L'année 2023 est lourde de risques, mais aussi d'espoirs : les lycées maritimes regorgent de jeunes gens désireux d'entrer dans le métier marin, notre espace maritime est le deuxième au monde, et la manière dont nous appréhendons, par une action interministérielle, les enjeux qu'il représente nous permet de renforcer notre souveraineté économique et de lutter contre le réchauffement climatique.
Nous avons identifié à ce titre plusieurs priorités pour cette année : la protection de la biodiversité marine, le développement de l'économie maritime ainsi que le soutien à nos modèles de pêche et, enfin, la planification, particulièrement en matière d'éolien et de zones de protection forte.
S'agissant de la pêche, nous avons fait face, au cours de l'année 2022, à plusieurs urgences. Le coût du carburant, d'abord, a augmenté massivement et brutalement. La France s'est battue pour élever le plafond de l'aide possible en la matière, jusqu'à 330 000 euros, afin d'éviter un effondrement de la filière. Le dispositif a ensuite été prolongé jusqu'en septembre 2022, puis jusqu'au 15 février. Nous travaillons déjà pour maintenir un soutien, dont le périmètre sera réduit, après cette date, car nous ne souhaitons pas laisser les pêcheurs sans solution. Une enveloppe importante, de plus de 50 millions d'euros, a été consacrée à ce sujet, gage de notre volonté de faire de la pêche un enjeu majeur.
Il nous a fallu, en outre, affronter les conséquences du Brexit, que nous n'avons pas décidé. Un quart de la pêche française se faisant dans les eaux britanniques, nous avons réfléchi, à la demande des pêcheurs, à partir de 2021, à un plan de sortie de flotte, que j'ai voulu individuel et non sectoriel. Nous avons ainsi défini des critères d'éligibilité en respectant certains principes. Tout d'abord, nous entendions ne pas déstabiliser l'économie locale, par exemple le port de Boulogne-sur-Mer et toute la filière de mareyage en aval. Nous souhaitions, ensuite, maintenir les capacités de pêche par la redistribution équitable des quotas. Nous nous refusions en effet à augmenter nos importations de produits de la mer, qui couvrent déjà 80 % de nos besoins. Nous avons donc consacré 65 millions d'euros pour faire face aux situations individuelles, sans pour autant prévoir un plan massif concernant toute la filière. À ce titre, monsieur le président, je vous remercie de m'avoir alerté sur certaines situations individuelles. Ce plan a été co-construit avec les pêcheurs eux-mêmes et a fait l'objet d'un suivi de la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA). Enfin, à l'occasion de la réunion du Conseil de l'Union européenne visant à déterminer la répartition entre pays des totaux admissibles de capture (TAC) et des quotas de pêche, je me suis battu pour préserver les intérêts des pêcheurs français sur toutes les façades maritimes. Nous y sommes partout parvenus, en reconnaissant les efforts des pêcheurs français, en respectant la différenciation des territoires, grâce à des règles adaptées aux différents littoraux, notamment sur l'anguille, mais nous devons aller plus loin. Nous ne pouvons pas nous satisfaire du fait que les TAC et les quotas soient définis annuellement, le 15 décembre pour le 1er janvier suivant, sans offrir aux pêcheurs suffisamment de visibilité économique. Nous souhaitons donc en venir à la pluriannualité dans ce domaine. Le Conseil a accepté de travailler ainsi sur certaines espèces, mais nous devons continuer à convaincre.
Vous me demandez comment nous comptons attirer des jeunes. Nous investissons dans la formation maritime, nous doublons le nombre d'élèves officiers formés, pour rendre ces métiers attractifs afin d'accueillir des cohortes de jeunes, avant tout. Ensuite, nous allons entamer la décarbonation des navires, dont les crises du secteur, toutes liées au carburant, démontrent la nécessité. Nous avons lancé un appel à projets de 6 millions d'euros, qui s'ajoute à l'initiative France-Mer 2030, dotée de 300 millions d'euros pour atteindre le navire « zéro émission » et qui inclut la pêche. L'ambition de mon secrétariat d'État est de porter une feuille de route de la décarbonation associant l'ensemble de la filière, y compris la déconstruction. Ce processus répond à une demande des plus jeunes qui entrent dans le métier. Les ports sont associés à cet effort et une réunion a eu lieu récemment en ce sens entre les acteurs des ports d'État comme des ports décentralisés et le ministre Clément Beaune pour déployer cette stratégie. Des inflexions par rapport à l'ambition du « zéro artificialisation nette » (ZAN) seront nécessaires pour positionner sur ces sites des installations de production d'énergie décarbonée, étant entendu que la décarbonation doit irriguer tous les territoires et pas seulement les grands ports d'État.
Enfin, j'en viens à la planification en mer, rendue nécessaire par la multiplication des usages. Nous avons élaboré une stratégie nationale de la mer et des littoraux dans le cadre du Conseil national de la mer et des littoraux (CNML), qui vise à définir des zones d'activité économique, des zones plus protégées et des zones de développement de l'éolien en mer. Dans ce dernier cas, nous en sommes à des macrozones, qui aboutiront à la définition, en 2024, de zones plus précises. L'objectif - difficile à atteindre - est de produire 40 gigawatts, sur une cinquantaine de parcs, d'ici à 2050, afin de tenir nos ambitions en matière de transition énergétique, tout en maintenant des zones de pêches préservées et 10 % de zones de protection littorale, le tout en concertation avec les parlements de la mer, qui font vivre la démocratie maritime.
La volonté du Gouvernement est intacte pour renforcer la souveraineté alimentaire du pays, pour faire face aux urgences du secteur de la pêche et pour construire la filière stratégique de demain.