Intervention de Thierry Marx

Commission des affaires économiques — Réunion du 8 février 2023 à 9h00
Viande in vitro — Audition de Mm. Thierry Marx chef cuisinier étoilé étienne duthoit fondateur et directeur général de vital meat nicolas morin-forest cofondateur et président de gourmey et jean-françois hocquette directeur de recherche à l'institut national de recherche pour l'agriculture l'alimentation et l'environnement inrae

Thierry Marx, chef cuisinier :

À Paris-Saclay, avec Raphaël Haumont, dans notre centre de recherche et de développement, le Centre français d'innovation culinaire (CFIC), nous sommes curieux de l'alimentation du futur. Nous avons étudié dans le détail ce type de produits, pour lequel nous ne disposons que de peu de recul.

J'ai du mal à appeler cela « viande ». Il ne faut pas tout mélanger : dans la gastronomie, on mange une histoire, une relation à l'humain, à un terroir. Or le risque est que l'alimentation ultra-transformée découlant de ces pratiques soit réservée aux populations les plus modestes, aggravant la fracture alimentaire, au-delà de la fracture sociale. Les plus modestes sont éloignés d'un reste à vivre alimentaire suffisant.

Cela nous inquiète : il n'y a pas de goût. Pour donner une saveur et une texture aux nuggets que nous avons goûtés, il faut les aromatiser - et on sait comment l'industrie le fait. Ce n'est pas cela, se restaurer : c'est ramener une histoire, un savoir-manger et un savoir-être dans l'assiette. La table et l'alimentation, c'est le plaisir, le bien-être, la santé.

L'industrie agroalimentaire y voit une nouvelle occasion de faire du low cost pour les plus modestes. Nous restons curieux, nous ne sommes pas critiques sur l'alimentation du futur, mais il ne faut pas laisser croire que la science et la technologie pourraient simplement répondre aux impacts environnementaux et sociaux. Sur la planète, la protéine animale est surconsommée. On en mange dans de mauvaises conditions, car on a cru au low cost et fabriqué trop de protéine animale, avec des impacts environnementaux détestables. Mais le flexitarisme, avec des proportions de 80 % de protéines végétales et 20 % de protéines animales, pourrait amener à d'autres équilibres d'ici vingt ans.

Nous ne sommes ni critiques ni arbitres. À Paris-Saclay, nous considérons qu'il n'y a pas de conflit entre tradition et innovation, qu'il faut avancer pour améliorer le sort de la planète et du genre humain, mais avec précaution. À chaque fois que l'on veut nous vendre ce type de produits, on met en avant l'impact environnemental, ce qui est gênant quand on voit les besoins énergétiques pour produire cette « viande ».

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