a été adoptée à l'Assemblée nationale, est finalement quasiment un point final mis à beaucoup de débats, plus d'un siècle après ce qui s'est passé en 1914 et 1915.
Je veux de nouveau attirer votre attention sur le fait que, dès 1916, l'Assemblée nationale, à l'unanimité, avait demandé que cette juridiction d'exception puisse cesser, que le droit de grâce puisse être réinstauré. À la suite à cela, le Président de la République de l'époque, Raymond Poincaré, avait gracié 95 % de ceux qui allaient être fusillés pour l'exemple, considérant donc déjà que ce qui avait été fait les deux années précédentes était en quelque sorte en dehors des clous habituels de la justice militaire.
Ce qui est proposé ici, ce n'est pas du tout de remettre en cause la justice militaire en tant que telle : c'est de remettre en cause un moment de notre histoire où la justice militaire, sur ordre des politiques, avait mis en oeuvre cette justice, qui n'avait rien à voir avec la justice.
C'est la raison pour laquelle je ne comprends pas très bien l'objectif de cet amendement, si ce n'est d'empêcher que nous discutions de la proposition de loi telle qu'elle a été votée à l'Assemblée nationale, donc que ayons un débat serein et objectif et que nous franchissions une nouvelle étape, qui pourrait être un peu plus définitive que les précédentes.
Je rappelle que, depuis 1916, un certain nombre de responsables politiques, de gauche comme de droite, à l'instar de Lionel Jospin, Nicolas Sarkozy et François Hollande, se sont exprimés, pour considérer que des fautes avaient véritablement été commises. Je pense que ce serait l'honneur de notre Nation de reconnaître qu'à un moment donné de notre histoire la justice militaire est allée trop loin, avec l'aval des responsables politiques.
Robert Badinter disait : « La France n'est pas le pays des droits de l'homme, mais le pays de la Déclaration des droits de l'homme. ». En regardant bien en face notre histoire sur cet aspect des choses - et sur ce qui s'est passé en 1914 et 1915 en particulier -, en discutant du texte tel qu'il a été présenté à l'Assemblée nationale et en le votant, sans user d'échappatoire malvenue, notre Haute Assemblée se grandirait. Nous pourrions alors faire honneur à notre démocratie et considérer que, sur cet aspect, nous sommes véritablement le pays des droits de l'homme.