En tant que docteur en histoire, je suis bien placé pour savoir que l'histoire ne se réduit pas à des mots écrits dans des livres destinés aux rayons des bibliothèques : l'histoire est vivante et les événements qui la composent doivent être utilisés comme références en vue de l'avenir. À cet égard, en tant que parlementaires, notre responsabilité est de dire les choses telles qu'elles sont.
En 1974, la Turquie envahit une île, Chypre, dont la moitié du territoire est désormais un pays membre de l'Union européenne. Un peu plus tard, l'armée de l'Égée est positionnée par la Turquie en face des îles grecques et basée à Izmir. En 1983, la partie occupée de Chypre est proclamée République indépendante. En 1995, l'Assemblée nationale turque décide de considérer comme casus belli toute tentative de la Grèce d'étendre ses eaux territoriales, donc d'exercer son droit souverain, jusqu'à 12 milles nautiques de ses rives ; et M. Erdogan continue de suivre cette décision. La Turquie est pourtant elle-même allée jusqu'à 12 milles de ses rives, en mer Noire, bien qu'elle n'ait pas ratifié la convention des Nations unies sur le droit de la mer.
En 1996, une invasion a lieu sur le plateau continental grec, sur l'île d'Imia. En 2018 est élaborée la doctrine de la Patrie bleue : les commentateurs turcs sont nombreux à se réclamer d'un prétendu droit international pour alléguer que la Grèce, forte de ses 10 millions d'habitants, est un danger pour la Turquie, qui en compte 84 millions... La Turquie essaie ensuite d'étendre le dogme de la Patrie bleue via le mémorandum d'accord signé avec la Libye, qui a été condamné par l'Union européenne.
Concernant l'obligation pour tout pays de défendre ses droits nationaux, je renvoie chacun à l'article 51 de la Charte des Nations unies. M. Cambon a dit que l'ambassadeur turc avait évoqué, pour la déplorer, la militarisation des îles grecques, mais il est bien prévu, à l'article 51, qu'aucune disposition de cette charte ne peut porter atteinte au droit naturel de légitime défense dans le cas où un membre de l'Organisation des Nations unies est l'objet d'une agression armée.
Ces trois dernières années, le président Erdogan, son ministre de la défense, M. Hulusi Akar, son ministre des affaires étrangères, M. Mevlut Cavusoglu, et d'autres importants responsables politiques turcs, attaquent la Grèce en répétant une phrase cliché : « Nous viendrons un soir », ce qui veut dire non pas qu'ils nous rendront visite pour boire un verre de raki, mais bien qu'un jour ils provoqueront une invasion... C'est exactement ce que la Turquie a essayé de faire sur le fleuve Evros, en instrumentalisant des migrants et des réfugiés qui souhaitaient se rendre en Europe occidental, les utilisant en tant qu'armes afin de violer nos frontières.
Heureusement, tous les États ont été à nos côtés, c'est-à-dire aux côtés de la paix et des traités internationaux. La Grèce ne mendie rien ; elle veut seulement le respect du droit international et le soutien de sa famille européenne. La France agit en ce sens, comme en témoigne l'accord signé par MM. Macron et Mitsotakis. Et l'Europe peut jouer un rôle primordial de locomotive, en défendant les droits et les libertés hérités de la Révolution française.