Intervention de Emmanuel Chiva

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 30 novembre 2022 à 9h30
Audition de M. Emmanuel Chiva délégué général pour l'armement

Emmanuel Chiva, délégué général pour l'armement :

Il y a une solidarité interministérielle pour le surcoût des Opex.

En ce qui concerne les ressources humaines (RH) et des compétences dans le cadre de l'économie de guerre, le sujet se confond avec la transformation de la DGA qui vise à avoir des structures qui soient plus agiles. Cela ne nécessite pas forcément une montée en puissance des RH dédiées aux achats ou à la passation de contrats. Ce sont surtout des pratiques qui doivent être changées et sans doute une organisation qui doit être adaptée.

Concernant le plan de transformation de la DGA, vous comprendrez que je garde la primeur et un certain nombre d'arbitrages au ministre des armées. Mais je serais ravi de revenir devant vous pour vous donner le résultat, puisque nous souhaitons aller vite et publier une vision stratégique dans les prochaines semaines. L'enjeu est d'optimiser notre organisation et nos ressources.

S'agissant de nos partenaires européens, vous connaissez toute la difficulté d'avoir une culture de défense commune, mais nous nous y employons. Cette notion de coopération et d'exportation sera mise en avant dans cette transformation de la DGA. Autrement dit, quand on exporte des systèmes d'armes, on ne le fait pas pour se substituer au directeur commercial de Nexter ou d'Airbus, mais parce que notre marché national est trop petit pour que les industriels disposent de la taille critique. C'est nécessaire à la pérénnité de notre base industrielle et technologique de défense. C'est aussi pour entretenir la coopération et le partage de valeur avec un certain nombre de nos alliés. Il n'y a pas que l'Allemagne, nous travaillons aussi avec le Royaume-Uni l'Espagne, l'Italie et la Grèce, ce qui nous permet de contribuer à promouvoir cette culture commune de défense. La création du fonds européen de défense (FED) constitue une opportunité qu'il nous revient de saisir : c'est la première fois dans l'histoire que nous pouvons parler de développement de la défense, de financement et d'Europe dans la même phrase sans que cela soit un oxymore.

En ce qui concerne les contrats et les munitions, notre intention est de passer un certain nombre de marchés globaux. Pour raccourcir les délais, les industriels doivent être capables d'anticiper sur un certain nombre de matières premières, sur les stocks, sur la relocalisation, c'est un axe important sur lequel nous travaillons. En termes de munitions, par exemple, nous cherchons à relocaliser la filière de la poudre. Nous cherchons également à garantir des flux de production planchers, tout en veillant à ce que nos industriels aient la capacité à accélérer.

Le montant de la commande de munitions dans le PLF 2023 est de 2 milliards d'euros il couvre : des missiles Exocet, des missiles de moyenne portée, des missiles Aster 30, des missiles Aster 30 B1NT et des missiles Aster 30 pour les frégates de défense et d'intervention (FDI). Les livraisons concerneront des missiles Scalp-EG rénovés, des torpilles lourdes Artémis, des missiles Exocet MM40 Block 3C. Je peux également vous citer les postes de tir, les munitions MMP, des missiles d'interception à domaine élargi et des missiles Mica remotorisés.

Nous avons aussi, pour 2022, des commandes en cours de notification et notamment 29 millions d'euros de commandes pour des missiles Mistral. Évidemment, la guerre en Ukraine nous oblige à nous interroger sur un certain nombre de choses, notamment sur les filières de munitions de petit calibre, qui est un sujet qui revient régulièrement et sur lequel nous avons déjà lancé un certain nombre d'études avec certains. Jusqu'à présent ce n'était pas un sujet, puisque nous savions pouvoir disposer de commandes diversifiées du fait de la profusion d'acteurs dans le domaine, mais cette question revient et nous y travaillons.

Concernant Brasidas, qui a été lancé en 2017, le premier incrément du programme a été lancé en 2021. Aujourd'hui, nous mettons en oeuvre cette capacité opérationnelle qui nous permet de couvrir les fonctions maintenance de logistique et le référentiel du MCO-A. En 2023, il y aura le second incrément qui devra permettre de couvrir notamment les fonctions qui sont liées aux achats et aux finances. En 2024, la capacité opérationnelle devrait normalement être atteinte. En parallèle, nous « enrôlons », si vous me passez l'expression, l'ensemble des flottes d'aéronefs sur l'ensemble des fonctionnalités du système.

La société Sopra Steria est maître d'oeuvre, tandis que la société 2MoRO Solutions, spécialisée dans l'édition de logiciels de maintenance pour l'aéronautique et la défense, est sous-traitante de Sopra Steria. La trajectoire financière du programme est respectée.

Concernant la protection des Français en cas de guerre biologique , nous avons lancé un programme fédérateur, qui s'appelle Cinabre, pour Capacité Intégrée des Armées pour la défense Biologique, radiologique et chimique, qui est également un programme incrémental. Le premier incrément a été lancé en 2021. Cinabre comprend des capacités d'identification biologique et des contre-mesures médicales. Il y a un besoin souverain qui est lié au domaine des masques et des cartouches, un domaine extrêmement technique pour le NRBC, et l'acquisition de masques et cartouches de protection individuelle NRBC. On souhaite se doter de 23 400 masques et 66 600 cartouches pour les différents masques. Les premiers équipements ont été livrés en 2022. D'autres d'incréments en parallèle nous permettent de développer une filière d'identification biologique souveraine. Et puis il y a tout ce dont je ne peux pas vous parler et sur lequel travaillent à la fois nos industriels et la DGA Maitrise NRBC. Vous savez que nous avons des laboratoires assez uniques.

Concernant Exxelia, je rappelle qu'elle fournit des composants électroniques passifs pour nos systèmes d'arme. Il s'agit d'une société intéressante, car elle ne dépend pas d'une technologie américaine ; elle est contrôlée depuis 2014 par un fonds d'investissement, IK Partners, basé en Angleterre. À cette occasion, nous avions défini un certain nombre de conditions particulières engageant l'investisseur vis-à-vis de l'État, les discussions sont toujours en cours. Le nouveau repreneur s'appelle Heico, il est favorablement connu de la DGA et a prouvé sa capacité à respecter ses engagements pour la poursuite des activités de défense dans différents domaines. Nous négocions sur une lettre d'engagement renforcé, qui comprend notamment une action spécifique (« Golden Share ») qui donnera des droits étendus à l'Etat dans la gouvernance, dans le cadre d'une procédure d'investissement étranger en France (IEF) qui permet à l'État de garantir la préservation de ses intérêts. Ce n'est pas un investisseur français certes, mais aucun repreneur français n'a déposé d'offre.

Puis-je vous donner précisément une idée des grands arbitrages pour la LPM ? La réponse est non. Le Président de la République a affiché un certain nombre d'ambitions et c'est à lui qu'il revient de faire les annonces. . Il est possible d'arrêter certains programmes moins utiles pour dégager des ressources et d'en accélérer d'autres correspondant à des besoins nouveaux. Un autre levier peut être de procéder autrement : par exemple, la surveillance peut être assurée par des avions, des satellites ou des drones. Des réunions sont prévues la semaine prochaine sur le sujet, pour discuter par domaine, mais aussi par armée de ces différents paramètres.

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