Intervention de Jacques Attali

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 26 janvier 2023 à 8h30
Audition de M. Jacques Attali sur son livre histoires et avenirs de l'éducation

Jacques Attali :

Les systèmes d'éducation visaient plutôt à enseigner ce qui était utile aux princes et hommes de pouvoir ou à former des prêtres et à maintenir les élites dans la ligne de la religion dominante. Vers 800-700 avant notre ère, le peuple juif a fait exception en visant à ce que tout le monde sache lire et écrire pour accéder aux textes religieux. Aux débuts du christianisme, l'Église a eu l'obsession de prendre le contrôle des écoles pour enseigner aux clercs. Cette prise de pouvoir de l'Église dans le monde européen a duré longtemps. On a enseigné en latin jusqu'au XVIIe siècle. C'est le monde protestant qui a fissuré ce modèle, pour installer une connaissance directe des textes religieux et aller au-delà de la connaissance de ces seuls textes. Dans la société française, le poids du religieux dans l'enseignement est resté fort. Les jésuites ont très vite contré la réforme, en créant un système scolaire sophistiqué, y compris en matière de doctrines pédagogiques, visant à maintenir le contrôle sur l'éducation des élites. C'est seulement à la fin du XIXe siècle que ce modèle a évolué, en créant le concept original et très français de laïcité, alors qu'ailleurs on a plutôt développé l'idée d'une indifférence de l'école vis-à-vis de la religion. La religion reste encore aujourd'hui présente dans l'éducation dans beaucoup de pays. Dans le monde musulman, il existe une volonté de faire apprendre les textes religieux, parfois au détriment de la recherche scientifique. À ses débuts, l'Islam était très en avance en matière de connaissances et de sciences, avant de faire le choix de la fermeture au XIIe siècle. La tyrannie du religieux sur l'éducation est également forte dans la société américaine. La France est un cas particulier où le concept de laïcité va à contre-courant de la tendance naturelle à laisser les communautés faire ce qu'elles veulent.

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