Intervention de Sophie Primas

Commission des affaires économiques — Réunion du 8 février 2023 à 9h00
Viande in vitro — Audition de Mm. Thierry Marx chef cuisinier étoilé étienne duthoit fondateur et directeur général de vital meat nicolas morin-forest cofondateur et président de gourmey et jean-françois hocquette directeur de recherche à l'institut national de recherche pour l'agriculture l'alimentation et l'environnement inrae

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, présidente :

Nous avons le plaisir ce matin d'accueillir quatre invités venant d'horizons divers : l'entrepreneuriat, la cuisine et la recherche. Ce qui les réunit est d'avoir, directement ou indirectement, quelque chose à nous dire sur ce qui est appelé « viande in vitro », « viande artificielle », « viande cellulaire » ou encore « viande cultivée » selon que l'on soit pour ou contre - la dénomination « viande » ne fait elle-même pas pleinement consensus...

Cette table ronde s'inscrit dans le cadre de la mission d'information sur la viande in vitro, que j'ai confiée à nos collègues Olivier Rietmann et Henri Cabanel. La mission rendra ses travaux le 8 mars, soit quelques jours après le salon de l'agriculture.

Pour poser le sujet, la viande in vitro est différente des alternatives à base de protéines végétales comme les galettes de soja ou de pois. Il s'agit littéralement de cellules animales, prélevées soit par biopsie sur un animal vivant, soit dans un oeuf ou un cordon ombilical ; ces cellules sont ensuite placées dans un bioréacteur et sont « nourries » dans un milieu de culture à température physiologique, qui contient des nutriments et dont la composition, qui varie d'une entreprise à l'autre, est bien souvent un secret de fabrication. Vous pourrez peut-être tout de même, messieurs, nous apporter quelques précisions à ce sujet.

Les entreprises du secteur avancent des promesses notamment en termes d'opportunités économiques, d'autonomie protéique, de bien-être animal et d'impact environnemental de notre alimentation. Ces promesses sont toutefois entourées de nombreuses incertitudes car il n'existe pas de produits à l'échelle industrielle en dehors de prototypes. Il sera important néanmoins que nos invités discutent de la réalité ou non de ces promesses dans l'hypothèse où la production viendrait à se développer.

Ce sujet peut certes paraître lointain, puisque la technologie n'est pas complètement mature et qu'aucune demande d'autorisation n'a été déposée pour l'heure au sein de l'Union européenne (UE) sur le bureau de l'autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Il nous a néanmoins paru important de défricher cette question, car il semble que l'on soit progressivement en train d'approcher du passage entre le laboratoire et le site industriel. Exemple récent, l'entreprise américaine Upside Foods a passé la première étape de l'autorisation de mise sur le marché aux États-Unis en novembre 2022 et il se dit que, dans l'UE, de premiers dossiers pourraient être déposés dès 2023.

En France, pays où la gastronomie et l'élevage ont un ancrage pluriséculaire, cette innovation suscite bien sûr des réactions contrastées et passionnées. Des réticences fortes s'expriment, tantôt au sujet de la viabilité de notre élevage, tantôt au titre de la sécurité sanitaire de l'alimentation.

Le ministère de l'agriculture a émis de façon constante de fortes réserves à l'égard de cette technologie et a soutenu un amendement dans la loi « Climat et résilience » interdisant les « denrées alimentaires qui se composent de cultures cellulaires ou tissulaires dérivées d'animaux » dans la restauration collective publique.

Mais dans le même temps, Bpifrance a accordé sur des fonds européens une aide à plusieurs entreprises du secteur dans un contexte de forte compétition à l'échelle mondiale pour la maîtrise de cette technologie. Et ailleurs en Europe, les Pays-Bas, sur fond de crise de leur modèle agricole, ont fait de l'« agriculture cellulaire » l'un des cinq piliers de leur stratégie pour l'autonomie protéique.

Nous avons la chance d'avoir autour de la table les dirigeants des deux principales entreprises qui développent de la viande in vitro en France et deux personnalités qui, pour des raisons différentes, ont un regard plutôt critique sur cette technologie.

Nous recevons ainsi : M. Nicolas Morin-Forest, cofondateur et président de Gourmey, start-up hébergée au Génopole à Évry, qui entend fabriquer du « foie gras de culture » ; M. Étienne Duthoit, directeur général de Vital Meat, filiale du groupe Grimaud spécialisé dans la sélection animale et l'élevage de volaille, qui souhaite fabriquer des cellules de poulet pour des plats transformés, par exemple des nuggets ; M. Jean-François Hocquette, directeur de recherche à l'unité mixte de recherche sur les herbivores à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) - il a publié de nombreux articles sur la viande in vitro et ses limites - ; enfin, M. Thierry Marx, dont je précise qu'il s'exprime en tant que chef étoilé et non en tant que président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih). Thierry Marx a ouvert avec son associé, le chimiste Raphaël Haumont, un « Centre français d'innovation culinaire » à Paris-Saclay, qui s'intéresse à l'alimentation de demain. Il a, pour l'anecdote, cuisiné une poularde au vin jaune et aux morilles pour Thomas Pesquet quand il était dans la station spatiale internationale. Mais je crois que, se définissant comme flexitarien ou végétarien, Thierry Marx nous parlera plutôt de la végétalisation de notre alimentation, qu'il voit comme une clé de notre transition alimentaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion