Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir ce matin Mme Laure de la Raudière, qui assure la présidence de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) depuis deux ans, presque jour pour jour.
Madame la présidente, nous avions eu l'occasion de vous entendre en mars 2021, peu après le début de votre mandat. Vous nous aviez alors fait part de l'avancée des programmes de déploiement des réseaux numériques, s'agissant du plan France Très Haut Débit et du New Deal mobile. Bien entendu, en deux ans, l'aménagement numérique a beaucoup évolué, avec l'accélération du déploiement des réseaux et la publication récente du plan de fermeture du réseau cuivre d'Orange.
Dans un premier temps, je souhaiterais faire un point d'étape sur la couverture en fibre optique du territoire : pouvez-vous nous indiquer où en est le déploiement de cette technologie - au regard de l'objectif de généralisation de la fibre prévue pour 2025, en distinguant entre la zone très dense, la zone d'appel à manifestation d'intention d'investissement, dite « zone Amii », et les réseaux d'initiative publique ?
S'agissant de la zone Amii, notre commission alerte, depuis plusieurs années, sur les retards pris par Orange et SFR dans les déploiements. L'opérateur historique s'était engagé à rendre raccordables, d'ici à la fin de 2020, 100 % des locaux des communes sur lesquelles il s'était engagé. Or, comme l'a déploré, cet automne, notre rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire, Jean-Michel Houllegatte, non seulement cet objectif n'était atteint qu'à 87 % en fin d'année 2022, mais on constate un ralentissement préoccupant des déploiements dans cette zone.
Comment la société Orange justifie-t-elle une telle situation et où en est la procédure de mise en demeure lancée à son égard par l'Arcep ? Face à la persistance de ces retards, ne faudrait-il pas envisager de passer à l'étape des sanctions ? La réaction d'Orange ne s'est en tout cas pas fait attendre, puisque, selon nos informations, l'opérateur aurait saisi le Conseil d'État début février, afin de soulever une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à l'encontre du pouvoir de sanction de l'Arcep, comme il l'avait déjà fait en 2019, avant de se rétracter. Faut-il y voir une volonté de déstabiliser le régulateur, voire une remise en cause des objectifs assignés par le Parlement et le Gouvernement en matière d'aménagement numérique du territoire ?
Je souhaite également aborder la question de la fermeture du réseau cuivre d'Orange, sujet indissociable du déploiement de la fibre et qui gagnera sans doute en ampleur dans les prochaines années. Je rappelle que, depuis 2020, des expérimentations sont conduites par Orange dans plusieurs communes en vue de la fermeture du réseau cuivre. Quels enseignements tirez-vous de ces expériences, notamment s'agissant du rôle de facilitateur que peuvent jouer l'État et les élus locaux dans la conduite de cet ambitieux projet ?
En décembre dernier, le premier lot de 162 communes dans lesquelles le processus de fermeture sera engagé dès 2023 a été rendu public. Or la complétude du réseau fibre n'est pas assurée dans l'intégralité de ces communes, alors qu'il s'agit d'un préalable à la fermeture du réseau cuivre : serons-nous en mesure de respecter les calendriers de fermeture envisagés ?
Enfin, en attendant l'extinction totale du cuivre, prévue à horizon 2030, l'entretien de cette infrastructure demeurera un point d'attention majeur pour les territoires. Si le déploiement de la fibre avance bien à l'échelle nationale, de fortes disparités territoriales demeurent. Selon le rapport de France Stratégie de janvier 2023 sur le plan France Très Haut Débit, certains départements à dominante rurale, notamment l'Ardèche, la Dordogne ou encore la Nièvre, dépendent toujours à plus de 25 % du réseau cuivre. Des problèmes de qualité de service ont régulièrement été déplorés sur ce réseau au cours des dernières années : où en sommes-nous aujourd'hui ? Avons-nous la garantie qu'Orange maintiendra ses investissements dans l'entretien du réseau à un niveau suffisant, malgré la décroissance tendancielle du nombre d'abonnés ADSL ? Il est capital que l'Arcep joue pleinement son rôle de vigie sur ce sujet.