Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier la rapporteure Laurence Rossignol du travail qu’elle a mené sur cette proposition de loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, déposée par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Notre collègue Bernard Jomier, à l’initiative de ce texte, reprend ici une revendication défendue par des collectifs de membres du personnel soignant depuis plusieurs années.
En France, il existe déjà des ratios de soignants par patient dans des services très spécifiques tels que le bloc opératoire, la réanimation et la dialyse. Instaurer des ratios pour chaque spécialité et activité de soins permettrait une amélioration des conditions de travail et contribuerait à rendre les métiers un peu plus attractifs pour les personnels. Ce serait également la garantie d’une meilleure prise en charge des patients.
La politique de réduction des dépenses de santé et de non-recrutement de personnel hospitalier a mécaniquement entraîné une augmentation du nombre de patients sous la responsabilité des soignants.
On le sait, l’une des causes majeures des difficultés de recrutement et de la fuite de personnels soignants, en particulier infirmiers, est, plus encore que la faiblesse des salaires, l’augmentation de la charge de travail due au manque d’effectifs. Cette question est d’autant plus importante qu’une étude, parue dans la revue scientifique The Lancet, a démontré qu’améliorer le ratio de soignants par patient diminuait la mortalité, les réadmissions et la durée de séjour.
L’idée d’instaurer des quotas est donc fort séduisante. Malheureusement, mes chers collègues, cette proposition de loi ne présente pas que des avantages.
En effet, dans le contexte actuel de pénurie, cette proposition risque plutôt de produire des effets pervers. Sans recrutement supplémentaire, et à moyens constants, mettre en place des seuils minimums induit forcément de prendre des effectifs dans tel service pour renforcer tel autre. En d’autres termes, cela revient à déshabiller Pierre pour habiller Paul !
Nous avons été alertés par des soignantes et des soignants qui s’inquiètent d’une possible concurrence entre les services pour obtenir des ratios plus importants. Ils craignent, en quelque sorte, de voir s’ouvrir une guerre entre chefs de service. En l’état actuel des choses, ce dispositif peut donc contribuer à accélérer la fermeture de lits, voire à remettre en cause les 35 heures.
Pour ces raisons, nous estimons que l’instauration de ratios de soignants par soigné doit aller de pair avec une hausse massive des moyens alloués à l’hôpital. Madame la ministre, vous vous êtes bien gardée de vous engager sur ce terrain. En effet, vous avez fait l’éloge des personnels, affirmé qu’il fallait améliorer les conditions de travail, mais, actuellement, le Gouvernement n’entend pas les revendications des soignants, et n’y répond pas.