Intervention de Anne-Catherine Loisier

Commission des affaires économiques — Réunion du 8 février 2023 à 9h00
Proposition de loi adoptée par l'assemblée nationale visant à sécuriser l'approvisionnement des français en produits de grande consommation — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Anne-Catherine LoisierAnne-Catherine Loisier, rapporteure :

Avis défavorable à l'amendement COM-8 qui vise à supprimer l'article 3. Je vous proposerai plutôt de l'améliorer.

L'amendement COM-8 n'est pas adopté.

Mon amendement COM-44 représente une position d'équilibre qui permettra d'apaiser les tensions et les craintes, car il remplit un triple objectif : éviter les livraisons à perte pour le fournisseur, éviter le risque de rupture de rayon pour le distributeur, et éviter le risque de déréférencement pour les PME.

Il existe une très forte divergence d'appréciation entre fournisseurs et distributeurs sur ce qu'il doit se passer durant le préavis de rupture, lorsqu'ils ne parviennent pas à un accord au 1er mars ; et cette situation est plus probable en période d'inflation.

En effet, d'un côté les distributeurs considèrent que durant le préavis de rupture, qui peut durer 10, 12 voire 18 mois, le fournisseur doit les livrer à l'ancien tarif, puisqu'ils ne se sont pas mis d'accord sur le nouveau. Ils s'appuient pour cela sur une jurisprudence ancienne, qui ne traitait même pas de produits de grande consommation. Il y a en effet peu de jurisprudence plus récente, car les fournisseurs et distributeurs n'envoient pas en justice leur cocontractant, même lorsqu'il y a litige.

De l'autre côté, les fournisseurs expliquent que livrer pendant douze mois à l'ancien tarif, c'est livrer à un tarif devenu caduc parce que depuis, leurs coûts ont augmenté ; pour certains, c'est même de la livraison à perte. Ils soulignent en outre que la situation actuelle incite les distributeurs à ne pas signer d'accord au 1er mars, car ils savent qu'ils seront quand même livrés, et qui plus est à un ancien tarif, donc un tarif plus faible. C'est un avantage dans l'absolu pour eux, mais aussi en relatif par rapport aux autres distributeurs qui, eux, auraient accepté des hausses de tarif.

Face à ce constat, l'article 3 prévoit que s'il n'y a pas d'accord au 1er mars, les parties peuvent saisir le médiateur pour un mois. Pendant ce mois supplémentaire, elles peuvent continuer de négocier le tarif, ou négocier un préavis de rupture. S'il n'y a toujours pas d'accord au 1er avril, alors la relation s'interrompt brutalement. Le distributeur ne peut plus rien commander, et le fournisseur n'est pas tenu de livrer quoi que ce soit.

Cette solution n'est pas satisfaisante. Déjà, car elle revient à dire que de facto, les négociations durent quatre mois en France et non plus trois. Il y a fort à parier que les parties vont toutes utiliser ce mois supplémentaire sous l'égide du médiateur ; or ce dernier ne peut pas intervenir pour des dizaines de milliers de références. Ensuite, une rupture soudaine de la relation en cas de désaccord crée des risques réels : le risque de rupture de rayon, si le distributeur n'est plus livré ; ou encore le risque de déréférencement brutal, surtout pour les PME, mais pas uniquement, puisque le préavis de rupture n'existe plus dans cet article 3.

L'amendement que je vous propose permet de résoudre l'ensemble de ces problèmes. Il précise que le préavis de rupture doit tenir compte, non pas uniquement de la durée de la relation, comme c'est le cas aujourd'hui, mais aussi des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties. Ces conditions économiques seront précisées par le juge, mais on peut déjà mentionner par exemple le taux d'inflation des intrants, la hausse moyenne de tarif acceptée par les distributeurs qui ont accepté un accord, etc.

Par ailleurs, cet amendement précise que, dans l'alimentaire, le tarif applicable durant le préavis doit au moins intégrer l'évolution des matières premières agricoles, pour qu'elles continuent à être sanctuarisées.

Désormais, les fournisseurs pourront exiger que le préavis ne se fasse pas à l'ancien tarif, puisque les conditions économiques ont changé ; les distributeurs ne risqueront plus l'arrêt des livraisons, car le préavis est maintenu ; et les PME ne risqueront plus le déréférencement soudain, puisqu'elles disposeront toujours du préavis.

En outre, le fournisseur insatisfait pourra toujours saisir le juge s'il considère le tarif comme trop faible, charge à ce juge ensuite de dire quelles sont les conditions économiques dont il doit être tenu compte pour déterminer le prix équitable pour les deux parties.

Toutes ces modifications ne sont pas expérimentales, mais pérennes. Cet amendement conserve juste la possibilité pendant trois ans de saisir le médiateur en cas de désaccord au 1er mars, mais uniquement pour négocier ce préavis, pas pour prolonger les négociations d'un mois supplémentaire.

Par conséquent, je demande le retrait pour tous les amendements sur cet article 3, puisqu'ils sont par nature incompatibles avec celui-ci et, surtout, désormais satisfaits.

Mon amendement prévoit en effet la rétroactivité du tarif pendant le préavis, ce qui satisfait les amendements COM-31 rectifié et l'amendement COM-15. Il en va de même pour l'amendement COM-32 rectifié, puisqu'il n'y a plus de rupture des relations, ainsi que pour les amendements identiques COM-3 et COM-36, puisque les PME sont désormais protégées, et enfin pour l'amendement COM-12, le médiateur tenant naturellement compte de la taille des entreprises lorsqu'il formule des recommandations.

L'amendement COM-44 est adopté. En conséquence, les amendements COM-31 rectifié, COM-12, COM-15, COM-32 rectifié, COM-3, et COM-36 deviennent sans objet.

L'amendement COM-13 est retiré.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

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