Intervention de Rouslan Stefantchouk

Réunion du 1er février 2023 à 14h30
Allocution de m. rouslan stefantchouk président de la rada de l'ukraine

Rouslan Stefantchouk :

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes-vous demandé pourquoi on nous tue ? On nous tue uniquement parce que, tout comme vous, nous aimons notre terre ; parce que, tout comme vous, nous respectons notre histoire millénaire ; parce que, tout comme vous, nous chérissons notre langue.

Vous êtes-vous demandé comment on nous tue ? On nous tue, cyniquement, avec toutes les armes disponibles : les missiles balistiques, les drones kamikazes ; on nous tue par le froid et l’obscurité, en détruisant les infrastructures énergétiques critiques.

Vous êtes-vous demandé qui nous tue ? Celui qui, sous couvert d’une « opération militaire spéciale », a lancé cette invasion à grande échelle, celui qui rêve de restaurer l’empire russe ou l’Union soviétique, celui qui fait fi du droit international et des normes de coexistence pacifique. C’est sur son ordre que nous sommes tués par ceux qui, hier encore, nous juraient être nos frères.

« L’opération militaire spéciale » en Ukraine, telle que la qualifie l’agresseur, n’est que la couverture cynique d’une invasion de l’Occident que seule notre victoire pourra arrêter.

Chers amis, notre voie est non pas de déposer les armes, mais de riposter et de défendre notre terre. L’Ukraine est devenue le bouclier qui protège l’Europe et l’ensemble du monde civilisé.

L’ennemi cruel sème la mort et la destruction. Il produit des fake news qui font reposer la responsabilité de ses crimes, collectivement, sur l’Occident. Ne cédons pas à la désinformation de Moscou, qui a des racines historiques profondes : nous avons tous en mémoire les faux villages de Potemkine qui induisirent en erreur l’impératrice Catherine II. Deux cents ans plus tard, le même procédé a été utilisé pour persuader le monde entier que les tragédies d’Irpin et de Boutcha n’avaient pas eu lieu, que c’était du théâtre et que les images filmées sur place ne montraient que des acteurs.

J’ai aussi en mémoire un exemple éloquent datant des années 1930, au moment où Staline tuait les Ukrainiens par la famine. Un document d’archives de l’époque montre l’arrivée en Ukraine du président Édouard Herriot. Or celui-ci n’a rien vu de la famine, car on ne lui a fait visiter que des villages et des kolkhozes prospères…

Nous ne pourrons vaincre qu’ensemble, car l’envahisseur ne s’arrêtera pas à l’Ukraine dans son entreprise d’expansion du monde russe. Peu importe comment il le fera, par les armes ou par l’idéologie. La bête se présente aujourd’hui comme un agneau, mais elle aspire toujours à tuer et à s’emparer de nouveaux territoires.

Chers amis, un grand penseur français, René Descartes, a dit en son temps que, si l’on nommait les choses clairement et distinctement, la moitié des erreurs de l’humanité serait évitée. Je vous demande donc d’appeler les choses par leur nom en désignant la Fédération de Russie comme un État terroriste. Je demande au Sénat de soutenir cette décision, déjà adoptée par le Parlement européen, par les assemblées parlementaires du Conseil de l’Europe et de l’Otan, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, ainsi que par les parlements et gouvernements de plusieurs pays.

Je salue également la solidarité dont vous faites preuve en réclamant la création d’un tribunal spécial pour traduire devant la justice les auteurs de crimes de guerre. Seule l’absence d’impunité, principe suprême de la justice, rendra impossible la reproduction de ces crimes à l’avenir. Tant que la Russie continuera son agression et ne se retirera pas du territoire ukrainien, elle n’aura sa place ni parmi les pays du G7 et du G20 ni aux jeux Olympiques de 2024 à Paris.

Prenant conscience de l’ampleur de l’agression, la France a soutenu la résolution de l’ONU sur le mécanisme de compensation des dommages causés à l’Ukraine. Je vous remercie aussi, une nouvelle fois, de votre leadership dans l’octroi d’armes à l’Ukraine, qui nous aidera à nous défendre et, par conséquent, à vaincre.

De nombreux pays ont suivi votre exemple et nous aident. Nous obtiendrons bientôt les chars si nécessaires à l’Ukraine. Nous espérons que la France sera le premier pays à nous livrer des avions modernes.

Vos Caesar, vos Crotale, vos systèmes de lance-roquettes unitaires, dits LRU, vos chars légers AMX 10 RC ont déjà fait leurs preuves sur le champ de bataille, en nous aidant à contenir efficacement l’ennemi. Mais notre priorité reste d’obtenir des avions, des blindés lourds et des moyens de défense anti-aérienne et anti-missiles, pour avoir la supériorité au sol et fermer le ciel au-dessus de l’Ukraine.

Nous sommes un peuple pacifique et, même face à cette agression militaire, nous pensons toujours à la paix – une paix stable, car nous n’avons pas besoin de ce qui ne nous appartient pas : nous ne faisons que défendre ce qui est à nous. C’est pourquoi le président Zelensky a proposé un plan de paix en dix points pour mettre fin à la guerre.

Chers amis, aidez-nous à créer une nouvelle architecture puissante de sécurité européenne et mondiale, qui ne se fasse pas au prix de reculades et de compromis dont nos enfants et nos petits-enfants auraient honte.

Nous avons besoin de garanties de sécurité solides, comme l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne et dans l’Otan. Depuis cette tribune, j’appelle ces organisations à nous accueillir sans hésitation parmi leurs membres, à nous recevoir comme une famille reçoit un guerrier de retour après une lutte terrible, un guerrier qui a protégé sa famille, sa terre et notre avenir européen commun.

Nous sommes profondément reconnaissants à la France de nous avoir octroyé le statut de candidat à l’entrée dans l’Union européenne. Car, en mars 2022, au sommet de Versailles, c’est bien la France qui a fait évoluer les choses, deux semaines après le dépôt de la candidature ukrainienne. Les dirigeants de l’Union européenne ont alors décidé que l’Ukraine en deviendrait membre, quelle que soit l’évolution des événements.

Comme l’a écrit en substance Honoré de Balzac, qui, comme vous le savez, avait trouvé l’amour en Ukraine

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